Le président serbe, Aleksandar Vucic, a exprimé son soutien à la souveraineté de la Chine sur Taïwan, en accueillant son homologue Xi Jinping, venu approfondir les liens économiques avec son pays. A cette occasion, il a qualifié ce dernier d'«ami de la Serbie».
Après la France, le président chinois Xi Jinping est arrivé mardi soir en Serbie, dans le cadre de sa tournée européenne qui le mènera également en Hongrie. La Chine a investi des milliards d'euros en Serbie et dans les Balkans, notamment dans les secteurs minier et manufacturier.
Signe de la solidité des relations, en 2022, par le biais de six gros avions porteurs de l’armée de l’air chinoise, Pékin a livré à la Serbie plusieurs batteries de missiles sol-air. L’an dernier, Pékin et Belgrade ont signé un accord de libre-échange.
Hier, le président serbe Aleksandar Vucic a exprimé son soutien à la souveraineté de la Chine sur Taïwan, en accueillant son homologue Xi Jinping venu approfondir les liens économiques avec son pays. A cette occasion, il a qualifié le président chinois «d'ami de la Serbie», selon des propos recueillis par l’AFP. Pour ensuite déclarer : «Nous avons une position claire et simple en ce qui concerne l'intégrité territoriale de la Chine.
Oui, Taïwan est la Chine.» Des propos qui interviennent alors que la plupart des dirigeants européens et occidentaux, même si leurs pays ne reconnaissent pas Taïwan, s'abstiennent en général de tenir des propos similaires de manière aussi affirmée. La Chine a intensifié ces dernières années la pression sur Taïwan, île qu'elle n'a pas réussi à conquérir depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949.
Au début de leur entretien bilatéral, Xi Jinping a indiqué à Aleksandar Vucic qu'il existe «un fort sentiment d'amitié» entre leurs deux pays. Ils ont ensuite signé une déclaration sur la consolidation de leurs liens diplomatiques et assisté à la présentation de diverses promesses commerciales, entre autres l'achat de trains chinois, l'ouverture de nouvelles liaisons aériennes et l'augmentation des importations de produits serbes. Face à la presse, le président chinois a appelé Pékin et Belgrade à «soutenir fermement les intérêts fondamentaux de chaque partie».
Et de poursuivre : «La Chine soutient la Serbie (...) dans ses efforts pour sauvegarder sa souveraineté nationale et son intégrité territoriale sur la question du Kosovo».
A Paris, le président français, Emmanuel Macron, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont exhorté Xi Jinping à empêcher l'exportation vers la Russie de produits susceptibles d'être utilisés dans son invasion de l'Ukraine. Ils ont également appelé le président chinois à faire tout son possible pour mettre fin à la guerre.
Face aux critiques occidentales, notamment américaines, sur son soutien économique à Moscou, Xi Jinping a appelé à ne pas profiter du conflit ukrainien pour «salir» la Chine.
Après la Serbie, le président chinois est attendu dans l’après-midi en Hongrie. Cette visite, qui s’étend jusqu’au 10 mai, intervient alors que le Premier ministre hongrois, Victor Orban, se démarque des vingt-six autres leaders de l'Union européenne (UE) en entretenant d'excellentes relations avec Pékin.
A Bruxelles, Budapest s'oppose au projet de la Commission de taxer les importations de véhicules électriques chinois. La Hongrie a été le premier pays européen à signer, en 2015, un accord de coopération avec Pékin dans le cadre de «l’initiative de la route de la soie». Aussi, la Chine a investi massivement dans les usines de véhicules électriques comme celle de Szeged, dans le sud de la Hongrie.
Marquer sa présence en Europe
La Serbie et la Hongrie constituent pour la Chine une fenêtre vers l’Europe face à l’Occident qui voit d’un mauvais œil la présence de Pékin sur le Vieux Continent. Bruxelles plaide en faveur de mesures protectionnistes pour limiter les ambitions économiques de la Chine en Europe.
La Commission européenne a ouvert des enquêtes sur les subventions chinoises aux véhicules électriques et aux panneaux solaires, les accusant de fausser la concurrence. En outre, Belgrade rappelle une partie sombre de l’histoire de la guerre menée par l’Otan en ex-Yougoslavie.
