Tensions entre le Hezbollah et Israël : Craintes d’une guerre régionale

27/06/2024 mis à jour: 02:06
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Le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a promis une réponse ferme à Israël dans le cas d'une agression du Liban - Photo : D. R.

«Le risque d’extension du conflit au Moyen-Orient est réel et doit être évité. Un geste irréfléchi, une erreur de calcul, pourraient provoquer une catastrophe largement au-delà de la frontière, et franchement inimaginable», prévient le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à propos des affrontements au Liban-Sud entre Israël et le Hezbollah.

Depuis le déclenchement de la guerre contre Ghaza, les autorités sanitaires palestiniennes dressent, jour après jour, le bilan des pertes humaines enregistrées, consignant méticuleusement le nombre de morts et de blessés parmi les civils palestiniens.

Eh bien, au Liban, le ministère de la Santé fait un travail similaire en publiant régulièrement le nombre de morts et de blessés recensés, notamment dans le sud du pays, du fait des frappes israéliennes dans sa guerre contre le Hezbollah. Hier, le quotidien libanais L’Orient-Le Jour relayait le dernier bilan des victimes des attaques israéliennes au Liban-Sud. «Le ministère libanais de la Santé a publié ce mercredi son dernier bilan de la guerre au Liban-Sud entre le Hezbollah et Israël, couvrant la période allant du 8 octobre 2023 au 26 juin 2024.

Il comptabilise 1801 victimes au total, parmi lesquelles 435 tués et 474 blessés qui ont dû être hospitalisés», rapporte le journal libanais. «Parmi les victimes, 87% sont des hommes, 95% des Libanais, 57% âgés entre 25 et 44 ans. Parmi les blessures répertoriées, 44% sont dues à des traumatismes causés par les bombardements israéliens, 35% à des explosions et 16% à une exposition à des produits chimiques», détaille le  journal.

Et de préciser : «Le bilan ne différencie toujours pas les combattants et les civils tués. Selon un décompte de L’Orient-Le Jour, 350 combattants du Hezbollah ont été tués en bientôt neuf mois de guerre, en recensant ceux tombés au Liban et en Syrie jusqu’au 26 juin.» Le bilan du ministère libanais de la Santé parle également de 95 228 déplacés, des habitants du sud fuyant les combats, une statistique attribuée à l’Organisation internationale des migrations (OIM).

Washington appelle à la désescalade

Ces chiffres donnent un aperçu du conflit qui oppose depuis octobre 2023 le Hezbollah à l’armée israélienne. Ces derniers jours, le front libanais est entré en ébullition suite à la multiplication des opérations militaires doublée d’une escalade verbale qu’illustre le dernier discours de Hassan Nasrallah. Certains observateurs redoutent même l’éclatement d’une «guerre totale» entre les deux protagonistes.

Washington a prévenu Israël des risques d’une escalade, redoutant une conflagration régionale si la guerre à Ghaza débordait sérieusement sur le Liban et prenait des proportions autrement plus graves. «Une autre guerre entre Israël et le Hezbollah pourrait facilement devenir une guerre régionale, avec des conséquences désastreuses pour le Moyen-Orient», a alerté ce mardi le ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, rapporte l’AFP.

Il a dit cela en présence de son homologue israélien, Yoav Gallant, qu’il recevait au Pentagone. «La diplomatie est de loin le meilleur moyen d’éviter une nouvelle escalade», a-t-il insisté.

Lundi, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, avait exhorté le ministre de la Défense israélien à «éviter une nouvelle escalade du conflit» et à œuvrer pour «parvenir à une solution diplomatique qui permette aux familles israéliennes et libanaises de rentrer chez elles».

Pourtant, Benyamin Netanyahu a laissé entendre, au cours d’une interview diffusée dimanche par la chaîne israélienne Channel 14, qu’Israël allait envoyer des bataillons renforcer le front nord, à la frontière avec le Liban: « La phase intense des combats contre le Hamas est sur le point de se terminer.

(…) Après la fin de la phase intense, nous serons en mesure de redéployer certaines forces vers le nord, et nous le ferons, principalement à des fins défensives, mais aussi pour ramener les habitants déplacés chez eux», avait-il affirmé. Par ailleurs, l’armée israélienne a approuvé dernièrement des «plans opérationnels en vue d’une offensive au Liban».

