Théâtre régional Mohamed Tahar Fergani de Constantine : Un vibrant hommage rendu à Aïssa Reda

11/06/2023 mis à jour: 00:32
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Avec une carrière qui s’est étalée sur plus de trente ans, l’homme a été présent dans d’innombrables pièces 
comme scénographe, comédien, auteur et metteur en scène, un fait inédit dans l’histoire du théâtre algérien.

Finalement, des années après son départ à la retraite, Aïssa Redaf a eu droit à un hommage qu’il méritait beaucoup. Un hommage qui a trop tardé, bien qu’il soit toujours temps de bien faire.

 Peu importe, l'événement organisé, jeudi 8 juin, par le théâtre régional Mohamed Tahar Fergani de Constantine (TRC), à l’occasion de la Journée nationale de l’artiste, a eu le mérite de rassembler la grande famille des passionnés du 4e art, entre comédiens, auteurs, metteurs en scène, critiques, activistes au sein des associations culturelles, journalistes et même de simples citoyens, sans oublier la famille Redaf, présente en force. Il y avait aussi cette émotion qui marque toujours les retrouvailles entre vieux «routiers» du théâtre. 

Même Noureddine Bechkri, chargé d’animer cet hommage, avait le trac, bien qu’il soit rompu à cet exercice. Le menu comptait également des surprises, dont des extraits de la pièce Aarss eddib produite par le TRC en 1990, jouée d’une manière symbolique par Antar Hellal, Karim Boudechiche, Hamza Hammoudi et Mohamed Daloum, avec une touche d’improvisation en invitant Aïssa Redaf à monter sur scène pour parler de la scénographie qu’il a conçue lui-même pour cette pièce. 

Pour rappel, la pièce avait été adaptée et mise en scène par Amar Mahcene, qui n’a pas pu faire le déplacement, jeudi, pour des raisons de santé. Les rôles avaient été campés à l’époque par Hassan Benzerari, Allaoua Zermani, Abdelmadjid Boutouha, Smail Hamlaoui et Mohamed Cherif Bouaker. 

Cette pièce fait partie d’une longue série d’œuvres pour lesquelles Aïssa Redaf avait réalisé la scénographie, sans compter celles dans lesquelles il a campé des rôles et les œuvres adaptées et écrites. Il faut dire qu’Aïssa Redaf n’a laissé que de bons souvenirs derrière lui. 

Tous ceux qui l’ont connu de près ou de loin, qui l’ont côtoyé ou travaillé avec lui au théâtre de Constantine étaient unanimes à témoigner des grandes qualités de cet homme qui s’est toujours distingué par son dévouement pour le 4e art, son abnégation dans son travail de scénographe, sa disponibilité, son sérieux, son extrême gentillesse, mais surtout sa grande modestie. 

«Une pièce théâtrale est un travail collectif qui regroupe l’auteur, les comédiens, le metteur en scène, le scénographe, le compositeur de la musique et les techniciens, et moi je ne faisais qu’une partie de ce travail», a-t-il déclaré en toute humilité. Né en 1948 à Oum El Bouaghi, Aïssa Redaf avait fait ses débuts au théâtre au sein de la troupe d’El Mazhar el Qacentini en 1964. Il avait un don exceptionnel pour le dessin. Il avait rejoint l’école des beaux arts de Constantine en 1966, avant de la quitter pour des raisons familiales. 

En 1968, il avait rejoint l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP) en tant que dessinateur de décor. Il avait commencé durant la même année à activer dans les rangs du Centre régional de l’animation culturelle (CRAC) comme amateur. En 1975, il entame une carrière de comédien professionnel, avant de s’engager officiellement avec le théâtre régional de Constantine. Il aura son premier rôle dans la pièce  Hassna oua Hassan, adaptée par M’hamed Benguettaf et mise en scène par Sid Ahmed Agoumi, dont il réalisera la scénographie. Ce sera le début d’une longue expérience de scénographe-comédien durant les années 1970 à 2000. 

Sous ces deux casquettes, il sera présent dans les célèbres pièces du TRC comme Hada Ydjib Hada (1976),  Rih Semsar  (1979) et Ness El Houma (1980). Durant toutes ces années, il réalisera la scénographie d’une vingtaine de pièces. Des décors qu’il tenait à produire de ses propres mains. Un travail qui sera couronné par des prix dans diverses manifestations. 

Le plus important a été le premier prix de la scénographie décroché au festival du théâtre expérimental du Caire, en 2004, avec la pièce Def El Goul ouel bendir. Comme comédien, il jouera dans plus de vingt pièces produites par le TRC. Il avait côtoyé M’hammed Benguettaf, Sid Ahmed Agoumi, Sonia, Antar Hellal, Abdelhamid Habbati, Nouredine Bechkri, Mustapha Ayad, Hamid Remas, Djamel Dekar, Allaoua Zermani, Hassan Benzerari, Fatima H’lilou, Yamina Djellou, Tayeb Dehimi, Hassan Bouberioua, Zoubir Izam et autres, comme il avait travaillé encore avec des jeunes lors de son expérience dans le théâtre pour enfants avec la pièce  Qazman  en 1997. Il avait écrit des textes pour les pièces  Essilm  et  Elloûba. 

Sa dernière apparition remonte à la pièce  Symphonia min tourab , en 2013. Grâce à un texte d’Aïssa Redaf, le TRC a produit sa première pièce en langue amazighe, mise en scène par Karim Boudechiche et qui a été présentée en 2015 à l’occasion de la manifestation Constantine capitale de la culture arabe.  «Aïssa Redaf était un artiste complet ; il avait écrit des textes ; il était comédien, scénographe, poète en amazigh ; je l’ai connu quand il était au Centre régional de l’animation culturelle (CRAC) en 1969 ; il avait fait beaucoup de choses avec cette association qui était derrière l’officialisation du festival du théâtre amateur de Mostaganem, où elle avait raflé trois prix entre 1968 et 1970. 

Il était le scénographe attitré du TRC durant des années, mais il avait fait partie de ce collectif qui avait crée ce théâtre de société qui marquera l’histoire du théâtre en Algérie ; il avait laissé son empreinte dans les œuvres du TRC ; il mérite les hommages pour ce qu’il avait fait comme auteur, scénographe et comédien.» 

On ne pourra pas dire tout sur la carrière riche de cet homme de théâtre resté en retrait et loin des feux de la rampe. «Aïssa Redaf a beaucoup donné au théâtre en tant que scénographe, comédien et auteur ; c’est Sid Ahmed Agoumi qui lui avait donné sa chance à ses débuts ; avec tout ce qu’il a réalisé, il n’a pas d’égal comme scénographe», a témoigné Abdellah Hamlaoui, le doyen des comédiens de théâtre à  Constantine. 

On ne termine pas sans noter le geste fort apprécié du théâtre de Constantine qui a offert une toile en grand format sur laquelle a été dessiné le portrait d’Aïssa Redaf avec comme fond le décor majestueux de ce monument architectural. Une toile réalisée sur le champ par le jeune Toufik Sebihi.  
 

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