Très attendue des deux côtés, cette visite fait suite à une série de démarches qui ont commencé par la déclaration de Lisbonne du président E. Macron.
En effet, à cette occasion, le président français a «récupéré» le dossier que son ministre de l'Intérieur a squatté, en déclarant que les relations avec l'Algérie dépendent «strictement de la présidence de la République et de son ministre des Affaires étrangères».
La réponse du président A. Tebboune ne s'est pas fait attendre, puisque dans un entretien avec la presse nationale, il a répliqué en déclarant que seul le président français et son ministre des Affaires étrangères «étaient ses interlocuteurs exclusifs». Les ponts étaient rétablis ! L'envoi à Alger des ministres des Affaires étrangères et de la Justice était donc acté. Le traitement des dossiers contentieux brûlants.
Dans son allocution, après avoir été reçu par le ministre algérien des Affaires étrangères (entretien d’une heure et demie) puis par le président de la République (entretien de deux heures et demie), Jean-Noël Barrot a exposé les points débattus et les décisions prises, à court moyen et long terme et notamment le dossier mémoriel, avec la reprise des discussions du groupe d'experts désignés à cet effet, la reprise du dialogue entre les services de sécurité des deux pays, le retour aux accords bilatéraux relatifs au traitement des OQTF et des flux migratoires et enfin les relations économiques et culturelles. En attendant la visite à Alger, cette semaine, du ministre français de la Justice G. Darmanin qui aura la lourde mission de dynamiser les accords de coopération judiciaire signés entre les deux pays. L'Algérie relève de la politique intérieure et extérieure de la France. L'élection présidentielle française de 2027 est déjà inscrite dans l'agenda de tous les partis et des hommes politiques français, et toutes leurs déclarations se mesurent à l'aune de cet événement politique majeur pour ce pays. Or, deux événements vont la caractériser, d'une part le vote des binationaux et notamment algériens et d'autre part la droitisation marquée des électeurs français. Pour la première caractéristique, le vote communautaire, il est évident qu'il ira vers un candidat de centre droit (D. de Villepin) ou de gauche (J.-L. Mélenchon ?). Ce vote précieux pèse de un à deux points de l'électorat et peut faire basculer l'élection présidentielle en faveur du candidat qui porte ses valeurs.
La seconde caractéristique entraîne une obligation pour les candidats de tenir un discours de plus en plus radical (raciste, xénophobe, islamophobe...) qui rejoint celui de l'extrême droite surtout pour décrocher sa place au second tour. C'est à cet endroit précisément que notre pays s'invite subrepticement dans l'élection présidentielle française. Les intérêts économiques et financiers prennent le dessus.
Certes, les relations économiques et financières françaises sont pour une large majorité orientées vers l'UE, mais il est impossible de ne pas remarquer que la France perd de plus en plus du terrain sur le marché algérien au profit d'autres pays (Chine, Turquie, Italie...) dans tous les domaines (agroalimentaire, automobiles, services, machines outils, santé..),. ce qui inquiète le patronat français. Un retour et une consolidation des entreprises françaises sur le marché algérien sont souhaités pour compenser les pertes que risque de subir la France après les décisions américaines d'augmenter les taxes douanières sur les produits français exportés aux Etats-Unis. Ceci ne sera possible qu'après un assainissement du climat politique que traversent les relations entre les deux pays.
Par Mourad Goumiri