Visite du président américain au Japon : Washington et Tokyo présentent un front commun face à Pékin

24/05/2022 mis à jour: 00:47
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Le président américain Joe Biden répond à une question lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre japonais Fumio Kishida à la suite de leur sommet bilatéral à Tokyo

Les Etats-Unis défendraient militairement Taïwan, si Pékin envahit l’île autonome. C’est ce qu’a déclaré hier le président américain, Joe Biden, à Tokyo lors d’une conférence de presse commune avec le Premier ministre japonais, Fumio Kishida. «Nous étions d’accord avec la politique d’une seule Chine, nous l’avons signée (...) mais l’idée que Taïwan puisse être prise par la force n’est tout simplement pas appropriée», a déclaré le président américain arrivé au Japon dimanche soir après une visite de trois jours en Corée du Sud. 

Affichant un front uni face à Pékin, les deux dirigeants ont aussi réaffirmé leur «vision commune d’un Indo-Pacifique libre et ouvert» et dit s’être mis d’accord pour surveiller l’activité navale chinoise dans la région, où la Chine montre des ambitions croissantes. 

Le président américain a également évoqué la Russie, déclarant que Moscou devait «payer un prix à long terme» pour sa «barbarie en Ukraine» en termes de sanctions imposées par les Etats-Unis et leurs alliés. «Il ne s’agit pas seulement de l’Ukraine», a-t-il affirmé. Car si «les sanctions n’étaient pas maintenues (...) quel signal cela enverrait-il à la Chine sur le coût d’une tentative de prise de Taïwan par la force ?» 
 

Le président américain a aussi annoncé un nouveau partenariat économique en Asie-Pacifique regroupant dans un premier temps 13 pays. Le Cadre économique pour l’Indo-Pacifique (Indo-Pacific Economic Framework, IPEF) qui n’est pas un accord de libre-échange, prévoit davantage d’intégration entre ses pays membres dans quatre domaines essentiels : l’économie numérique, les chaînes d’approvisionnement, les énergies vertes et la lutte contre la corruption. 

Sous Donald Trump, le prédécesseur de J. Biden à la Maison-Blanche, les Etats-Unis se sont retirés en 2017 du Partenariat transpacifique (TPP), un vaste accord multilatéral de libre-échange qui a fait l’objet d’un nouveau traité en 2018 sans Washington. Le président américain a fait comprendre qu’il n’a aucune intention de relancer de grands accords de libre-échange, mais a par ailleurs annoncé lundi envisager de lever des barrières tarifaires pesant sur la Chine, soulignant qu’elles n’ont pas été imposées par son administration. 
 

De son côté, F. Kishida a déclaré que le Japon et les Etats-Unis «vont surveiller les récentes activités de la marine chinoise, ainsi que les mouvements liés aux exercices conjoints de la Chine et de la Russie». Et de soutenir : «Nous nous opposons fermement aux tentatives de changer le statu quo par la force en mer de Chine orientale et en mer de Chine méridionale.»
 

Pékin a rapidement réagi en appelant le président américain à «ne pas sous-estimer» sa «ferme détermination » à «protéger sa souveraineté». «Nous demandons instamment aux Etats-Unis (...) d’éviter d’envoyer de mauvais signaux aux forces indépendantistes» de Taïwan, a déclaré devant la presse Wang Wenbin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
 

Réunion du Quad
 

Par ailleurs,aujourd’hui, à Tokyo, J. Biden cherchera à renforcer le leadership américain dans la région Asie-Pacifique en participant à un sommet du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quad), un format diplomatique rassemblant les dirigeants des Etats-Unis, du Japon, de l’Inde et de l’Australie et visant à faire contrepoids à l’influence économique, militaire et technologique croissante de la Chine en Asie-Pacifique. 

Cette rencontre intervient alors que l’Inde est le seul pays membre du Quad à n’avoir pas officiellement condamné l’intervention russe en l’Ukraine. De son côté, le Japon s’est joint aux Etats-Unis et à l’Europe pour imposer des sanctions à la Russie, alors que Pékin a refusé de condamner l’offensive de Moscou.
 

Mercredi, le ministre japonais des Affaires étrangères Yoshimasa Hayashi a exhorté Pékin à «jouer un rôle responsable» dans le conflit russo-ukrainienne, lors de son entretien avec son homologue chinois. 

Cet échange est le premier entre les deux ministres depuis novembre. Il a déclaré à son homologue chinois Wang Yi que l’opération russe constitue «une violation claire de la Charte des Nations unies et d’autres lois internationales», a indiqué le ministère japonais des Affaires étrangères dans un communiqué. 

Le Japon s’inquiète de l’affirmation militaire croissante de Pékin dans le Pacifique. Lors de son entretien avec le chef de la diplomatie chinoise, Y. Hayashi a évoqué la question des îles contestées entre les deux pays et la situation dans les mers de Chine orientale et méridionale. Il a déclaré que la Chine et le Japon «devraient se dire ce qui doit être dit et s’engager dans le dialogue», mais a prévenu que les relations bilatérales «sont confrontées à diverses difficultés (…)».
 

De son côté, le ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré, dans un communiqué, que «le Japon et les Etats-Unis sont alliés, tandis que la Chine et le Japon ont un traité de paix et d’amitié», ajoutant que la coopération bilatérale entre Tokyo et Washington «ne devrait pas provoquer de confrontation entre les camps, et encore moins nuire à la souveraineté, à la sécurité et aux intérêts de développement de la Chine». «Nous espérons que le Japon va tirer les leçons de l’histoire, se concentrer sur la paix et la stabilité régionales et agir avec prudence, n’agissant pas comme un pion pour d’autres et n’empruntant pas la voie du chacun pour soi», a-t-il ajouté. Allusion à l’invasion de la 

Chine par le Japon au siècle dernier.
 

Dimanche, le ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi, a déclaré que Washington cherche «à former de petites cliques au nom de la liberté et de l’ouverture» en espérant «contenir la Chine». «La soi-disant stratégie indo-pacifique (américaine) est, en substance, une stratégie visant à créer la division, incitant à la confrontation et ébranlant la paix», a déclaré le ministre. «Peu importe comment c’est présenté ou travesti, c’est inévitablement voué à échouer».
 

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