Vives tensions entre Bamako et les mouvements de l’Azawad : Retour à la case départ au Mali ?

11/09/2023 mis à jour: 01:05
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Photo : D. R.

Le CSP-PSD, qui regroupe les différentes organisations du mouvement de l’Azawad, décide d’adopter toutes les mesures de légitime défense contre les forces maliennes qu’il accuse d’avoir pris d’assaut des positions de la mission de l’ONU.

La situation semble se dégrader, à nouveau, au Mali. A peine les premiers contingents de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) ont-ils quitté leur position que la menace de reprise des hostilités entre les autorités de transition et les mouvements de l’Azawad (nord du Mali) pèse sur la relative stabilité du pays.

Dans une déclaration rendue publique, hier, le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), regroupant les principales coordinations des mouvements politico-militaires du nord malien signataires de l’Accord d’Alger, dénonce de nouvelles violations du cessez-le-feu par l’armée malienne qui a occupé les positions de la Minusma au nord du pays.

«Le 13 août 2023, l’Armée malienne, soutenue par des paramilitaires de la milice Wagner, a pris d’assaut l’emprise onusienne dans la localité de Ber, sans aucune forme de considération aux dispositions des arrangements sécuritaires en vigueur. Profitant du repli stratégique des forces de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) afin d’éviter aux populations des bombardements aériens engagés, les forces maliennes et leur partenaire occupèrent entièrement la localité avec tout le lot de violations, de saccages, d’arrestations arbitraires, d’exécutions sommaires perpétrées sur des civils», accuse le CSP-PSD qui affirme n’avoir «à aucun moment demandé à la Minusma la rétrocession des emprises installées sur des zones qu’elle contrôlait au moment de son déploiement, mais de se retirer tout simplement, à défaut de conclure un compromis entre les parties signataires» de l’Accord d’Alger.

«Actions unilatérales»

Les représentants des mouvements politico-militaires du nord malien désignent le pouvoir de Bamako comme «seul responsable des conséquences graves qu’engendrera sa stratégie actuelle». Rappelant avoir saisi maintes fois la médiation internationale sur les «actions unilatérales» du pouvoir malien qui «sont fondamentalement contraires à l’esprit et la lettre de l’Accord d’Alger», le CSP-PSD déclare avoir décidé d’«adopter dorénavant toutes les mesures de légitime défense contre les forces de la junte partout sur l’ensemble du territoire de l’Azawad».

Le CSP-PSD appelle dans ce sillage les populations civiles à «s’éloigner au maximum des installations, mouvements et activités militaires et les rassure que ses forces feront de la sécurisation des personnes et de leurs biens leur priorité contre toutes sortes de menaces».

La CMA (coordination des mouvements de l’Azawad) a annoncé samedi avoir abattu un avion militaire malien qui prenait pour cible ses positions dans la région de Gao. L’armée malienne a, quant à elle, évoqué un «incident» qui a causé la perte de cet appareil de combat.

Au-delà, la tension est vive entre les deux parties depuis de longs mois. Le CSP-PSD a déjà accusé les autorités de transition de n’avoir pas tenu leur promesse d’avancer dans la mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger. Le premier reproche fait à Bamako porte sur la non-prise en compte par la nouvelle Constitution approuvée en juin dernier des dispositions indispensables à la concrétisation des engagements politiques et institutionnels contenu dans cet accord.

Le CSP-PSD a affirmé qu’il «ne saurait se reconnaître dans cette Constitution qui n’est ni inclusive ni consensuelle». Aussi, il a vertement critiqué la demande de retrait de la mission du maintien de la paix Minusma formulée par les forces de transition maliennes, considérant son retrait «sans une autre alternative crédible» comme une «menace pour la sécurité du Mali et toute la région». La mission onusienne assurait le suivi de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger et veillait sur le respect du cessez-le-feu.

Vide sécuritaire

«Le retrait de la Minusma sera un coup fatal porté délibérément contre l’Accord pour la paix, dont la mise en œuvre est poussive depuis sa signature et dont le gouvernement malien porte l'entière responsabilité», avait écrit le CSP-PSD dans un communiqué, mettant en garde contre «les conséquences directes sur les populations déjà fragilisées par le terrorisme et le sous-développement». Malgré cela, les autorités de Bamako ont maintenu leur demande qui a été satisfaite par le Conseil de sécurité de l’ONU avec un plan de retrait progressif qui s’achèvera le 31 décembre prochain.

Ce retrait a laissé un vide sécuritaire dans la région qui profite aux groupes terroristes. Ce vide ne peut, par ailleurs, que favoriser l’exacerbation des tensions entre les autorités maliennes et les mouvements de l’Azawad. Et l’éventuelle reprise du conflit armé entre les deux parties, comme en 2012, ne pourrait que déstabiliser davantage le Mali et aggraver les menaces sécuritaires dans la région.

D’ailleurs, jeudi dernier, le Mali a été la cible de deux attaques terroristes qui ont fait une soixantaine de morts entre civils et militaires. Ces deux attentats meurtriers semblent avoir rappelé aux autorités maliennes l’importance de respecter leurs engagements contenus dans l’Accord d’Alger.

Ainsi, en recevant vendredi l’ambassadeur d’Algérie à Bamako, El Haoues Riache, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a réaffirmé la «centralité» de l'Accord d'Alger.

Selon un communiqué de son département ministériel, le chef de la diplomatie malienne a renouvelé l’engagement du gouvernement malien à «faire avancer le processus de paix dans une dynamique nouvelle d’internalisation et d’appropriation nationale, en privilégiant le dialogue direct et inter-malien, sans interférences extérieures à la région, mues par des intérêts géopolitiques et des desseins inavoués».

Les autorités maliennes vont-elles tenir leur engagement et faire avancer ce processus de paix ? La situation telle qu’elle se présente sur le terrain exige plus que de simples déclarations pour apaiser les tensions et éviter tout retour à la case départ. 

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