Torture, brutalités et pratiques dégradantes contre les prisonniers palestiniens : Dans l’enfer des geôles israéliennes

25/06/2024 mis à jour: 16:55
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Photo : D. R.

Depuis le début de la guerre à Ghaza, 54 Palestiniens ont été tués dans les prisons israéliennes. Au moins 640 enfants palestiniens ont été détenus en Cisjordanie, beaucoup subissant des abus et des tortures similaires à ceux des adultes.

Ses grands yeux verts écarquillés révèlent l’ampleur de l’angoisse vécue.  Dans une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux, Badr Dahlane, un Palestinien récemment libéré après avoir passé un mois dans les geôles israéliennes, apparaît en état de choc et désorienté.

Ses yeux exorbités qui ne parviennent pas à ciller, reflètent une peur intense alors que ses paroles sont entrecoupées de bégaiements. Cette vidéo, tournée dans un hôpital de Ghaza, a suscité une vague d’indignation internationale contre les méthodes brutales utilisées par Israël contre les prisonniers palestiniens. Dahlane raconte en quelques mots l’horreur des trente jours passés en détention.

«Oui, j’ai été torturé, électrocuté. Ils m’ont frappé à la tête et ont voulu me couper une jambe», raconte-t-il. Et de murmurer : «C’étaient des jours noirs et difficiles, je ne peux rien dire d’autre», incapable de décrire plus en détail les sévices subis. Arrêté par les forces israéliennes alors qu’il retournait de Khan Younès à Rafah, il a été incarcéré sans aucune accusation formelle.

Les témoignages d’anciens détenus palestiniens décrivent une réalité effroyable des prisons israéliennes. Les prisonniers palestiniens, qu’ils soient de la Cisjordanie ou de Ghaza, subissent quotidiennement des actes de torture, des agressions et des humiliations. Depuis l’agression israélienne à  Ghaza en octobre dernier, la brutalité des traitements réservés aux détenus a redoublé d’intensité.

Depuis le début de la guerre à Ghaza, 54 Palestiniens ont été tués dans les prisons israéliennes. Les rapports de détentions massives et d’abus se multiplient, y compris des actes de torture, des privations d’eau et des attaques de chiens. Au moins 640 enfants palestiniens ont été détenus en Cisjordanie, beaucoup subissant des abus et des tortures similaires à ceux des adultes. L’arrestation de Bahaa Kazem Hadj Mohammed, un enfant de sept ans, le jour de l’Aïd El Adha, avait d’ailleurs grandement choqué.

La Commission des affaires des prisonniers palestiniens a décrit les prisons israéliennes comme des «cimetières de masse» pour des milliers de Palestiniens, où les détenus subissent des tortures physiques et psychologiques ainsi que des conditions de détention épouvantables.

«L’armée nous a menacés de nous tirer dessus»

Selon un rapport récent de l’ONU basé sur des examens détaillés et des entretiens avec les victimes, les forces israéliennes sont responsables de soumettre les Palestiniens à la torture, aux abus, à la privation de sommeil, à la violence physique, à l’exposition à des températures extrêmes, à  l’utilisation de décharges électriques, à la nudité publique forcée, au dépouillement, l'humiliation et au harcèlement sexuels.

Cela inclut le fait de bander les yeux des civils et de les forcer à se déshabiller, de les interroger alors qu’ils sont partiellement vêtus, et de les obliger à regarder leurs familles se déshabiller en public tout en étant harcelés sexuellement.

Face à ces accusations répétées, une commission d’enquête de l’ONU a estimé mercredi 12 juin qu’Israël est responsable de «crimes contre l’humanité», notamment pour «extermination» dans la bande de Ghaza. «Les crimes contre l’humanité d’extermination, de meurtre, de persécution fondée sur le genre ciblant les hommes et les garçons palestiniens, de transfert forcé, d’actes de torture et de traitements inhumains et cruels ont été commis» par Israël, conclut dans un rapport cette commission, créée par le Conseil des droits humains en mai 2021.

Un responsable des droits de l’homme des Nations unies, Ajith Sunghay, avait lancé, il y a quelques semaines,  un appel pour mettre fin aux mauvais traitements infligés aux détenus palestiniens par les forces israéliennes dans la bande de Ghaza.  Les hommes palestiniens ont été détenus par les forces israéliennes pendant des périodes allant de 30 à 55 jours, selon Sunghay. Il a rapporté que certains détenus ont été libérés vêtus uniquement de couches, visiblement choqués et ébranlés.

Des vidéos partagées par l’armée d’occupation israélienne montraient, aux premiers mois de la guerre,  des centaines d’hommes palestiniens en sous-vêtements, assis en plein air dans le froid, parfois les yeux bandés. Ces scènes ont été filmées dans divers endroits de Ghaza, notamment Beit Lahiya, Shujayea et Djabalia.

D’après l’Observatoire Euro-méditerranéen des droits de l’homme, plusieurs prisonniers libérés ont témoigné avoir été contraints de se dénigrer avant d’être transférés dans des centres de détention en plein air, où ils ont subi des coups et d’autres formes de mauvais traitements. «Israël doit prendre des mesures urgentes pour garantir que tous les détenus soient traités conformément aux normes internationales des droits de l’homme et du droit humanitaire»,  a déclaré Sunghay.

Il a insisté sur le fait que, sauf preuve de motifs de sécurité impératifs, les détenus doivent être inculpés ou libérés. Plusieurs prisonniers libérés par les forces d’occupation israéliennes à Ghaza ont accusé l’armée de mauvais traitements à leur arrivée à l’hôpital Abou Youssef El Nadjar à Rafah.

Mohammed Abou Samra, l’un des détenus, a raconté avoir été arrêté dans la zone d’El Saftawi, soumis à des tortures et des coups avant d’être transféré dans un centre de détention au quartier général de l'armée israélienne. «L’armée nous a menacés de nous tirer dessus alors que nous étions nus dans le froid», a-t-il déclaré.

De son côté, et après plusieurs heures passées à l’hôpital, Dahlane a finalement retrouvé sa famille dans un camp de réfugiés à Khan Younès. Son père, Mohammed Dahlane, a expliqué que son fils souffrait déjà de troubles psychologiques avant son arrestation, exacerbés par les conditions de vie à Ghaza. Depuis son retour, ses troubles se sont aggravés, le laissant parfois crier de manière incohérente, incapable de raconter son expérience. 

 


 

 

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