«L’Iran serait enclin à intervenir»

«L’administration Biden s’inquiète de plus en plus de voir la violence à la frontière israélo-libanaise dégénérer en une véritable guerre», déclare à l’AFP Raphael Cohen, du think tank Rand Corporation. «Le Hezbollah est le joyau de la couronne du réseau de mandataires de l’Iran, et l’on peut donc penser que l’Iran serait plus enclin à intervenir», fait observer cet expert.

La cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, a averti de son côté des risques d’une aggravation du conflit. «A chaque roquette traversant la Ligne bleue (...), le danger augmente qu’une erreur de calcul puisse déclencher une guerre», a-t-elle écrit sur la plateforme X, en référence à la ligne de démarcation qui sépare le Liban et Israël.

Il y a quelques jours, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, martelait : «Soyons clairs : la population de la région et la population du monde ne peuvent pas se permettre que le Liban devienne un autre Ghaza.» «Je me sens obligé aujourd’hui d’exprimer ma profonde inquiétude concernant l’escalade entre Israël et le Hezbollah le long de la Ligne bleue.

Escalade dans l’échange continu de tirs. Escalade de la rhétorique belliqueuse des deux parties, comme si une guerre totale était imminente. Le risque d’extension du conflit au Moyen-Orient est réel et doit être évité. Un geste irréfléchi, une erreur de calcul  pourraient provoquer une catastrophe largement au-delà de la frontière, et franchement inimaginable.»

Toujours sur fond de tensions entre Israël et le Hezbollah, le Canada a appelé ses ressortissants à quitter le Liban au plus vite «pendant qu’ils le peuvent». «Il est temps de partir, pendant que des options commerciales sont encore disponibles», a déclaré la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, dans un communiqué cité par l’APS. «La situation sécuritaire au Liban devient de plus en plus volatile et imprévisible en raison de la violence», a-t-elle argumenté.

Le faux scoop du Telegraph

Les échanges de tirs entre le Hezbollah et l’armée israélienne sont presque quotidiens. Ils ont entraîné le déplacement de milliers d’habitants de part et d’autre de la frontière israélo-libanaise. Dimanche, un article du quotidien anglais The Telegraph soutenait que le Hezbollah stockait des missiles et des explosifs iraniens à l’aéroport de Beyrouth.

Une révélation qui ne pouvait que mettre le feu aux poudres et accroître les tensions. Pour démentir cette info, de hauts responsables libanais ont effectué une visite à l’aéroport, en invitant la presse et les diplomates en poste à Beyrouth à inspecter l’aérogare. «Fallait-il absolument ce scoop foireux d’un journal londonien pour rappeler aux esprits l’impensable précarité à laquelle se trouve voué, depuis des années, un aéroport devenu l’unique site où le Liban peut déployer ses ailes, le seul poumon par lequel il arrive encore à respirer l’air d’ailleurs ?» s’indigne l’éditorialiste de L’Orient – Le Jour.

L’agence de presse libanaise ANI, citée par l’AFP, rapportait lundi que « des avions de guerre hostiles ont mené trois frappes aériennes sur Jurd Massa et Jenta dans la région de Chiaara», à l’est du Liban, sans faire de victimes. Le Hezbollah a assuré avoir ciblé il y a quelques jours trois sites militaires israéliens de l’autre côté de la frontière.

Le 19 juin, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a menacé dans un discours incendiaire que si Israël s’avisait d’attaquer le Liban, la riposte du «Hizb» serait infernale. «L’ennemi sait parfaitement que nous nous sommes préparés au pire (..) Il sait qu’aucun lieu (..) ne sera épargné par nos missiles», a mis en garde le leader du parti chiite.

«Des sources concordantes rapportent que le Hezbollah a décrété l’état d’alerte générale au sein de ses combattants qui font face à l’armée israélienne sur un front de 120 kilomètres», révélait RFI ce mardi. «Trois groupes de combat territoriaux composés de milliers d’hommes sont chargés de défendre la zone frontalière avec Israël. Il s’agit de l’unité Nasr, dont le chef Taleb Abdallah a été tué le 12 juin.

Les deux autres se nomment Aziz et Badr. Ces trois groupes sont appuyés par l’unité d’élite al Radwan, qui déploie dans le sud du Liban plus de 2500 combattants expérimentés», détaille la radio sur son site officiel. Et de préciser : «Malgré cette mobilisation, le Hezbollah n’a pas encore procédé à l’évacuation des bâtiments qui abritent ses institutions médiatiques, sociales et administratives, à Beyrouth et ailleurs.»

 

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