Promouvoir et valoriser la progression des carrières hospitalo-universitaires consiste à accorder de l’intérêt et du mérite aux professionnels de la santé en les considérant comme le véritable levier pour l’amélioration des soins de santé ainsi que la qualité des pratiques pédagogiques et de la formation médicale.
En d’autres termes, cette valorisation consiste à accroître la reconnaissance institutionnelle et sociétale des professionnels de la santé en procurant de la visibilité à l’ensemble de leurs activités de soin et de pédagogie. Pour ce faire, il est nécessaire de leur fournir un environnement professionnel adéquat et optimal en améliorant leurs conditions de travail, mais aussi leurs rémunérations et les avantages conséquents pour leur assurer des conditions de vie décente et honorable.
Les concours hospitalo-universitaires ont pour but la sélection et le recrutement de futurs professionnels de la santé capables de répondre aux besoins des facultés de médecine dans les domaines de la pédagogie à des fins d’enseignement et de supervision des apprenants, dans le domaine de la recherche médicale et dans la gestion des soins de santé en milieu hospitalier.
Ces concours sont une étape importante et souvent considérée comme un moment notable où une décision capitale devrait être prise par les membres du jury pour promouvoir tout un projet de carrière d’un professionnel de la santé.
Ces concours sont organisés périodiquement chaque trois années par le ministère de l’Enseignement supérieur en collaboration avec le ministère de la Santé par le biais d’arrêtés interministériels. Ces concours sont basés sur des pondérations, des grilles et des barèmes d’évaluation des différentes compétences et habiletés professionnelles des candidats afin de s’engager dans une carrière hospitalo-universitaire.
Hélas, depuis leur promulgation en 2009, ces outils d’évaluation n’ont pas connu de modification ni de véritables améliorations ou adaptation au regard de l’évolution des données démographiques de la communauté médicale et des besoins sociétaux en matière de soins et de formation médicale.
De plus, les critères d’évaluation fondamentaux pour promouvoir la qualité des enseignements et des soins de santé de haut niveau sont principalement la double expertise pédagogique et disciplinaire ou médicale des futurs candidats aux concours.
Cette contribution a pour but d’identifier les obstacles à la promotion et la valorisation des carrières hospitalo-universitaires, surtout pour les médecins spécialistes de santé publique, tout en proposant des solutions réalistes et significatives au service de la communauté médicale, des patients et des apprenants en sciences de la santé.
Les concours hospitalo-universitaires trainent une réputation, en raison de la présence de nombreux biais connus et reconnus, le manque de fiabilité, de validité et de crédibilité surtout pédagogique. En effet et depuis 2009, aucune innovation ni modification n’ont été apportées aux grilles des concours ni aux critères d’évaluation des épreuves en vue d’améliorer les processus de sélection des futurs candidats, et ce, à tous les paliers de progression des carrière hospitalo-universitaires.
Avant d’entamer la carrière hospitalo-universitaire, les médecins spécialistes de santé publique devront d’abord s’engager volontairement à passer le concours de maitrise. Ce dernier est conditionné par la production d’un dossier administratif et académique dans un court délai. Ce dernier est très énergivore avec des obstacles pour l’obtention et l’authentification des documents.
Le concours de maitrise est basé sur l’addition ou le cumul des points selon les grilles en vigueur depuis 2009. Cette pondération est non discriminante, sans impact sur la qualité et la sélection des futurs candidats au concours de maitrise. De plus, le choix des dénominations des trois épreuves, leur pondération ainsi que leurs critères ou barèmes d’évaluation sont sans fondement pédagogique.
En d’autres termes, à ce stade initial, la production énergivore du dossier administratif, les confusions dans la conception des grilles et surtout les critères subjectifs et obsolètes de l’évaluation des trois épreuves constituent une démotivation et un découragement des médecins spécialistes de santé publique à s’engager au concours de maîtrise.
Par ailleurs, les concours hospitalo-universitaires sont organisés périodiquement chaque trois ans, sans parler de la dégradation des conditions de l’environnement de travail tant des soins de santé et que de la formation médicale, il leur est encore exigé de déposer un projet de recherche seulement après deux années de pratique en milieu hospitalier. Tous ces facteurs constituent un frein majeur pour les candidats qui désirent entamer précocement une carrière hospitalo-universitaire tant qu’ils sont jeunes, motivés et fraîchement diplômés.
De plus, et sans parler des passe-droits, les critères d’admissibilité sont obsolètes et non discriminants pour évaluer et sélectionner les candidats méritants et compétents. Les critères d’évaluation des trois épreuves pédagogiques, pratiques et d’anglais sont très subjectifs, non représentatifs et incohérentes avec les futures activités et fonctions hospitalo-universitaires. Une refondation profonde des domaines et critères d’évaluation est plus que nécessaire.
A cet effet, il est important de modifier leur dénomination respectivement en Epreuve pédagogique d’enseignement (EPE), Epreuve de raisonnement clinique (ERC) et finalement la Lecture critique d’un article en anglais (LCAA). A cet effet, les critères d’évaluation des trois épreuves devront être mesurables, observables et surtout basés sur des fondements pédagogiques solides.
