Souhila Blebahar, la cofondatrice de l’art algérien contemporain, n’est plus : Une artiste peintre d’exception

25/03/2023 mis à jour: 13:25
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Souhila Belbahar, lors du vernissage de l’une de ses expositions à la galerie Dar El Kenz, à Alger - Photo : B. Souhil

La doyenne des plasticiennes algériennes et la cofondatrice de l’art algérien contemporain, Souhila Belbahar, est décédée jeudi soir à Alger, 
à l’âge de 89 ans. Elle a été inhumée hier, au cimetière de Sidi M’hamed à Alger.

La regrettée artiste peintre Souhila Belbahar était une femme d’exception au talent avéré. Avec ce sourire au coin des lèvres qui ne la quittait jamais, elle était réputée pour sa gentillesse et sa modestie. Exigeante avec elle-même et rigoureuse au travail, la peinture a toujours été sa raison de vivre.

Dès le départ, elle situe son style dans le semi-figuratif ou le figuratif. Sa vie durant, elle a œuvré pour l’art avec un sentiment de satisfaction. Son œuvre n’est autre que le fruit d’un labeur passionné et réfléchi qui a toujours laissé admiratif, artistiquement et humainement parlant.

En effet, sa peinture musicale à forte charge émotionnelle ne laissait personne indifférent. Preuve en est avec les lignes onduleuses, les motifs floraux, les scènes de danse, les formes effilées joyeuses et dansantes, l’univers de la musique, de la poésie ainsi que le patrimoine matériel et immatériel.

Elle se plaisait à dire à chacun de ses vernissages qu’elle n’était jamais satisfaite de son rendu. Une complicité naissait, dès le départ, entre sa toile, avec toutefois ce doute de ne pas connaître l’aboutissement de sa création ingénieuse. «L’art, disait-elle, m’a appris la liberté de penser, d’exister, d’aimer et d’accepter les autres, le combat valait la peine et s’il fallait recommencer, je recommencerai. La peinture a été pour moi une ouverture de grande importance : exister à partir d’un travail personnel.

Avec le temps, je suis arrivée à cultiver cette symbiose entre l’œil et le geste. Je tiens en permanence à fouetter mes méninges… Je lisais beaucoup sur la vie et les œuvres de grands peintres. Cela me donna matière à épouser une démarche picturale. Je pense que tout parcours est l’aboutissement mérité à tout travail fourni. C’est par le travail qu’on arrive à une simplification des formes pour mettre en évidence la ligne.» Et d’ajouter : «La peinture devint mon refuge, mon jardin secret, la possibilité de créer, de penser.

Mon art a été pour moi une raison d’être, d’exister, un plus qui, rajouté à l’affection de mes proches, est devenu un autre enfant qu’on a fini par adopter.» 
Souhila Belbahar est née le 17 février en 1934 à Blida. Issue d’une famille d’artisans-brodeurs, c’est grâce à un parent, en l’occurrence l’écrivain Tewfiq El Madani, qu’elle a pu s’adonner à sa passion pour la peinture. Elle commence à griffonner ses premières esquisses à l’âge de huit ans.

Elle est dirigée vers l’école de couture. Ce n’est qu’à 17 ans qu’elle s’affirme dans le réalisme ou l’art du figuratif. Elle expose pour la première fois à la Galerie Mouloud Feraoun (hall de la banque Crédit populaire) en 1972 à Alger.

Au fil du temps, elle arrive à développer un style personnalisé. Autodidacte par excellence, Souhila Belbahar a suivi une formation artistique sans passer par l’Ecole des Beaux-Arts, lors de laquelle elle a mis en application l’enseignement retenu des lectures des livres d’arts et l’exercice de la copie conforme des grands maîtres, tels qu’Auguste Renoir. Armée de volonté et de pugnacité, Souhila Belbahar arrivera à s’imposer en créant, dès 1962, sa signature picturale avec «Les Femmes Pétales».

L’artiste était toujours à la quête d’autres voies, à l’image de l’écriture d’essais de livres d’enfants, l’art abstrait, l’exploration de la céramique ou encore la sculpture qu’elle exprimera dans son engagement pour préserver l’environnement. Son engagement pour l’environnement était tel qu’elle l’a exprimé dans son installation sculpturale «La Mer(e) Méditerranée».

Membre de l’Union nationale des arts plastiques, la défunte a participé à plusieurs expositions en Algérie et à l’étranger. Elle a, en outre, réalisé un timbre «Hommage à nos mères», pour le ministère de la Postes et des Télécommunications en 1971 et un autre «Année internationale de l’enfance» pour le même ministère en 1979, la carte Unicef en 1983, et participe au film Portrait d’Artistes, réalisé par Boualem Issaoui en 2000, un calendrier d’Air Algérie en 2001, trois affiches pour l’UNFA (Union nationale des femmes algériennes) ainsi que de nombreuses affiches pour divers congrès et associations. 

Dalila Mohammed Orfali, conservatrice en chef et directrice du Musée national d’Alger, a, dans le catalogue de présentation «Révélation» 2009, souligné que «l’univers de Souhila Belbahar fut certes pendant longtemps empli de la rumeur radieuse des êtres, de leur tendresse et de leur passion, des courbes enchanteresses et sensuelles de végétaux imaginaires, un univers terrestre idéalisé en somme.

Aujourd’hui, elle choisit, libre et émancipée, d’explorer un monde plus ésotérique où les dimensions sont renversées, les rapports contrés, d’où la féminité, qui l’a si souvent appesantie, est proscrite».

Il est à noter qu’un cérémonie de recueillement sur la dépouille de la défunte a eu lieu, vendredi matin, au musée des Beaux-Arts d’Alger, ayant permis aux artistes et aux anonymes de lui rendre un dernier hommage. Que l’artiste peintre repose en paix avec nos sincères condoléances à sa famille.

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