Une des conséquences de la guerre ukrainienne : La Finlande évoque le projet d’adhésion à l’Alliance atlantique

15/05/2022 mis à jour: 04:31
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Le président de la Finlande s'est dit favorable à une adhésion de son pays «sans délai» à l'Otan

Le président finlandais a informé hier son homologue russe Vladimir Poutine de la candidature imminente de son pays à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), rapporte l’AFP. «La conversation a été directe et sans détour et s’est passée sans contrariété. 

Eviter les tensions a été considéré comme important», a affirmé le chef de l’Etat finlandais Sauli Niinistö dans un communiqué de la Présidence. Helsinki «veut s’occuper des questions pratiques liées au fait d’être un pays voisin de la Russie de façon correcte et professionnelle», a-t-il observé. Selon Helsinki, Sauli Niinistö a dit à Vladimir Poutine que les exigences de Moscou fin 2021 pour un gel de l’extension de l’Otan puis l’offensive russe sur l’Ukraine fin février ont «fondamentalement» modifié «l’environnement de sécurité de la Finlande».
 

Selon Moscou, Vladimir Poutine voit en l’option la Finlande de cesser sa politique historique de non-alignement militaire «une erreur, puisqu’il n’y a aucune menace à la sécurité de la Finlande». «Un tel changement de l’orientation politique du pays peut avoir un impact négatif sur les relations russo-finlandaises qui se sont développées pendant des années dans l’esprit du bon voisinage et de la coopération entre partenaires, en étant mutuellement avantageuses», a ajouté un communiqué du Kremlin
 

Un peu plus tard dans la journée, le parti social-démocrate de la Première ministre finlandaise Sanna Marin a annoncé son soutien à une très large majorité à une candidature du pays nordique à l’Otan. Sur les 60 membres de la direction du parti, 53 ont voté pour, 5 contre et deux se sont abstenus, selon le résultat du vote annoncé lors d’une conférence de presse à Helsinki. 

La candidature de la Finlande doit être officialisée aujourd’hui par l’Exécutif, avant une réunion du Parlement lundi et l’envoi formel de sa candidature au siège de l’Otan à Bruxelles dans les prochains jours. Le président Niinistö et la Première ministre Sanna Marin ont annoncé jeudi vouloir voir la Finlande rejoindre l’Otan «sans délai», avec une officialisation de candidature attendue dimanche. Helsinki considère que l’intervention russe en Ukraine et l’exigence de Moscou de ne plus avoir d’élargissement de l’Otan justifient son changement de pied. Restée historiquement hors des alliances militaires jusqu’ici, la Suède s’apprête elle aussi à prendre sa décision de rejoindre l’Otan, avec une réunion-clé du parti social-démocrate au pouvoir, aujourd’hui à Stockholm. La Finlande, qui partage une frontière de 1300 kilomètres avec la Russie, a dit s’attendre à des mesures comme des attaques informatiques ou des violations de frontières. 

Outre l’hostilité russe, un obstacle s’est dressé vendredi dans la marche de la Suède et de la Finlande vers l’Otan, lorsque le président turc Recep Tayyip Erdogan a affiché son hostilité à les voir entrer dans l’Alliance, qui compte actuellement 30 membres dont la Turquie. Le chef de l’Etat turc a notamment reproché à ces deux pays nordiques de servir d’«auberge aux terroristes du PKK», le Parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme une organisation terroriste par Ankara, mais aussi par l’Union européenne et les Etats-Unis. L’unanimité étant exigée, Ankara se retrouve en position de bloquer le processus, alors que le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a dit s’attendre à ce que les deux pays nordiques soient accueillis «à bras ouverts». 
 

Rupture avec une tradition
 

Le coup d’Etat du 13 mars 1809 provoque l’abdication du roi de Suède, Gustave IV. La même année, la Suède cède à la Russie la Finlande. Helsinki proclame son indépendance de la Russie à l’occasion de la Révolution bolchévique de 1917. Un traité «d’amitié» est signé pour dix ans par les deux pays en avril 1948. Helsinki accepte de rester en dehors de la coopération militaire. 

Ainsi, durant la guerre froide, la Finlande a privilégié la politique de  neutralité, initiée par le président Juho Kusti Paasikivi et prolongée par son successeur Urho Kaleva Kekkonen. Politique qui consiste à entretenir des liens avec les pays nordiques, l’Europe occidentale et le voisin soviétique, tout en conservant son indépendance. Au début de 1956, moyennant une prorogation du traité d’amitié jusqu’en 1976, l’URSS restitua à la Finlande la base de Porkkala, qu’elle occupait depuis la fin de la guerre. Ainsi, il n’y a plus de troupes étrangères sur le sol finlandais. 

Après la chute de l’Union soviétique, la Finlande adhère à l’Union européenne (1995) et au Partenariat pour la paix de l’Otan, mais reste officiellement militairement non-alignée.  Tout en restant en dehors de l’Otan, la Finlande et la Suède ont tissé des liens étroits avec l’Alliance, qui les considère désormais comme les deux Etats non membres les plus proches. Les deux pays ont ainsi participé à des missions menées par l’Otan dans les Balkans, en Afghanistan et en Irak, ainsi qu’à de nombreux exercices conjoints.
 

Le cas de la Suède
 

Comme son voisin nordique, la Suède a mené une politique prudente et d’équilibre à l’égard des Etats-Unis et de l’Union soviétique. En effet, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le pays est pris en tenaille entre l’Otan et le Pacte de Varsovie. Stockholm a adopté une attitude conciliante à l’égard des deux camps. 

En revanche, il a critiqué le Kremlin au moment où il envahit la Hongrie, en 1956, pour rétablir un régime pro-Moscou au pouvoir et condamné la guerre américaine au Vietnam.Avec la guerre entre la Russie et la Géorgie en 2008 et l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, la perception sécuritaire de la Suède évolue. Elle est incarnée par la doctrine Hultqvist, du nom de son ministre de la Défense. Elle s’appuie sur trois points : le renforcement des forces armées suédoises, un rapprochement avec l’Otan et une diplomatique ferme à l’égard de Moscou. En 2016, la Suède a réintroduit le service militaire obligatoire, qu’elle a abandonné six ans plus tôt.

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