Par ailleurs, l’épreuve d’enseignement pratique (EEP) est le principal outil d’évaluation discriminant les candidats au concours de maitrise au regard de sa pondération conséquente, hélas, elle est souvent évaluée de façon subjective, car souvent assimilée à une épreuve dispclinaire ou médicale où chaque candidat étale ses savoirs. En d’autres termes, EEP est considérée comme une course contre la montre, où dans un court délai de 10 -15 minutes, le candidat expose ses connaissances médicales tout en négligeant les processus pédagogiques d’enseignement et de communication orale et écrite.
Il est important de signaler que «EPP» porte bien son nom pour désigner les pratiques d’enseignement et de communication orale et écrite. Cette épreuve mérite d’être évaluée par un outil docimologique observable, mesurable, respectant les normes de l’alignement et du processus pédagogique d’une prestation d’enseignement de haut niveau, et sans oublier leurs justifications pédagogiques aux membres des jurys. En d’autres termes, «l’épreuve pédagogique » ne signifie nullement une « épreuve disciplinaire ou épreuve médicale».
A cet effet, il faut doter les membres du jury d’un barème d’évaluation centré plus sur les pratiques pédagogiques d’enseignement et de communication orale et écrite que sur le contenu disciplinaire ou médical. Aussi, il est nécessaire d’outiller les membres du jury de compétences pédagogiques et communicationnelles pour pouvoir guider et mener à terme et dans la bonne direction l’épreuve pédagogique avec chaque candidat.
Lors du dernier concours de maitrise, de nombreux lauréats ont précocement démissionné pour réorienter leur choix de carrière soit pour exercer à l’étranger soit pour le secteur privé, car le gel et par la suite le dégel des authentifications des diplômes étaient également contre-productifs. Hélas, cela a renforcé leur conviction et perception d’aller d’explorer et voir mieux sous d’autres cieux à la recherche des meilleurs perspectives, rémunération, conditions de travail et avenirs à leur carrière.
Par ailleurs, la création des annexes de formation constitue une décision socio-pédagogique pour augmenter le nombre des admissions d’apprenant en sciences de la santé et de répondre aux besoins de la société en matière de soins et pour faire face au désert médical.
Mais, la communauté des enseignants hospitalo-universitaires est déjà peu nombreuse pour répondre déjà aux besoins des facultés de médecine existantes dans les domaines de la pédagogie à des fins d’enseignement et de supervision des apprenants.
A cet effet, il est fondamental d’organiser les concours hospitalo-universitaires périodiquement, chaque année. Pour ce faire, les principes de l’épreuve pédagogique et les titres pédagogiques dont la certification en pédagogie des sciences de la santé, devraient être soutenus et promus comme outil de sensibilisation, de conscientisation, de sélection et de promotion de la communauté des hospitalo-universitaires pour enseigner.
Tous les obstacles suscités ont eu raison de la rupture de confiance de la communauté médicale, car depuis la dernière grève des résidents des sciences de la santé en 2015, rien n’a été finaliser «selon les normes pédagogiques en vigueur» pour améliorer la qualité des pratiques en termes de supervisions des stages et des enseignements cliniques.
De plus, la refonte des programmes disciplinaires était basée sur la rédaction décontextualisée des objectifs d’apprentissage sans accompagnement de pédagogues de métiers et sans refonte des curriculums de formations. Par ailleurs, la refondation des concours hospitalo-universitaires est en attente depuis 2018 malgré les nombreuses propositions constructives des doyens des facultés des sciences de la santé.
Ces obstacles à la promotion et la valorisation des carrières hospitalo-universitaires sont contre-productives pour promouvoir les futures générations d’enseignement en sciences de la santé, jeune, dynamique et réactive aux changements sociopédagogiques des facultés de médecine, aux besoins des soins de santé et surtout pour l’amélioration des enseignements et de la formation médicale en Algérie.
Promouvoir la progression hospitalo-universitaire nécessite des prises de décision politique, socio-pédagogique et des mesures concrètes et profondes sur les perspectives et avenirs de l’évolution des carrières des médecins spécialistes de santé publique en Algérie. Pour ce faire, il est important de revisiter les textes et les arrêtés interministériels régissant les concours de recrutement des enseignants hospitalo-universitaires afin de s’adapter à l’évolution de la réalité professionnelle et surtout pédagogique des sciences de la santé.
Bonne nouvelle
J’ai donné à lire et pour interprétation l’arrêté 30 du journal officiel No 18 du 13 mars 2024 à un linguiste chevronné dans l’analyse des discours et les textes juridiques. Sa réponse inéquivoque : il ne s’agit pas du service civil dans cet arrêté.
De plus, j’ai également demandé l’avis à des responsables et doyens des sciences de la santé : il ne s’agit pas de service civil dans cet arrêté.
Par Dr Lardjane Dahmane ,
Conseiller et concepteur en pédagogie des sciences de la santé