On devine bien que dans ces cas-là, ce sont les enfants et surtout les femmes qui en pâtissent et c’est sur cette catégorie que la réalisatrice irano-américaine Anna Fahr a voulu attirer les regards par son film Valley of exile (comptant pour le Liban) et projeté au festival du film arabe d’Oran.
Anglophone et enseignante à l’université américaine de Beyrouth, elle a déclaré à l’issue de la projection de son long métrage avoir passé plusieurs années à discuter avec des réfugiées afin de comprendre et saisir leur état d’esprit.
Son film n’est pas biographique, mais il représente en quelque sorte un concentré de ce qu’elle a appris et pressenti sur la vie de ces familles, souvent séparées. Nous sommes au lendemain des événements et de la guerre qui ont secoué la Syrie dans le sillage des révoltes dites arabes et c’est le destin de deux sœurs, Ryma et Nour, ayant traversé la frontière avec le Liban pour trouver refuge dans un camp dans la vallée de la Bekaa qui est raconté dans ce film particulièrement émouvant.
La première, enceinte de huit mois, attend désespérément un mari devant les rejoindre et la seconde, encore adolescente et contrainte de laisser tomber ses études, s’obstine à retrouver la trace de leur frère enrôlé dans l’une des factions en conflit.
Le Liban, en tant que pays voisin, avait effectivement accueilli des milliers de familles syriennes. Mais le monde va tellement vite que Anna Fahr était, lors de la réalisation et même de la projection de son film, loin de se douter que la situation allait s’inverser et que, aujourd’hui, à cause d’une autre guerre, ce sont des anciens réfugiés syriens, ceux-là même dont il est question dans le film, qui sont contraints de prendre le chemin inverse pour échapper à la destruction des bombardements sionistes sur le pays du Cèdre. Un retour tout aussi forcé et c’est tout le drame, car les concernés, pourtant juste une douzaine d’années plus tard, n’ont, pour beaucoup d’entre eux, déjà plus aucun repère dans leur pays d’origine.
Dimension atemporelle
Un double exil en l’espace d’une tranche de temps réduite et qui rappelle étonnement la situation humanitaire tout aussi actuelle des Libériens réfugiés au Ghana pour fuir la guerre, mais forcés aujourd’hui (même si c’est pour d’autres raisons) de retourner dans un pays d’origine qui leur est complètement inconnu car nés en exile ou partis trop jeunes pour s’en souvenir. La réalisatrice libanaise a sans aucun doute bien fait de ne pas s’aventurer sur le terrain politique même si la situation de la Syrie de l’époque du film s’y prêtait.
Le choix de se concentrer sur les aspects purement humains, les espoirs et les solidarités qui se nouent au-delà des angoisses et difficultés bien réelles (elle n’oublie pas d’inclure réfugiées palestiniennes), confère à son film une dimension atemporelle lui épargnant par la même occasion le piège d’être déjà dépassé par les événements. Le film est d’actualité et c’est en quelque sorte le sort de l’enfant qui était sur le point de naître en exile à l’époque de la fiction qui se joue dans la réalité d’aujourd’hui.
Ryma voulait effectivement reconstruire sa vie au Liban avec son mari pensant qu’elle pourrait, dans les conditions de l’époque, offrir un meilleur avenir pour leur enfant. Mais la vie est ainsi faite, dans un sens comme dans l’autre, le voyage forcé l’est toujours vers l’inconnu.
Oran
De notre bureau Djamel Benachour