Souleymane Cissé, réalisateur malien plusieurs fois primé : L’un des pères du cinéma africain s'en va

22/02/2025 mis à jour: 21:07
763
Souleymane Cissé entouré du réalisateur américain Martin Scorsese et du réalisateur turc Fatih Akin, lors de la 60e édition du Festival de Cannes - Photo : D. R.

Le célèbre réalisateur malien Souleymane Cissé, l'un des pères du cinéma africain, s'est éteint, mercredi, à Bamako, à l'âge de 84 ans, a annoncé sa fille à l'AFP.

Papa est décédé aujourd'hui à Bamako. Nous sommes sous le choc. Toute sa vie il l'a consacrée à son pays, au cinéma et à l'art», a déclaré sa fille Mariam Cissé. L'emblématique réalisateur du Mali, qui aurait eu 85 ans en avril, est décédé dans une clinique de la capitale Bamako. Il aurait dû présider le jury «Fiction long métrage» pour la 29e édition du Fespaco, qui se tiendra à partir d’aujourd’hui dans la capitale burkinabè, Ouagadougou.

Souleymane Cissé avait reçu le Prix du jury au Festival de Cannes en 1987 pour son film Yeelen (La lumière), qui raconte le long parcours initiatique d'un jeune homme issu d'une illustre famille bambara. En 2023, il avait été à nouveau primé à Cannes et a reçu un Carrosse d'Or, une récompense spéciale décernée au cours de la Quinzaine des cinéastes.

A la suite de l'annonce de son décès, de nombreux hommages lui sont rendus : le ministre malien de la Culture, Mamou Daffé, déplore notamment la perte de «ce monument du cinéma africain», tandis que le réalisateur Boubacar Sidibé déclare que l'industrie cinématographique du pays est «en deuil».

Souleymane Cissé est né dans une modeste famille de huit enfants. Il est très tôt passionné de cinéma. Dès l’âge de 7 ans, il va très régulièrement au cinéma en compagnie de ses grands frères et de leurs amis. Il fait des études secondaires à Dakar, au Sénégal, et revient dans son pays en 1960, lors de l’éclatement de la Fédération du Mali et de l'indépendance de celui-ci.

Il adhère alors à des mouvements de jeunesse et commence à projeter à la Maison des jeunes de Bamako des films qu'il commente ensuite au public. C'est un film documentaire sur l’arrestation de Patrice Lumumba qui déclenche réellement sa volonté de faire du cinéma. En 1963, il obtient une bourse pour suivre un stage de projectionniste puis des études de cinéma à l'Institut des hautes études supérieures de la cinématographie (VGIK) de Moscou. Il en sort diplômé en 1969.

Caméra à l'épaule

En 1970, rentré au Mali, il est employé comme cameraman-reporter au service cinématographique du ministère de l'Information, ce qui lui offre l'occasion de parcourir le Mali de long en large caméra à l'épaule pendant trois ans et de réaliser plusieurs documentaires. Souleymane Cissé tourne son premier moyen métrage, Cinq jours d’une vie, en 1971. Le film relate l’histoire d’un jeune qui abandonne l’école coranique et vagabonde dans les rues, vivant de menus larcins. L'œuvre est primée aux Journées cinématographiques de Carthage.

En 1975, il réalise son premier long métrage, en bambara, Den Muso (La Jeune fille), histoire d’une jeune fille muette violée par un chômeur. Enceinte, elle subit le rejet de sa famille et du père de l’enfant qui refuse de le reconnaître. Souleymane Cissé a ainsi expliqué sa démarche : «J'ai voulu exposer le cas des nombreuses filles-mères rejetées de partout. J'ai voulu mon héroïne muette pour symboliser une évidence : chez nous, les femmes n'ont pas la parole.»

Récompenses

Non seulement le film est interdit par le ministre malien de la Culture, mais Souleymane Cissé est arrêté et emprisonné pour avoir accepté une coopération française. Le brûlot restera interdit pendant trois ans et n'obtiendra son visa d'exploitation qu'en 1978. Fonctionnaire de l'Etat, Souleymane Cissé prend une disponibilité en 1977 afin de se consacrer pleinement au cinéma et crée la société de production Les Films Cissé (Sisé Filimu).

En 1978, sort le film Baara (Le Travail) qui reçoit l'Etalon de Yennenga au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fescapo) la même année. Ce film relate l'histoire d'un jeune ingénieur, révolté par l'attitude de son PDG, qui décide d'organiser une réunion avec les ouvriers pour faire valoir leurs droits. Mais son patron le fait aussitôt enlever puis assassiner.

Suit Finyè (Le Vent, 1982). Il s'agit d'une chronique sur la révolte des étudiants maliens face au pouvoir militaire. A sa sortie, le film multiplie les récompenses : Etalon de Yennenga au Fespaco de Ouagadougou en 1983, Tanit d'or aux Journées cinématographiques de Carthage. Le film est également sélectionné au Festival de Cannes 1982 (le cinéaste sera membre de son jury l'année suivante). Sur une période de 4 ans, entre 1984 et 1987, il tourne Yeelen (La Lumière), film initiatique sur le douloureux chemin que prend l’enfant pour devenir adulte.

L'histoire est inspirée de la tradition bambara. Il obtient pour ce film le Prix spécial du jury au Festival de Cannes 1987. Il est le premier cinéaste d'Afrique noire primé à Cannes pour un long métrage. Souleymane Cissé tourne ensuite Waati (Le Temps, 1995). En 2009, il sort le film Min yé, qui aborde le thème de la polygamie. En 2023, il reçoit le prix du Carrosse d'Or, récompense décernée par la Quinzaine des cinéastes en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle au cinéma mondial.


 

Copyright 2025 . All Rights Reserved.