Ainsi, la visite de Xi Jinping à Belgrade coïncide avec le 25e anniversaire du bombardement par les Etats-Unis de l'ambassade de Chine qui a fait trois morts le 7 mai 1999. L'ambassade a été touchée au cours d'une série de frappes menée par l'Otan contre des cibles serbes durant la guerre du Kosovo.
Les Etats-Unis se sont ensuite excusés, affirmant que des cartes non mises à jour ont conduit le pilote de l'avion incriminé à se tromper de cible. Revenant sur cet événement dans un article publié mardi dans le quotidien serbe Politika, Xi Jinping a écrit que l'Otan a «bombardé sans vergogne» l'ambassade.
«Le peuple chinois chérit la paix, mais il ne permettra jamais que la tragédie de l'histoire se reproduise», a-t-il souligné, évoquant, par ailleurs, «l'amitié à toute épreuve» entre la Chine et la Serbie qui, selon lui, a été «forgée avec le sang de nos compatriotes».
La Serbie et la Hongrie appartenaient au groupe des 16+1, les 16 pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale qui se réunissaient avec la Chine tous les ans, avant le début de la pandémie. Les deux pays ont importé massivement des vaccins et des équipements médicaux chinois afin de contrer la pandémie de la Covid-19.
Leurs deux dirigeants, Orban et Vucic, se sont rendus à Pékin lors du forum des Nouvelles routes de la soie en octobre 2023, seuls Européens, au côté du président russe Vladimir Poutine.
Malgré les pressions occidentales, V. Orban n’a pas rompu les liens ni avec la Russie ni avec la Chine. Même vision pour la Serbie, d'autant que le soutien de Pékin lui est précieux sur la question du Kosovo. Entre-temps, Belgrade soutient que «Taïwan, c'est la Chine».
En février dernier, Aleksandar Vucic a déclaré lors d’une interview à la télévision chinoise CGTN : «Pour nous, c’est très simple (…), Taïwan, c’est la Chine. Et c’est à vous de voir quoi, quand et comment vous allez faire.»
Aussi, les deux pays sont intéressés par la coopération avec le géant de la technologie de la télécommunication Huawei alors qu’il est sous les critiques des Etats-Unis. Depuis 2017, Huawei a participé à plusieurs projets pour le gouvernement serbe, y compris l'installation d'infrastructures de vidéosurveillance policière intelligente, d'information et de communication sur ses sites d'éducation, entres autres.
En mai 2019, Belgrade, par la voix de sa secrétaire d'État au sein du ministère serbe du Commerce, du Tourisme et des Télécommunications, Mme Tatjana Matic, a exprimé sa volonté de poursuivre et d'améliorer sa coopération avec Huawei.
En 2019, le gouvernement hongrois a signé un protocole d'accord avec le géant chinois des technologies de la télécommunication. Or, les Etats-Unis ont mené une campagne intense contre ce groupe et menacé de sanctions toute coopération avec ce dernier.
Hier, l'administration Biden a retiré certaines licences d'exportation vers Huawei, empêchant des fabricants américains de lui vendre des composants, une nouvelle étape dans les tensions entre Etats-Unis et Chine. Selon le Financial Times, les licences qui ont été révoquées sont celles qui autorisent jusqu'à présent les fabricants américains de semi-conducteurs Qualcomm et Intel, à vendre des composants à Huawei.
Ce dernier est depuis plusieurs années au centre d'une intense rivalité technologique entre Pékin et Washington, les Etats-Unis accusant l'entreprise, qui conteste fermement, de pouvoir espionner au profit des autorités chinoises.
«Les Etats-Unis ont trop étendu le concept de sécurité intérieure, politisé les questions économique et commerciale, abusé de mesures de contrôle à l'export et adopté à plusieurs reprises des sanctions et des mesures de répression déraisonnables contre des entreprises chinoises spécifiques», a réagi un porte-parole du ministère chinois du Commerce, dans un communiqué. Il a averti que «la Chine prendrait toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder fermement les droits et les intérêts légitimes des entreprises chinoises».
Depuis 2019, des sanctions de Washington coupent Huawei des chaînes d'approvisionnement mondiales en technologies et en composants américains. Washington cherche aussi à convaincre leurs alliés de proscrire Huawei de leurs réseaux 5G. En juin, la Commission européenne a estimé que les fournisseurs chinois d'équipements télécoms, dont Huawei, représentaient un risque pour la sécurité de l'UE.