Tunisie : Le président Saïed joue avec les nerfs de l’opposition

05/04/2023 mis à jour: 05:53
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Photo : D. R.

Le président tunisien, Kais Saïed, qui n’avait pas été vu en public depuis le 22 mars, est réapparu dans une vidéo de ses services lundi en début de soirée avec la cheffe du gouvernement et a démenti toute vacance du pouvoir. Quelques heures auparavant, le chef du Front de salut national (FSN, principale coalition d’opposition) avait appelé le gouvernement à dévoiler les raisons de «l’absence» du Président, assurant avoir été informé qu’il avait eu des «problèmes de santé».

La rencontre Saïed/Bouden d’avant-hier a apporté la réponse réclamée par Ahmed Néjib Chebbi, le leader du Front de Salut national en Tunisie, à la question sur le devoir du gouvernement d’éclairer l’opinion publique concernant la santé du Président Saïed. Question posée lors d’un point de presse où le sujet des «détenus politiques» a passé la primauté à «la nécessité de donner des éclairages sur l’état de santé du Président de la République».

Or, il s’est avéré que le Président Saïed faisait l’objet d’un «coup de froid». «N’a-t-on pas le droit de tomber malade pour quelques jours», a ironisé le Président Saïed, au début de sa rencontre avec Najla Bouden. «Nos échanges téléphoniques étaient quotidiens et il n’y avait guère de vacance de pouvoir», a-t-il ajouté.

Il a suffi que la dernière sortie publique du Président Saïed, avant celle d’avant-hier, remonte à la soirée du 22 mars, veille du Ramadhan, pour que l’opposition développe les scénarios les plus fantaisistes sur les réseaux sociaux.

Ahmed Néjib Chebbi a clôturé cette mise en scène lors de son point de presse d’avant-hier, en réclamant des réponses officielles. Malheureusement pour lui et les autres détracteurs du Président, et comme par enchantement, Saïed a fait sa rencontre publique avec la cheffe du gouvernement quelques heures plus tard.

Le ton de sa voix indique clairement qu’il sortait d’un mal de gorge. Le Président tunisien a donné des recommandations pour que «des instructions judiciaires soient ouvertes contre les instigateurs de rumeurs pour la perturbation de l’ordre public».

Les rumeurs les plus folles s’étaient développées sur les réseaux sociaux en l’absence de communication officielle sur la santé du président de la République.

Les diagnostics les plus fantaisistes circulaient sur les réseaux sociaux et présentaient la santé du Président en péril. Ils spéculaient également sur la vacance du pouvoir. Un médecin y a même ajouté du sien «prétendant avoir relayé des sources médicales au chevet du patient».

Aucune réaction officielle à ces rumeurs. Selon Radio Mosaïque Fm, le ministre de la Santé, Ali Mrabet, aurait même tourné la tête vers un autre journaliste lorsqu’il avait entendu une question concernant la santé du Président Saïed, selon Radio Mosaïque Fm et repris par Ahmed Néjib Chebbi lors de son point de presse le lendemain. Pourtant, les professionnels disposent de recettes pour le traitement de ce genre de situation.

L’ex-Professeur à l’Institut de Presse et ex-directeur général de l’Information du temps de Ben Ali, Salaheddine Dridi, a appelé à diagnostiquer les sources.

«La majorité des publications vues sur les réseaux sociaux émane de personnes appartenant à l’opposition ou résidant à l’étranger, comme le cas de Rafik Bouchlaka, le gendre de Ghannouchi et ex-ministre des Affaires étrangères … La neutralité requise n’est pas garantie», a expliqué Professeur Dridi.

Il a ajouté : «L’unique source médicale parlant du sujet provient d’un médecin, actuellement hors d’activité et appartenant, lui-aussi, à l’opposition ; il n’est donc pas neutre.» L’abusif l’a clairement emporté sur le professionnel en termes de communication sur le sujet.

Règle

De façon générale, le palais présidentiel de Carthage en Tunisie a toujours été une chasse gardée en termes de communication, depuis les temps de Bourguiba. Rares sont les journalistes qui ont interviewé le leader de la nation ou les reportages à partir de Carthage. Bourguiba aimait discourir mais, rarement, être interviewé. Même chose du temps de Ben Ali, qui n’avait fait que de rares interventions sur les médias, tous genres confondus.

La donne n’a pas vraiment changé après la chute de Ben Ali, Moncef Marzouki, président intérimaire, issu de l’Assemblée nationale constituante entre décembre 2011 et décembre 2014. Marzouki n’a multiplié ses rencontres de presse qu’en devenant opposant après sa sortie de Carthage. Béji Caïed Essebsi était, lui-aussi, avare en apparition sur les médias, lors de sa présidence entre 2015 et juillet 2019.

Son interview sur El Watan (février 2015) fut l’une des rares.
Le Président Kais Saïed n’échappe donc pas à cette règle de communication au minimum. Président depuis le 23 octobre 2019, Saïed s’est rarement mis à la disposition des journalistes, tous genres confondus.

Contrairement à ses prédécesseurs, le Président Saïed ne dispose même pas de chargé de communication depuis le départ de Rachida Ennaifer, en octobre 2020. Les médias puisent leurs informations sur la page officielle de la présidence de la République. Les dernières informations accompagnées de vidéos, sur cette page, remontent à la sortie du Président dans la Médina, la veille du Ramadhan.

Ensuite, il n’y avait qu’un petit communiqué sur l’échange téléphonique avec l’émir du Koweït pendant la matinée du 23 mars portant sur les vœux du Ramadhan. Finalement, il y a deux communiqués datés du 30 mars sur le limogeage du gouverneur de Gabes et les recommandations pour l’ouverture d’une enquête judiciaire le concernant. Plus d’énigme depuis avant-hier.


 
 

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