Le statut de Taïwan constitue l’un des dossiers sensibles qui alimentent la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis. Pékin estime que Taïwan est l’une de ses provinces, qu’il n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949.
La Chine va faire part aux Etats-Unis de «sérieuses inquiétudes» sur Taïwan et d'autres questions liées à la sécurité lors de la visite de deux jours du conseiller américain à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, attendu demain dans la capitale chinoise Pékin. C’est ce qu’a indiqué hier la chaîne d'Etat chinoise CCTV, relayée par l’AFP.
A l'occasion de cette visite, où il rencontrera le ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Yi, dans le cadre des discussions entre Pékin et Washington visant à gérer leur rivalité, la Chine «exprimera de sérieuses inquiétudes, clarifiera sa position ferme et formulera des exigences fortement concernant Taïwan», selon CCTV. «Les Etats-Unis doivent adhérer au principe d'une seule Chine», a soutenu le média.
En juillet, la Chine a indiqué avoir suspendu des discussions avec les Etats-Unis sur le contrôle des armes et la non-prolifération nucléaire, précisant que cette décision venait en représailles à des ventes d’armes par Washington à Taïwan. Pékin considère Taïwan comme une province, bien qu’il ne contrôle pas ce territoire insulaire administré par un gouvernement élu de façon démocratique.
L’Empire du Milieu dénonce régulièrement les ventes d'armes américaines à l’île et toute action de Washington donnant à Taïwan un semblant de légitimité internationale.
En juin, les Etats-Unis ont approuvé deux ventes de matériel militaire à Taïwan d’une valeur totale d’environ 300 millions de dollars (274 millions d’euros). «Les Etats-Unis ont ignoré la ferme opposition de la Chine (...) et pris une série de mesures qui portent gravement atteinte aux intérêts fondamentaux» du pays asiatique, a souligné devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Lin Jian.
«C’est pourquoi la Chine a décidé de suspendre les négociations avec les Etats-Unis en vue d’un nouveau cycle de consultations sur le contrôle des armes et la non-prolifération» nucléaire, a précisé le porte-parole, qui était interrogé sur des discussions à ce sujet entre Pékin et Washington.
Des pourparlers, qui n’ont alors pas été rendus publics, se sont tenus en novembre dernier entre les deux premières puissances mondiales. Dans un rapport demandé par le Congrès américain, le Pentagone estimait en octobre dernier que la Chine développait son arsenal nucléaire plus rapidement que ne l’ont envisagé les Etats-Unis.
Tension en eaux troubles
Selon les estimations de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les Etats-Unis disposent d’environ 3700 armes nucléaires et la Russie de 4500, contre 410 pour la Chine.
«La Chine est disposée à maintenir la communication avec les Etats-Unis sur les questions de contrôle international des armements sur la base du respect mutuel», a affirmé le porte-parole Lin Jian. «Mais les Etats-Unis doivent respecter les intérêts fondamentaux de la Chine et créer les conditions nécessaires au dialogue», a-t-il souligné.
Le statut de Taïwan constitue l’un des dossiers sensibles qui alimentent la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis. Pékin estime que Taïwan est l’une de ses provinces, qu’il n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949.
Lors de discussions militaires organisées en janvier dernier au ministère américain de la Défense à Washington, de hauts responsables militaires chinois ont affirmé à leurs homologues américains que la Chine ne fera «jamais le moindre compromis» sur Taïwan et exhorté les Etats-Unis à «cesser d’armer» l’île.
«Sur la question de Taïwan, la Chine ne fera jamais le moindre compromis ou concession», a affirmé la délégation militaire chinoise lors de ces entretiens bilatéraux, selon un communiqué du ministère chinois de la Défense rendu public.
Elle exige des Etats-Unis qu’«ils respectent le principe d’une seule Chine, qu’ils respectent leur promesse de façon concrète en cessant d’armer Taïwan et en s’opposant à toute indépendance de Taïwan».A Pékin, Jake Sullivan discutera en outre de la question de la mer de Chine méridionale, où les tensions entre la Chine et les Philippines se sont intensifiées ces derniers mois autour de revendications territoriales.
Hier, Manille a accusé des navires chinois d'avoir percuté un bateau de pêche philippin et fait usage de canons à eau à son encontre près de l'atoll disputé de Sabina, en mer de Chine méridionale. Le gouvernement philippin a dénoncé «des manœuvres dangereuses» des garde-côtes chinois à l'encontre du bâtiment philippin, entraînant une panne moteur de ce dernier.
Un porte-parole des garde-côtes chinois, Gan Yu, cité par CCTV, a de son côté déclaré que le bateau philippin a «délibérément heurté» un navire des garde-côtes chinois après avoir refusé de se soumettre à des «mesures de contrôle» près du récif de Xianbin dans les îles Nansha, noms chinois de l'atoll Sabina et des îles Spratleys.Les garde-côtes chinois ont «rapidement secouru le personnel philippin qui était tombé à l'eau», a-t-il ajouté.
Et d’avertir : «La Chine prévient les Philippines qu'elles doivent immédiatement cesser les actions illicites, sinon les Philippines supporteront toutes les conséquences de cette situation.» Auparavant, CCTV a annoncé que «des mesures de contrôle» ont été prises à l'encontre du navire philippin, «conformément à la loi et aux règlements».
