Théâtre de verdure : Une autre édition exceptionnelle du festival du raï à Oran

11/07/2023 mis à jour: 08:40
1970
Le défunt Rossignol du Raï, Cheb Hasni de son vrai nom Hasni Chakroun

Une vingtaine de chanteurs prennent part au Festival du raï prévu à Oran au théâtre de verdure  entre le 10 et le 14 juillet, apprend-on lors de la conférence tardive organisée le 9 juillet au Palais de la culture par le commissariat du festival dirigé par Mohamed Bousmaha et en compagnie du grand musicien Amine Dahane, qui cumule une longue expérience dans le domaine pour avoir accompagné une flopée de chanteurs durant et en dehors du festival.

 La manifestation délocalisée d’Oran vers Sidi Bel Abbès en 2008 revient à titre exceptionnel. Ce fut le cas l’an dernier, car Oran abritait les Jeux méditerranéens et cette année encore parce que la ville est concernée durant cette période allant du 5 au 15 juillet par une partie des jeux sportifs arabes. Les organisateurs ont opté pour une entrée gratuite, ce qui augure déjà d’une affluence remarquable en ces temps de chaleur. 

A cela il faudra ajouter la programmation de quelques figures à succès, comme Cheb Bilal qui viendra avec ses propres musiciens ou alors la grande Zahouania, l’une des plus anciennes vedettes. Les soirées seront marquées par des hommages devant être  rendus à des figures marquantes du genre. Hormis le traditionnel Hasni,  d’autres noms seront consacrés, à l’instar de Cheikha El Djenia, Belkacem Boutheldja, Ahmed Zergui, Djilali Amrana ainsi que le trompettiste Djaâfar Bensetti, décédé récemment à Paris (France). Avec ou sans les têtes d’affiche, le succès populaire du festival a toujours été au rendez-vous. 

A côté, on n’arrive toujours pas à se défaire des mêmes débats concernant, d’une part, la nécessité ou pas d’exclure le raï qui ne cadre pas avec la conception qu’on se fait de la morale en ne privilégiant que ce qui est qualifié de «raï propre» et, de l’autre, l’attitude à voir en face de la quasi majorité des chanteurs de raï qui n’ont aucune notion de musique, ce qui a toujours généré, notamment dans le passé, un certain mépris de la part des initiés. 

En sa qualité de musicien reconnu sur la scène nationale, ancien diplômé de l’IRFM d’Oran (Institut régional de formation musicale), Amine Dahane a évoqué le sujet pour expliquer que, pour cette édition, on a quand même privilégié des artistes qui ont de l’expérience, pour ne pas dire un certain niveau. 

«Même si un chanteur a beaucoup de succès populaire, mais s’il ne répond pas à certains critères, y compris de moralité dans les paroles, moi je ne marche pas», a-t-il indiqué. 

Le commissaire du festival a indiqué pour sa part : «Nous espérons avoir proposé des spectacles pour les  familles.» 

Le mot est lâché et c’est toute la problématique. Parmi l’assistance, intervenant dans le débat, un cadre associatif a soulevé la question du pourquoi le festival du raï, qui était bien assis à Oran, a été transféré à Sidi Bel Abbès. Il était tellement bien assis que c’est à Oran qu’il a fini par être institutionnalisé dans la première moitié de la décennie 2000. 

 Auparavant, il était organisé par l’association Apico dirigée alors par Nasro, en collaboration avec, entre autres, l’APC d’Oran qui gère le théâtre de verdure, lieu habituel de la manifestation. Ce qui reste à retenir c’est que, à sa naissance au milieu des années 1980, avec une première édition organisée par l’ACVO (Association culturelle de la ville d’Oran) retransmise à la télévision, c’est qu’une bonne partie des chanteurs, qui ont aujourd’hui pignon sur rue, n’étaient que des gamins à qui on a donné la chance de se produire face au public, d’où l’intérêt. 

Les éditions suivantes dans les années 1990 ont respecté cette manière de faire et les programmations concernaient à chaque fois plusieurs des dizaines de chanteurs dont beaucoup ne demandaient qu’à émerger. 

Avec un tarif symbolique même pour l’époque (100  DA), le public a toujours répondu présent sans se soucier des conflits en sourdine au sujet de son financement, de son maintien ou non, etc. 

Le festival a réellement fonctionné comme une vitrine pour la matrice qui a engendré ce style typiquement algérien. Une spécificité liée à une pratique musicale sociale avec ses prolongements vers une vision du monde qui a fini par être inscrite sur la liste de l’Unesco du patrimoine immatériel de l’humanité en tant que chant populaire. 

L’Algérie en compte neuf, à l’instar de l’Ahellil du Gourara et d’autres partagés avec d’autres pays, comme l’imzad  (ou anzad) avec le Mali et le Niger, etc. Cette question du classement au patrimoine immatériel mondial n’a pas échappé au débat. 

On a beaucoup spéculé, notamment sur ses retombées sur le festival, même si les préoccupations de l’Unesco qui se soucie de la sauvegarde ne se situent pas à ce niveau-là, mais, heureusement, une conférence-débat sera consacrée à cette thématique le 12 juillet avec la participation de plusieurs intervenants, dont des spécialistes  du CNRPAH  et  du Crasc pour clarifier tout cela.  

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