Sur fond de lutte géostratégique : La situation au Niger inquiète la communauté internationale

29/07/2023 mis à jour: 03:00
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Après avoir pris mercredi le contrôle du palais présidentiel, le colonel-major Abderrahmane Tchiani avait annoncé la destitution du président élu en 2022, Mohamed Bazoum

A Niamey, le «mouvement d’humeur» s’est transformé en putsch militaire suite à la décision de l’armée nigérienne d’adhérer à la déclaration faite par la Garde républicaine, menée par le colonel-major Abderrahmane Tchiani. 

Ce dernier et après avoir pris mercredi le contrôle du palais présidentiel, avait annoncé la destitution du président élu en 2022, Mohamed Bazoum, la suspension des institutions et la fermeture des frontières du pays, justifiant le coup d’Etat par «la dégradation continue de la situation sécuritaire» du pays.

Les manifestations déclenchées jeudi dans les rues de la capitale en soutien au putsch ont scellé le sort de Bazoum. Les slogans hostiles à la France et les drapeaux russes agités lors de ce mouvement populaire ont montré le sens du vent.

Après la confusion de mercredi et l’annonce faite par la présidence que «L’armée et la Garde nationale sont prêtes à attaquer les éléments de la GP impliqués dans ce mouvement d’humeur s’ils ne reviennent pas à de meilleurs sentiments», l’armée a choisi son camp par la voix du chef d'état-major, le général Abdou Sidikou Issa qui a annoncé jeudi que le commandement militaire des Forces armées nigériennes (FAN) avait décidé de souscrire à la déclaration des putschistes afin d’ «éviter une confrontation meurtrière entre les différentes forces».

Ce énième coup d’Etat au Niger (le troisième dans la région après le Mali et le Burkina Fasso en deux ans) a fait bouger le monde révélant l’importance régionale de ce pays où se joue une bataille qu’on dirait héritée de la guerre froide.

Alors que l’Occident a besoin d’une présence militaire (pour lutter contre le djihadisme) et économique (exploitation de l’uranium notamment) les anti-occidentaux du Niger, d’Afrique et du monde entier justifient leur position par la lutte finale contre les restes du colonialisme.

Emmanuel Macron a condamné «Ce coup d’État parfaitement illégitime et profondément dangereux pour les Nigériens, pour le Niger, et pour toute la région», alors que la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, a déclaré que ce coup d’Etat n’est pas «définitif».

De leur côté, les putschistes accusent la France d’avoir fait atterrir par la force un avion militaire à l’aéroport international de Niamey.

La France, pour laquelle le Niger est un partenaire stratégique après la fin de l’opération Barkhane, semble très inquiète par ce renversement. Et à lire entre les lignes des déclarations officielles, elle ne compte pas rester les bras croisés.

Enjeux

Pour Paris, l’enjeu est de taille. Il y a exactement une année, les forces de l’armée française avaient quitté le Mali où elles ont été éconduites par les militaires arrivés au pouvoir, pour déménager dans le pays voisin, le Niger.

Une grande base militaire, située à une demi-heure de Niamey, avait été aménagée pour accueillir le staff et tous les équipements de l’opération Barkhane dans le cadre d’un partenariat conclu avec Bazoum. Il faut savoir que des militaires allemands et italiens sont présents aussi au Niger qui bénéficie aussi d’un fort soutien des Etats-Unis pour lutter contre les groupes terroristes du Sahel, affiliés à Al Qaeda et à l’EI.

Washington, Bruxelles où se trouve le siège de l’Union européenne et de nombreuses capitales occidentales ont condamné sans nuances le coup d’Etat du mercredi. Moscou a appelé, pour sa part, les parties en conflit «à s'abstenir de recourir à la force et à résoudre toutes les controverses par un dialogue pacifique et constructif».

Mais depuis Saint-Pétersbourg, les responsables africains réunis dans un sommet avec Vladimir Poutine ont demandé aux tiers de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures du continent.

«Je m’associe à l’Union africaine pour condamner ce qu’il s’est passé au Niger» et appeler au «rétablissement de l’ordre constitutionnel et la libération du président Bazoum et sa famille», a déclaré le président de l’Union africaine et président des Comores Azali Assoumani dans son discours au deuxième sommet Russie-Afrique.

Mais lors de la session plénière, comme rapporté par l’agence Tass, l’allocutaire avait repoussé toute ingérence. «Nous demandons à certains de nos partenaires de ne pas s’immiscer dans nos affaires», a déclaré Assoumani. Avec ce coup d’Etat au Niger, la situation au Sahel se complique davantage. 

Du Soudan jusqu’au Burkina Fasso, l’instabilité règne et inquiète. «Si vous regardez la région, vous avez une augmentation spectaculaire de l’activité terroriste au Mali, au Burkina Faso, au Niger et elle se rapproche de plus en plus des pays de la côte», a déclaré le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, devant les journalistes à New York. 

Se disant préoccupé par l’instabilité qui sévit en Afrique de l’Ouest et centrale, il a ajouté : «Vous avez des régimes militaires au Mali, au Burkina Faso, maintenant éventuellement au Niger. Une transition fragile au Tchad et une situation horrible au Soudan.

Nous assistons donc à ce que toute la ceinture au sud du Sahara devienne une zone extrêmement problématique avec des conséquences terribles pour leurs populations et pour la paix et la sécurité sur le continent africain et au-delà».

Le président en exercice de l’UA appelle au rétablissement de l’ordre constitutionnel

Le président des Comores et en exercice de l’Union africaine (UA), Azali Assoumani, a appelé jeudi 
depuis Saint-Pétersbourg au rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger, où le président Mohamed Bazoum est retenu depuis la veille par des membres de sa garde.

«Je m’associe à l’Union africaine pour condamner ce qu’il s’est passé au Niger» et appeler au  «rétablissement de l’ordre constitutionnel et la libération du président Bazoum et sa famille», a déclaré Azali Assoumani dans son discours au deuxième sommet Russie-Afrique. Mercredi, le président de la commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, avait «fermement» condamné la «tentative de coup d’Etat» au Niger, demandant aux membres de la Garde présidentielle qui retenaient Mohamed Bazoum «de cesser immédiatement» cette «inacceptable entreprise». Moussa Faki a appelé «le peuple nigérien, tous ses frères en Afrique, en particulier la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), et dans le monde, de joindre leurs voix pour une condamnation unanime d’une telle tentative (...)».

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