«Le navire philippin 3002 a pénétré illégalement dans les eaux proches du récif de Xianbin, dans les îles Nansha, sans l'autorisation du gouvernement chinois», a déclaré CCTV, ajoutant qu'il a ensuite «continué à s'approcher dangereusement d'un navire des garde-côtes chinois qui menait des opérations courantes».
Lundi dernier, les deux pays avaient déjà fait état d'une collision de navires battant pavillon chinois et philippin près de l'atoll Sabina. Manille avait alors indiqué que c'était la première action hostile de Pékin dans cette zone, où les deux parties stationnent des navires de garde-côtes depuis plusieurs mois et où les Philippines redoutent que la Chine ne soit sur le point de construire une île artificielle.
Samedi, les Philippines ont accusé la Chine d'avoir tiré à deux reprises des leurres sur l'un de leurs avions de patrouille civils au-dessus d'îlots disputés en mer de Chine méridionale. La veille, Pékin a annoncé avoir pris des «contre-mesures» contre des avions militaires philippins, accusés d'avoir pénétré le 22 août dans son espace aérien au-dessus du récif de Subi, également revendiqué par Manille.
La Chine revendique une grande partie des îles et récifs de la mer de Chine méridionale. D’autres pays riverains, comme le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et Brunei, ont des prétentions en cette zone. En 2012, Pékin a repris à Manille le récif de Scarborough. Depuis, elle y a déployé des navires qui, selon les Philippines, harcellent leurs pêcheurs qui tentent d’accéder à cette zone.
Depuis l’arrivée au pouvoir en 2022 du président philippin Ferdinand Marcos, Manille affirme plus fermement ses prétentions de souveraineté face à Pékin, qui n’entend pas céder sur ses revendications. Un tel différend alimente les craintes d’un potentiel conflit qui pourrait entraîner l’intervention de Washington en raison de son traité de défense mutuelle avec Manille qui date de 1951.
La Chine accuse régulièrement les Etats-Unis de soutenir à dessein les nations qui rivalisent avec elle sur des revendications territoriales afin de contrer sa montée en puissance. Début avril 2023, Manille a mis à disposition de Washington quatre nouvelles bases militaires, dont une base navale non loin de Taïwan.
Le même mois, les deux partenaires en la région du Pacifique ont organisé des manœuvres militaires conjointes de deux semaines. En avril dernier, était tenu à Washington le premier sommet tripartite entre les dirigeants du Japon, des Philippines et des Etats-Unis afin, notamment, de faire face collectivement à la Chine dans la région de l’Asie-Pacifique.
A cette occasion, le président américain, Joe Biden, avait déclaré que «toute attaque contre un avion, un navire ou les forces armées philippins en mer de Chine méridionale déclencherait la mise en œuvre du traité de défense mutuelle» qui lie les Etats-Unis et les Philippines.
Les trois alliés ont exprimé, dans un communiqué commun, leur «vive inquiétude face au comportement dangereux et agressif de la République populaire de Chine en mer de Chine méridionale».
Ils se sont dits «préoccupés par la militarisation des territoires gagnés et par les revendications maritimes illégales» dans cette région. Lors de sa visite fin juillet aux Philippines, en compagnie du chef du Pentagone, Lloyd Austin, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a annoncé une aide de 500 millions de dollars à Manille.
«Mauvaises pratiques»
Par ailleurs, la Chine s'est dite «fortement mécontente» et «fermement opposée» aux nouvelles sanctions américaines à l'encontre des entreprises chinoises pour leurs liens avec Moscou, a déclaré hier un porte-parole du ministère chinois du Commerce. Pékin «exhorte les Etats-Unis à cesser immédiatement leurs mauvaises pratiques et prendra les mesures nécessaires pour sauvegarder les droits et les intérêts légitimes des entreprises chinoises», a déclaré un porte-parole du ministère.
Washington a annoncé vendredi une nouvelle série de sanctions visant 400 entités et individus en Russie, au Bélarus, en Chine et dans d'autres pays, parmi lesquels une soixantaine d'entreprises technologiques de la défense, dont «les produits et services permettant à la Russie de soutenir son effort de guerre» en Ukraine.
«Les décisions d'aujourd'hui visent à cibler ceux impliqués dans le contournement des sanctions, notamment en Chine, ainsi que ceux qui soutiennent la production et les exportations à venir d'énergie depuis la Russie», a déclaré Antony Blinken. Son ministère cible notamment une quinzaine d'entreprises chinoises accusées de continuer à fournir des composants à l'industrie russe.
Dimanche, le ministère chinois du Commerce a déploré ces «sanctions unilatérales» qui «perturbent l'ordre et les règles du commerce international, entravent les échanges économiques et commerciaux internationaux et menacent la sécurité et la stabilité des chaînes industrielles et d'approvisionnement mondiales».
Ces sanctions entraînent le gel des avoirs détenus directement ou indirectement par les personnes et entreprises visées aux Etats-Unis, ainsi que l'interdiction pour toute personne ou entreprise américaine de commercer avec les cibles de ces sanctions, au risque d'être à leur tour sanctionnées. Elles ferment également les portes des Etats-Unis à l'ensemble des personnes visées.