Trafic de Drogue : L'Algérie face à une véritable guerre

15/04/2023 mis à jour: 06:38
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Des millions de comprimés de psychotropes saisis, des tonnes de cannabis, de l’héroïne, de la cocaïne, ce qu’il y a de plus dur comme drogue, et des dizaines de milliers de personnes en arrestation pour des affaires liées au trafic des stups, le tout en l’espace de trois mois. Le record des saisies de l’année dernière sera sans doute battu à la fin 2023. 

Le fléau atteint des proportions de véritable guerre faite au pays, comme l’a encore affirmé le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, jeudi dernier à l’APN. Brahim Merad répondait à l’occasion aux questions orales des députés s’enquérant de la stratégie adoptée par le département de l’Intérieur pour lutter contre le narcotrafic dans toutes ses formes. 

Le ministre affirme devant les parlementaires, selon l’APS, que «l’Algérie est visée à travers les drogues et fait face à une guerre menée par son voisin de l’Ouest», entendre le Maroc. Aussi, appelle-t-il à affronter cette offensive «avec tous les moyens, à travers l’association de tous les secteurs et organes spécialisés, ainsi que la société civile». 

Un hommage est rendu à ce titre aux «efforts colossaux de l’Armée nationale populaire et des différents corps de sécurité dans la lutte contre ce phénomène et la protection de nos frontières de toutes les formes de criminalité». 

Se référant au bilan d’action de la seule Sûreté nationale durant les trois premiers mois de l’année, M. Merad apprend que 3,5 millions de comprimés psychotropes ont été saisis lors des différentes opérations menées par les éléments de la police nationale. 2,5 tonnes de cannabis, 17 kg de cocaïne et près d’un kg d’héroïne ont été par ailleurs saisis par les mêmes services sur la période. 

Ces opérations ont donné lieu au transfert de 37 352 personnes devant les tribunaux dans le cadre de 32 742 affaires intentées. A titre comparatif, les services de la Sûreté nationale sur toute l’année 2022, a exposé le ministre, ont traité un total de 85 538 affaires relatives aux crimes liés à la drogue et mettant en cause 97 863 individus, des jeunes en majorité. 

Le bilan annuel fait état de la saisie de 5 tonnes de cannabis, 22 kg de cocaïne, 8,5 kg d'héroïne et plus de 7 millions de différents comprimés psychotropes. 

A la cadence des saisies et opérations coup-de-poing, opérées par la police nationale depuis le début de l’année, en milieu urbain notamment, le bilan de l’année en cours est bien parti pour battre le record écoulé. La «géographie» du trafic semble par ailleurs se diversifier, puisque les récentes saisies ont eu lieu dans différentes villes et régions du pays. 

Le premier policier du pays reconnaît que «le bilan est lourd» et «grandissant», et y voit surtout le signe de l’efficacité de l’action de la Sûreté nationale en coordination avec les corps sécuritaires dans la lutte contre les différentes formes de criminalité liées à la drogue. Le constat du terrain fait montre en effet d'une mobilisation permanente et de proximité des services de sécurité  face au fléau. 

Drogues et bandes de quartier

Force est de dire également qu’au vu des tendances statistiques enregistrées, les quantités qui échappent aux mailles des filets tendus par les forces de sécurité doivent être importantes, même si elles ne sont pas forcément proportionnelles. 

Les quartiers de nos grandes villes bruissent des échos de ces transactions criminelles, qui mettent à contribution des acteurs de plus en plus jeunes et des bandes de quartier de plus en plus tapageuses. 
Les autorités publiques semblent bien décidées à y remédier. Brahim Merad a ainsi réaffirmé devant les députés qu’une «stratégie nationale de prévention contre les bandes de quartier» est mise en œuvre sur trois années à compter de celle en cours, sous la supervision d’une commission nationale qui représente un maillon essentiel de la lutte globale. «Elle vise l’adoption de mécanismes de vigilance et d’alerte et de détection précoce, l’information, la sensibilisation et la garantie d’une couverture sécuritaire», précise le ministre. 

Au chapitre de la sensibilisation, on apprend que les services de sécurité ont pris part à 10 261 actions de sensibilisation l’année dernière, 2589 autres ont été menées durant le premier trimestre 2023, avec la contribution de la Police nationale. 

Le ministre informe également que les services de police font un travail pour s’adapter aux exigences du moment. Cycles de formation spécialisée pour les éléments chargés des enquêtes judiciaires (PJ), ainsi que la création de services spécialisés dans la lutte contre le trafic de drogue, dans le cadre général de la spécialisation incluant également «la cybercriminalité, le trafic d’êtres humains et le crime organisé dans toutes ses dimensions». 
 

 

 

Narcotrafic : La nouvelle loi adoptée

La loi relative à la prévention et à la répression de l’usage et du trafic de stupéfiants et de substances psychotropes a été adoptée par la Chambre haute du Parlement, lors d’une plénière jeudi dernier à Alger. Le texte renforce la répression du narcotrafic et ouvre de nouvelles possibilités à la prévention et à la prise en charge de la toxicomanie. 
Dans le lot des dispositions pénales aggravées par le contenu de la nouvelle loi, une peine de prison allant jusqu’à 30 ans est prévue si l’auteur du méfait est un agent public dont la fonction a facilité le crime. 
La peine est portée à la perpétuité si le trafic est l’œuvre d’individus organisés en groupe criminel. Le texte vise également à «rattraper les vides et lacunes émaillant la loi de 2014, notamment concernant l’aspect relatif à la classification nationale des drogues conformément aux traités internationaux», contextualise le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Abderrachid Tabi, cité par l’APS. La nouvelle loi édicte, par ailleurs, la révision des dispositions régissant les mesures thérapeutiques à travers «un suivi particulier des prévenus mineurs qui observent une cure de désintoxication, à l’encontre desquels les poursuites judiciaires seront abandonnées à certaines conditions». 
La protection des pharmaciens et des praticiens que leurs activités exposent naturellement à la menace des agents du trafic ou des consommateurs illicites, sur le segment psychotropes, est par ailleurs prise en charge par la nouvelle loi, à travers l’introduction de condamnations plus sévères contre les personnes qui tentent d’obtenir ces substances par la menace ou l’agression.
 

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