La course à la Maison-Blanche, version 2024, n’est pas seulement une grosse compétition politique avec d’inédits enjeux planétaires, mais aussi une rude bataille d’images et de procédures. Joe Biden et Donald Trump rejoueront en novembre prochain un match plus tendu encore que celui qui a fini par tourner à l’avantage du premier il y a quatre ans, et qui a poussé le second à tenter une contestation des résultats à la limite de la subversion.
L’envahissement du Capitole par des milliers de trumpistes chauffés à blanc, le 6 janvier 2021, alors que le Congrès s’apprêtait à valider la défaite électorale de leur champion, reste gravé comme la preuve que les choses peuvent désormais dégénérer, y compris au cœur de la toute-puissante et toute rodée démocratie américaine.
Ces faits et bien d’autres devaient une fois pour toutes interdire Donald Trump de nourrir encore des ambitions politiques, voire le mener directement en prison. Mais l’homme est parvenu à déjouer les pronostics et à réussir jusqu’ici le formidable exploit de passer entre les mailles du filet judiciaire.
Ce n’est pourtant pas les affaires qui ont manqué, dont les unes lui valent le triste record du premier ancien président américain à être inculpé en pénal : assaut du Capitole, tentatives d’influencer les opérations électorales, rétention des archives de la Maison-Blanche, fraudes financières et fiscales, affaire de mœurs…
Autant de vices, en théorie éliminatoires, qui ne suffisent pas au système américain à disqualifier le candidat. L’homme d’affaires avait lancé le pari fou, au lendemain de sa défaite non gobée en 2020, de reprendre le chemin de la Présidence américaine ; rares sont ceux qui ont pris au sérieux ses prétentions au vu du terrain hyperminé qui l’attendait, notamment dans ce camp démocrate qui a cru opportun de ne pas se compliquer l’existence en misant sur un deuxième mandat à l’octogénaire Joe Biden.
Les procès et les audiences devant les tribunaux qui devaient mettre à mal ses projets, Donald Trump les aura transformés, estiment les observateurs, en tribunes politiques et médiatiques pour truster l’intérêt et construire ce récit, comme on les aime dans l’Amérique profonde, d’un système fermé et hostile s’acharnant contre un prétendant rebelle à la Présidence.
Attendu comme l’étape déterminante du processus, la décision de la Cour suprême à Washington est tombée lundi et ouvre un boulevard au retour annoncé du républicain à la Maison-Blanche.
Les juges, saisis pour statuer sur les limites de l’immunité pénale de l’ancien Président s’agissant de certains actes durant son mandat, ont finalement décidé du renvoi du dossier devant les tribunaux de première instance, estimant que l’accusation ne fournit pas suffisamment d’éléments qui permettent de trancher.
Soit concrètement, un renvoi de la perspective d’un procès fédéral et un sursis judiciaire à Donald Trump qui peut aller au-delà des élections de novembre.
Le soulagement dans le camp trumpiste, saluant à l’occasion «une décision historique» et une invalidation de l’essentiel des charges en pénal, n’a d’égal que la douche froide dans le camp démocrate qui misait beaucoup sur une élimination du républicain de la course. «Un dangereux précédent» qui ouvre la voie à tous les dépassements, s’émeut un Joe Biden pas totalement remis des plumes laissées, il y a une semaine, lors du premier débat télévisé avec son rival.