Le président du Conseil de la nation a demandé, au gouvernement d’établir un éventail et des statistiques exactes des personnes décédées et du nombre de handicapés.
Le deuxième homme de l’Etat, Salah Goudjil, ne lâche pas prise. Il est revenu deux jours d’affilée sur le contentieux mémoriel entre l’Algérie et la France, notamment les lignes Morice et Challe, les mines antipersonnel et les essais nucléaires.
Hier, il a saisi l’opportunité du débat autour du texte de loi relatif à la protection et à la promotion des personnes aux besoins spécifiques pour rappeler le drame engendré par les lignes meurtrières Morice et Challe.
Il a demandé, au gouvernement par le truchement de la commission de la santé, des affaires sociales, du travail et de la solidarité nationale du Conseil de la nation, d’établir un éventail et des statistiques exactes des personnes décédées et du nombre de handicapés. «Nous appelons non seulement le ministère, mais aussi le gouvernement dans son ensemble pour établir des statistiques exactes de 1962 à nos jours sur le nombre de handicapés, la nature de leur handicap et ceux qui sont morts», a-t-il réclamé.
L’objectif visé, selon Salah Goudjil, est de «faire jaillir la vérité sur ce drame, et ce, pour que le monde entier apprenne ce qui s’est passé». La veille, le président du Conseil de la nation a évoqué les relations algéro-françaises et plus particulièrement les essais nucléaires.
Il avait dans ce sens instruit la commission d’équipement et de développement local de se concentrer dans l’élaboration de son rapport sur la question de l’élimination des déchets des essais nucléaires français dans le Sahara algérien. «Que notre positon soit clair et fasse l’objet d’un message à faire entendre au-delà de nos frontières. Le rapport qui portera des recommandations sera rendu public demain», avait révélé le président du Conseil de la nation.
Pour ce dernier, la problématique des essais nucléaires et la question des lignes Morice et Challe se ressemblent. Tous deux ont engendré des morts, des maladies et des handicapés à vie. Le président du Sénat appuie ses dires par des chiffres. Il précise que «le nombre de mines antipersonnel semées tout le long des deux lignes s’élève, selon les informations dont il dispose, à 11 millions de mines».
Depuis l’indépendance, l’Algérie n’a pas cessé de demander à la France de lui remettre les cartes permettant de procéder au déminage. «La France ne les a données que 40 ans après. Aujourd’hui, nous invitons expressément le gouvernement à livrer des statistiques exactes sur le nombre de victimes de ces mines», a-t-il insisté. De nombreux parlementaires ont appelé à ouvrir ce dossier sensible et ont exhorté la France à assumer ses responsabilités.
Par ailleurs, et s’agissant du projet de loi en question, la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, Soraya Mouloudji, a rappelé que ce texte de loi s’inscrit dans le cadre de l’adaptation de la loi en vigueur à la Constitution de 2020, dont l’article 72 stipule que «l’Etat œuvre à assurer aux personnes vulnérables ayant des besoins spécifiques leur insertion dans la vie sociale».
Il s’agit aussi de se conformer à la législation internationale, notamment aux dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 2006 et ratifiée par l’Algérie en 2009.
La représentante du gouvernement a précisé que ce texte prend soin de valoriser, en matière d’insertion de cette catégorie dans le monde du travail, leurs droits à obtenir divers services professionnels et économiques, en assurant une activité ou un projet approprié et adapté à leurs cas et en veillant à ce que ces personnes ne soient pas exclues des concours ou des tests professionnels qui proposent des emplois.
Révision de l’allocation des handicapés
Le texte en question prévoit aussi la création d’un Conseil national dédié aux personnes aux besoins spécifiques qui fera office d’une instance consultative «assurant les missions de présentation d’études, de propositions et de recommandations en matière de protection de cette frange sociale».
Dans leurs intervention , les sénateurs ont reconnu que le texte revêt une importance particulière, mais ils étaient nombreux à plaider pour une «nouvelle approche» permettant de faire de ces personnes aux besoins spécifiques une «catégorie active» dans la société. Les membres du Sénat ont dans leur majorité qualifiée de «dérisoire» l’allocation versée aux personnes handicapés. «Est-il normal que l’allocation destinée au chômeur soit plus importante que celle allouée à cette catégorie sociale ?
D’autant plus que les personnes handicapées à 100% touchent 12 000 DA et ceux à 80% touchent moins de 7000 DA. Est-ce normal ?» s’exclame M’hani Hadadou du Front des forces socialistes (FFS). D’autres sénateurs lui ont emboîté le pas, appelant à la révision de cette allocation. Par ailleurs, beaucoup de sénateurs ont évoqué le cas des autistes et à l’unanimité ont plaidé pour la clarification de leur situation et leur intégration dans la catégorie des personnes aux besoins spécifiques.
«L’autisme doit être reconnu comme un handicap et les personnes autistes doivent bénéficier de leurs droits en tant que tel», notent-ils. A l’issue des travaux de cette plénière, Salah Goudjil est intervenu pour rappeler que ce projet de loi est la traduction de la notion de l’Etat social et l’Algérie, selon lui, peut être fière de ce choix : «Quand on dit Etat social, cela renvoie à la Déclaration du 1er Novembre. »