La réorientation de la politique étrangère de l’Ukraine vers l’Ouest signifie pour Moscou l’élargissement de l’UE et de l’Otan jusqu’à ses frontières et son encerclement, d’autant que ses anciens satellites, comme les pays baltes (l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie), la Pologne, la Tchéquie et la Slovaquie, ont intégré l’Union et l’Alliance.
Moscou a réclamé hier des réponses occidentales à ses revendications avant de nouveaux pourparlers sur la crise ukrainienne, rapporte l’AFP citant la diplomatie russe. «Nous attendons les réponses qu’on nous a promises (...) afin de poursuivre les négociations», a déclaré le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, lors d’une conférence de presse avec son homologue allemande, Annalena Baerbock. Aussi, il a rejeté la demande occidentale de retirer des dizaines de milliers de soldats déployés à la frontière ukrainienne, et assuré que ses troupes ne menacent pas ses voisins. «Plus de 100 000 soldats russes, équipements et tanks ont été déployés près de l’Ukraine, sans raison.
C’est difficile de ne pas voir cela comme une menace», a répondu Mme Baerbock, qui a néanmoins assuré vouloir que le dialogue se poursuive avec la Russie tout en observant que Moscou devait s’engager à garantir la sécurité de ses voisins. «La Russie demande des garantie de sécurité, nous sommes prêts à un dialogue sérieux pour un accord et des mesures qui apporteraient plus de sécurité à toute l’Europe», a-t-elle affirmé.
Un peu plus tard, le porte-parole du département d’Etat Ned Price a indiqué, dans un communiqué rendu public, que le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a plaidé en faveur de la «voie diplomatique» pour mettre fin à la crise entre la Russie et l’Ukraine, lors d’un appel avec son homologue.
«Le secrétaire d’Etat a répété l’engagement inébranlable des Etats-Unis envers la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et a souligné que toute discussion sur la sécurité européenne devait inclure les alliés de l’Otan et les partenaires européens, dont l’Ukraine», a ajouté Ned Price, avant le départ, ce même jour, du chef de la diplomatie américaine à Kiev. Il doit ensuite se rendre à Berlin pour des discussions avec le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne sur le dossier ukrainien.
A son tour, le ministère des Affaires étrangères russe a indiqué dans un communiqué que lors de cet entretien téléphonique, Sergueï Lavrov a exigé «des commentaires concrets, article par article» et «dans les plus brefs délais» sur deux projets de traités soumis par Moscou, exigeant notamment un engagement de l’ Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) à ne pas s’élargir. Les deux diplomates ont, par ailleurs, évoqué «la possibilité de poursuivre les contacts dans un avenir proche», a ajouté le ministère russe.
De son côté, le secrétaire général de Otan, Jens Stoltenberg, a indiqué avoir invité Moscou et les alliés de l’Alliance à de nouvelles discussions sur l’Ukraine. «Aujourd’hui, j’ai invité la Russie et tous les alliés de l’Otan à participer à une série de réunions du conseil Otan-Russie dans un avenir proche», a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse à Berlin avec le chancelier allemand Olaf Scholz.
Ces discussions auront pour but de «répondre à nos préoccupations, mais aussi d’écouter les préoccupations de la Russie» et «de trouver une voie à suivre pour empêcher toute attaque militaire contre l’Ukraine», a-t-il ajouté. Jens Stoltenberg a soutenu que l’Alliance est prête à poursuivre le dialogue.
Et d’avertir : «Nous envoyons un message très clair à la Russie : si elle décide une fois de plus d’utiliser la force contre l’Ukraine, elle devra en payer le prix fort avec des sanctions économiques, financières et politiques», réitérant «le soutien des alliés de l’Otan» à l’Ukraine. Aussi, il a rappelé que l’Alliance a mis en œuvre «le plus grand renforcement ou la plus grande défense collective depuis une génération, avec une présence accrue de l’Otan dans la partie orientale de l’Alliance».
Pour sa part, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est membre de l’Otan, a exhorté la Russie à ne pas «envahir» l’Ukraine. «La Russie devrait réexaminer la situation mondiale et sa propre situation avant de franchir cette étape», a déclaré le chef de l’Etat au terme d’une visite officielle en Albanie.
Du côté de Minsk
Plus tôt le même jour, le Bélarus a annoncé l’arrivée d’un nombre indéterminé de troupes russes pour des exercices de «préparation au combat» en février, vu les tensions croissantes avec les Occidentaux et l’Ukraine, selon Minsk. «Les exercices à venir de préparation opérationnelle et de combat» s’imposent «du fait de l’aggravation de la situation politico-militaire dans le monde, l’augmentation continue des tensions en Europe, notamment aux frontières ouest et sud du Bélarus», a soutenu le ministère de la Défense bélarusse dans un communiqué. Il a ajouté qu’il s’agit de manœuvres russo-bélarusses «impromptues».
Le Bélarus est voisin de la Pologne, la Lituanie et la Lettonie, des membres de l’Otan. Ces manœuvres se déroulent en deux étapes : la première, d’ici au 9 février, implique des déploiements vers les «zones menacées» et de sécurisation d’infrastructures, ainsi que la protection de l’espace aérien. Puis, du 10 au 20 février, doivent avoir lieu sur plusieurs bases militaires au Bélarus les exercices à proprement parler, baptisés «Détermination de l’union 2022», en référence à l’alliance russo-bélarusse.
Le vice-ministre russe de la Défense, Alexandre Fomine, selon les agences russes, a signifié à 98 attachés militaires étrangers en poste à Moscou la tenue de ces manœuvres destinées à «repousser une agression extérieure».Le président bélarusse, Alexandre Loukachenko, a annoncé ces exercices lundi, sans en préciser les dates, et accusé la Pologne, l’Ukraine et l’Otan de déploiements de troupes menaçants à ses frontières.
En réponse à des révoltes pro-occidentales en Ukraine, Moscou a déjà annexé, en 2014, la péninsule ukrainienne de Crimée et considéré par les alliés de l’Ouest comme le parrain des séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine.
La réorientation de la politique étrangère de l’Ukraine vers l’Ouest signifie pour Moscou l’élargissement de l’Union européenne (UE) et de l’Otan jusqu’à ses frontières et son encerclement, d’autant que ses anciens satellites, comme les pays baltes (l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie), la Pologne, la Tchéquie et la Slovaquie ont intégré l’Union et l’Alliance.
La Russie est de nouveau soupçonnée par les Occidentaux de préparer une invasion de ce pays déployant des forces considérables aux frontières communes avec cette ex-République soviétique. Moscou rejette ces accusations et dit que la Russie est sous la menace de l’Otan, à qui il est reproché d’armer Kiev et de multiplier les déploiements de moyens aériens et maritimes dans la région de la mer Noire. Il l’a accusé de violer les accords de Minsk, qui établissent une feuille de route vers la paix dans le conflit en Ukraine orientale.
Pour la Russie, une désescalade n’est possible que si les Occidentaux signent des traités interdisant tout élargissement en perspective de l’Otan, en particulier à l’Ukraine et la Géorgie. Elle réclame aussi que Washington et ses alliés renoncent à mener des manœuvres et des déploiements militaires en Europe de l’Est. Ces revendications ont été qualifiées d’inacceptables par les Occidentaux, mais ils comptent poursuivre les discussions avec la Russie pour éviter un conflit armé.