Une tribune d’un collectif de Franco-Algériens et de Français «aimant l’Algérie» s’inquiète du climat délétère impulsé en France par des sphères haineuses.
Dès les premiers mots de la tribune parue jeudi dans Le Monde, le ton est à l’affectif : «Nous sommes tristes, et pour tout dire, désemparés, face à une situation où, de part et d’autre, nous avons l’impression que ce sont les extrémistes, et les polémiques qu’ils alimentent, qui dictent l’agenda et instrumentalisent la relation franco-algérienne à des fins politiques.» Estimant que cela nuit «gravement à l’ensemble de la communauté nationale, Franco-Algériens compris».
Pour le collectif, s’il y des «problèmes objectifs qui parasitent la relation bilatérale», «cela mérite d’être abordé de façon ferme, mais apaisée. Et comment imaginer que les postures et les coups de menton, d’un côté comme de l’autre, puissent faciliter un heureux dénouement ?
A fortiori, quand ils sont, comme souvent dans certains de nos médias idéologisés, entachés de mensonges flagrants. Au contraire, cela ne fera qu’échauffer des esprits et, in fine, envenimer un peu plus les choses. La diplomatie, le dialogue doivent reprendre le dessus».
Pour les signataires, «la relation franco-algérienne a toujours été très politique, en grande partie tributaire des liens personnels que les chefs d’Etat sont parvenus – ou non – à tisser au fil de leurs mandats. Dans ces tête-à-tête toujours délicats, faits de proximité et de distance, la ‘‘diaspora’’ franco-algérienne en France n’a jamais eu vraiment son mot à dire. Ballottée au gré des circonstances, au rythme des circonvolutions d’une relation qui n’a jamais été simple, elle a toujours cherché sa place, sans vraiment la trouver».
OUVRIR UN «AGENDA POSITIF»
Pourtant, cette diaspora est «un trait d’union entre deux histoires entremêlées, deux sociétés qui partagent encore bien des choses, deux économies qui ont chacune ses intérêts, ses priorités. L’un et l’autre pourraient cependant davantage s’articuler dans le cadre d’un ‘‘agenda positif’’ qui prolonge et renforce le travail déjà entrepris, y compris sur les sujets mémoriels».
Ouvrant la focale sur «ce monde brutal et fragmenté qui est le nôtre, l’Europe et la France ont besoin de partenaires de l’autre côté de la Méditerranée, en Afrique, dans le monde arabe. L’Algérie est un grand pays avec lequel, par-delà nos désaccords, nous pouvons nous entendre dans bien des domaines et de façon mutuellement avantageuse».
Et la tribune zoome sur «les Français d’origine algérienne ou de Franco-Algériens parfaitement assimilés, qui occupent aujourd’hui jusqu’aux plus hautes fonctions en France, et qui la font rayonner par leur talent, leur travail, leur engagement, leur mérite. Tous ceux-là font partie de l’équation de la mobilité, mais inscrite dans un temps plus long, qui est celui à l’aune duquel se bâtissent les nations».
La France et l’Algérie, ensemble, «peuvent trouver un chemin de coopération et de dialogue qui ne porte pas préjudice à leurs intérêts respectifs, mais au contraire les conjugue opportunément. Sur l’économie, l’environnement, l’innovation et l’intelligence artificielle, la culture et le patrimoine notamment, la France et l’Algérie peuvent s’entendre».
France
De notre correspondant Walid Mebarek
*Parmi les premiers signataires : Karim Amellal, diplomate ; Amine Benyamina, psychiatre, professeur de médecine ; Fadila Khattabi, ancienne ministre déléguée chargée des personnes handicapées (2023-2024) ; Jean-Pierre Mignard, avocat ; Georges Morin, président de l’association Coup de soleil ; El Mouhoub Mouhoud, économiste, professeur des universités ; Rachid Ouramdane, danseur, chorégraphe ; Tokia Saïfi, ancienne secrétaire d’Etat chargée du développement durable (2002-2004) ; Benjamin Stora, historien ; Cédric Villani, mathématicien.