Alger s'endort un matin et dort trop longtemps. Après les pluies de la veille, la capitale s'est retrouvée dans une chaleur anormale, brûlante et desséchante, ce qui a fait lâcher à certains le fameux slogan généraliste explicatif de l'univers depuis le Big Bang, «c'est voulu». Oui ou non, peu de gens étaient dehors, chacun attendant ou pas un peu de fraîcheur du soir et des prolongations éventuelles à 22 heures ou pas pour accomplir ou pas leur devoir électoral.
En attendant, des citoyen(ne)s sont allés voir des films, probablement pour la climatisation des salles, un des hauts et peu connus acquis du cinéma national, avec au programme pour cette journée sacrée du 7 septembre, Vice-Versa 2, Wolverine, Alien : Romulus ou encore Moi, moche et méchant 4. C'est d'ailleurs le sujet du jour, pourquoi n'y a-t-il pas de films politiques en Algérie, où tout est politique ?
Question forcément de budget alloués, l'Etat étant encore le seul pourvoyeur des financements cinéma, mais pourquoi des séries TV comme House of cards ou En Place, comédie politique actuellement sur Netflix sont impossibles à faire ? La réponse est dans la question, les télévisions sont aussi des antennes politiques, et après ce bref résumé de la situation cinématographiques, il faut quand même citer deux documentaires. Le grand jeu de Malek Bensmaïl où il s'est agi de suivre le faux duel Bouteflika-Benflis et surtout Vote off de Fayçal Hammoum comme une réponse au film précédent, choisissant de ne pas choisir en donnant la parole à ceux qui ne votent pas.
La liste est une short-list pour la fiction, sont classifiés comme films politiques L'Oranais de Lyès Salem, Papicha de Mounia Meddour sur la résistance des femmes face au terrorisme ou Normal de Merzak Allouache, axé sur le Printemps arabe de 2010 avec l'humour comme mécanisme pédagogique à l'image de Sultan Achour, série TV à succès en deux saisons et satire politique déguisée en comédie qui se déroule dans un royaume fictif d'Afrique du Nord, 66 épisodes de 30 minutes créés par Djaffar Gacem et diffusés entre 2015 et 2021 sur Echorouk TV sous l'ère Saïd Bouteflika. Ce qui amène la question, même dans la comédie et la satire politique, peut-on aujourd'hui refaire Carnaval fi dechra (1994) de Mohamed Oukassi avec Slimane Ariouet alias Makhlouf Bombardier ou De Hollywood à Tamanrasset (1991) de Mahmoud Zemmouri ? Rien n'est moins sûr, l'humour ne faisant plus rire en haut lieu alors que c'est sa fonction.
Tout est politique, même l'importation de caméras
Dans un entretien, l'acteur et réalisateur Khaled Benaïssa, auteur notamment du remarquable Sektou, (Ils se sont tus, 2008 et premier prix au Fespaco en 2009), expliquait que «je ne vois pas un film qui peut être non-politique, tout film est forcément politique», tout en racontant une histoire à tiroirs, celle d'un film autour d'un jeune réalisateur qui fait un film sur le terrorisme des années 90 et se bat contre son producteur qui lui veut simplement se faire bien voir du pouvoir. Match nul ? Presque tout est politique mais rien ne l'est, ce qui explique la propension des producteurs à traiter des thèmes sociaux, délinquance, drogue ou maltraitance des zèbres, ou des comédies, souvent apolitiques. Il faut bien rire, mais pas de tout. Alors que dans des sujets sérieux, comment ne pas citer Z, dernière lettre de l'alphabet latin mais titre d'un film de Costa Gavras produit en 1969 par l'Algérie à travers son Office national du cinéma qui dépendait du ministère de l'Information et qui a obtenu le Prix du jury à Cannes, l'oscar du meilleur film étranger aux USA, le Golden globe et autres récompenses internationales.
On y trouve d'ailleurs comme producteur délégué Ahmed Rachedi, devenu plus tard Monsieur cinéma à la Présidence de Abdelmadjid Tebboune, et des acteurs Hassan El Hassani et Sid Ahmed Agoumi. De quoi s'agit-il ? De la dictature, pas en Algérie mais en Grèce, à l'époque du régime des colonels. Devant l'impossibilité de tourner en Grèce pour des raisons politiques, le film sera tourné en Algérie.