Alias Khaled Chihab, directeur artistique chez D-Clik, la société, qui a produit Khamsa, Vynom , quadragénaire, a déjà réalisé de petits courts métrages d’animation à sa sortie de l’Ecole des beaux-arts d’Alger comme motion designer.
- Pourquoi n’y a-t-il pas de films d’animation en Algérie ?
Problème numéro 1, la difficulté de travailler en équipe. Entre graphistes, c’est déjà compliqué, on est chacun obligé de travailler en parallèle, souvent dans la pub, pour gagner notre vie. Mais dans ces travaux, ce sont des projets très réduits dans le temps, une semaine, alors que dans un film d’animation, on doit travailler ensemble sur de longs mois, on cherche des marathoniens, pas des sprinters.
En plus on doit être très structurés, chacun doit savoir ce qu’il doit faire, les graphistes ayant chacun leur style, la difficulté a été pour nous d’homogénéiser l’ensemble. Et bien sûr, il faut de la passion, des graphistes qui travaillaient à l’étranger, sont venus pour le film et certains ont fait des heures supplémentaires gratuitement, à distance ou sur place.
C’est important d’y croire et ça a permis à tous ces graphistes qui travaillent dans la pub, avec des codes visuels très stricts, de se libérer et de faire autre chose. Il y a des graphistes très capables en Algérie mais chacun est dans son coin, il s’agit de les rassembler et réussir à les faire travailler en équipe.
- Justement avoir un prix d’animation au Japon, c’est comme gagner le Barca au Nou Camp…
Oui, on était très contents, d’autant qu’on a adoré Ghost in the shell du maître manga Masamune Shirow, qui n’a pas fait que ça mais d’autres films, peu connus, où la narration se fait essentiellement par l’image. D’ailleurs, c’est Masamune Shirow lui-même qui nous a remis le prix au festival de Niigata. Immense hommage.
- Pourquoi dans les dialogues avoir choisi l’arabe classique et pas l’Algérien ?
En fait, on n’avait pas beaucoup le choix pour la distribution à l’international, c’était soit l’anglais, soit l’arabe pour éviter les doublages, les sous-titres.
L’Algérien, oui mais lequel, celui du Sahara, de l’Est, de l’Ouest ? On a grandi avec les dessins animés en arabe (Goldorak), donc c’est un peu un clin d’œil, en plus c’est une très belle langue. Mais on a choisi d’avoir très peu de dialogues, d’essayer de tout raconter par l’image.
- Avec des références culturelles…
Oui, on voulait mettre en avant le patrimoine, notre culture, l’architecture médiévale ou celle du désert, le tifinagh côté graphique, ce n’est bien sûr pas un documentaire sur la culture algérienne, mais on a réussi à marier une narration très ouverte, non linéaire, avec des éléments graphiques locaux.
Et comme on vient d’un background où l’ordinateur n’existait pas, on travaillait à la main, et maintenant qu’on a les ordinateurs, on a un bagage qui fait qu’on peut réaliser des choses plus inintéressantes, plus subtiles peut-être.
- On sent dans le graphisme l’influence des jeux vidéo…
Bien sûr, c’est une influence importante et on l’assume entièrement, on cite Shadow of the colossus de Fumeto Ueda ou Bloodborne de Hidetaka Miyakazi, sortis chez Sony, les graphismes Blame de Tsutomo Nihei ou Angel’s egg (disponible gratuitement sur Youtube) de Mamoru Oshii.
- Il y a un prochain film ?
On se repose un peu, mais on a commencé à travailler sur un scénario, un peu différent, mais avec en gardant la même ambiance que Khamsa.