Traditions : Le couscous roulé à la main, une tradition perpétuée par les familles à Tébessa

13/05/2023 mis à jour: 00:20
APS
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Beaucoup de familles de Tébessa et d’autres wilayas des Aurès s’attachent encore à la tradition de rouler à la main le couscous toujours préféré à celui «industriel», jugé à la fois cher et de moindre qualité. 

La femme tebessie se dit toujours fière de perpétuer cette tradition transmise d’une génération à l’autre, faisant de la compétence de la femme dans le roulement du couscous un critère caractéristique de la mère de famille habile. Cette tradition fait du roulement du couscous un événement collectif qui rassemble les femmes de la famille dans la cour d’une maison dans une ambiance conviviale faite de papotages, d’évocation de souvenirs, de chant traditionnel et même de youyous. 

Ces réunions permettent de préparer une grande quantité de couscous suffisant pour toute l’année est désigné par le terme el aoula qui signifie «la provision» que l’on conserve après séchage dans un endroit frais et loin de l’humidité, deux critères indispensables pour éviter sa détérioration ou son infestation par «essousse», le charançon du blé. Pour Fatima Zahra, septuagénaire de la ville de Tébessa, un sac de 25 kg de couscous est indispensable dans chaque foyer. 

C’est une quantité qui satisfait aux besoins d’une famille pour une année entière, assure cette dame qui souligne que la majorité des familles tebessies conservent toujours cette tradition en dépit de la multiplication des marques de couscous industriel proposées sur les étals des magasins. Selon cette vieille dame, c’est par une journée printanière ensoleillée que les femmes se retrouvent autour de plusieurs gassaâ (vaste récipient en bois) pour rouler la semoule qui est salée et régulièrement aspergée d’eau à l’aide d’une louche pour former des grains qui sont passés dans des tamis de différents calibres selon que l’on veut un couscous fin (mesfouf), moyen ou gros (khechine ou seffa). 

Rouler, tamiser et séparer les variétés de couscous selon la taille des grains se succèdent et se répètent jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de semoule, précise-t-elle. Vient ensuite l’étape du teffouar qui signifie cuir à la vapeur le couscous roulé mis dans un gros couscoussier qui recouvre une grosse marmite d’eau bouillant sur le feu. Lors de la phase de séchage, le couscous est étalé sur un drap très propre à même le sol, dans un endroit ombré et aéré. Une fois bien sec, il est mis dans des sacs en toile de coton stockés à l’ombre et à l’écart de l’humidité, précise, en experte, la vieille dame. 

C’est une touiza féminine que de rouler le couscous qui regroupe les femmes de toute la famille et fait baigner la maison dans l’odeur de la cuisson à la vapeur du couscous, souligne, de son côté, Mme Nacira. Dès le début de la saison chaude, commencent ces touizas qui se répètent chaque fois dans une autre maison d’une des femmes membres de ce groupe familial dans une ambiance toujours festive et conviviale, nécessaire pour dissiper la fatigue et la monotonie de cette besogne qui commence au début du jour et peut se prolonger jusqu’à la fin de l’après-midi, assure Nacira. Mabrouka, une grand-mère, affirme fièrement que le couscous industriel «n’a pas de place» dans sa maison. Et d’ajouter que el mesfouf, couscous fin roulé à la main, réchauffé à la vapeur et mélangé au beurre et au sucre et raisins secs, constitue le plat du s’hour de sa famille durant tout le ramadan et est mangé avec quelques dattes et du lait caillé ou lacté «raïb ou leben». S’inscrivant à l’opposé de cette tendance conservatrice, Wahiba, employée et mère de deux enfants, affirme, elle, préférer le couscous industriel qui lui évite beaucoup d’efforts et le souci de stockage. «Chaque fois que je veux du couscous, j’ achète une petite quantité qui me suffit malgré le fait que le couscous acheté me revient plus cher avec 150 DA le kilo contre moins de 80 pour celui roulé à la maison», ajoute-t-elle.

Rouler le couscous, source de revenus

Quinquagénaire, Mme Zahra fait de l’activité de rouler à la main le couscous une source de revenu pour son ménage, assurant que beaucoup de femme tebessies préfèrent le couscous traditionnel à celui industriel. Elle affirme rouler les différents types de couscous ainsi que le berkoukess ou berkoukech, et préparer les feuilles de chekhchoukha, chekhchoukhet dhafr et trida qui sont très demandées par les femmes travailleuses qui n’ont plus le temps pour préparer ces pâtes traditionnelles elles-mêmes. 
Cette demande augmente particulièrement durant l’été et pour les occasions des fêtes de mariage et de réussite scolaires ainsi qu’à la veille du mois sacré de Ramadhan, souligne cette artisane qui précise avoir appris à rouler le couscous dès sa tendre enfance au côté de sa défunte mère. Pour Zahra, le couscous fait à la main ne peut être égalé par aucun couscous préparé par des machines aussi développées soient-elles. 

Les familles tebessies perpétuent cette tradition et les mères de famille qui ne peuvent plus assumer cette tâche elles-mêmes recourent aux artisanes pour les commandes en fonction de leurs capacités, soit un sac de 10 kg ou celui de 25 kg. Zahra affirme qu’en dépit du fait que ce travail reste pénible pour une seule femme, elle s’attache à l’accomplir avec patience et veille à assurer à son couscous un séchage parfait en choisissant les meilleures qualités de semoule pour obtenir un meilleur couscous. 

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