Belle est cette initiative qui consiste à réunir une belle voix et une guitare. C’est ce qui caractérise le duo que forme Malik Hanouche avec Souad Bouali, la chanteuse pour laquelle le guitariste vient de réaliser de beaux arrangements inédits pour un morceau inspiré du style «andaloussi», plus particulièrement les «mouachahates».
Ayant émergé sur la scène au milieu des années 1980, on peut dire que la voix de la chanteuse oranaise n’a pas beaucoup perdu de sa superbe. Elle était à son époque comparée à la diva libanaise Fairouz.
Effectivement comme pour beaucoup de ses contemporaines, boostées par l’immense succès de l’Algérienne Warda El Djazairia, la musique moyen-orientale, pour ne pas dire carrément égyptienne, a constitué un modèle de référence mais chez elle, très vite, c’est le naturel du style «wahrani» de la belle époque qui a fini par prendre le dessus.
Ceci étant, elle s’est elle aussi occasionnellement laissée emporter par le courant de la variété comme le prouve la chanson interprétée en duo avec Mohamed Lamine et consistant en une reprise, bien en marge de la vague du disco, de la mélodie adaptée du tube déjà vieillissant à ce moment-là et intitulé T’es Ok du groupe français Ottawan.
C’était juste avant que le genre «wahrani» et la chanson orchestrale ne sombre dans l’oubli à peu près à partir des années 1990. Il fallait attendre plusieurs années avant qu’un festival qui lui est dédié ne le fasse relativement revivre.
Ce n’est sans doute pas un hasard si c’est elle qui a été choisie pour être la nouvelle commissaire de cette manifestation et cela à partir de la 11e édition, une tâche qui lui tient particulièrement à cœur. C’est sans doute une manière à elle de consacrer son retour à la chanson mais aussi d’explorer d’autres manières de faire. Malik Hanouche, de son côté, a derrière lui toute une vie consacrée à la musique et plus particulièrement à la guitare.
De formation classique, diplômé avec art et manière, il a également toute une carrière dans l’enseignement que cette activité soit dans le public (Institut technologique de l’éducation) ou en privé. En parallèle, Il a toujours œuvré à travers des expériences humaines et musicales à transmettre au public cette passion. Plusieurs collaborations avec d’autres musiciens, y compris les guitaristes qui ont jalonné son parcours.
C’est le cas à titre illustratif avec le regretté Cheikh Abdellaoui, lui aussi issu de la guitare classique, mais aussi avec Blaoui El Houari qui l’avait sollicité à plusieurs reprises pour des contributions au sein ou en dehors de son orchestre. De nombreuses autres collaborations ont donné lieu à des concerts dans les principales salles d’Oran, à l’exemple du Palais de la culture ou du TRO.
C’est lui qui a été choisi pour représenter la ville d’Oran à l’occasion de la tenue à Alger du festival Jazz’Aïr au tout début des années 2000. Une performance particulièrement remarquée avec, au passage et pour l’occasion, une reprise originale de Ya rrayeh de Dahmane El Harrachi, un titre déjà sorti de l’ombre par le regretté Rachid Taha, mais avec une adaptation et une harmonisation de haute facture à la guitare.
«Je ne cherche ni l’argent ni la gloire»
Le travail effectué avec Souad Bouali représente en quelque sorte l’aboutissement de cette riche expérience allant du classique au flamenco en passant par le jazz mais sans perdre de vue les racines, car des chanteurs, ayant pignon sur rue à Oran, ont très tôt repéré son immense potentiel et demandé à travailler avec lui, souvent en vain à cause de son exigence en termes de qualité. Qualité ne veut pas dire forcément renommée et pour preuve, ses collaborations avec des musiciens «anonymes», mais dont il juge le travail intéressant pour des travaux en commun.
Dans ce duo-là, contre l’avis des traditionalistes, habitués à des écoutes galvaudées du patrimoine, il assume ses choix et trouve que c’est une manière de redonner vie, mais aussi de revisiter ce patrimoine en proposant une nouvelle touche, de nouvelles sonorités et surtout une harmonisation en adéquation avec la théorie musicale.
Il y a dans ces expériences une part certaine de créativité avec l’introduction de passages qui semblent être improvisés mais insérés dans des structures répondant à des exigences mûrement étudiées.
Les réseaux sociaux constituent une véritable aubaine pour la diffusion et c’est ce qui est fait sur sa page facebook où on retrouve également une autre collaboration avec une jeune chanteuse, Fatema Ahmed, pour laquelle il a, toujours dans le registre «andaloussi», proposé un autre arrangement sur le titre du traditionnel lamma bada.
Une toute autre approche que celle proposée par Radio Tarifa (groupe espagnol ayant contribué avec des formations marocaines dans le domaine). Le guitariste a trouvé chez la jeune chanteuse un potentiel vocal et une prédisposition à s’engager dans cette nouvelle façon d’accompagner le chant traditionnel.
Dans tous les cas de figure, ce sont des collaborations à la juste mesure, car il est de ses habitudes de ne pas trop s’imposer pour valoriser le travail des autres. «A ce stade de ma carrière, je ne cherche ni l’argent ni la gloire, mais je voudrais bien laisser quelque chose pour la postérité», se plaît-il à rappeler et c’est en quelque sorte déjà le cas avec les messages de reconnaissances exprimés par des milliers d’anonymes qui partagent ses travaux sur les réseaux sociaux leur assurant ainsi une assise internationale.
Parmi ses propres compositions, certaines relèvent de l’intime, d’autres des choses qui le touchent comme tous les artistes qui ne restent jamais insensibles, notamment au sort des enfants pris dans le tumulte de la guerre et c’est ce qu’exprime son tout dernier travail intitulé Ghaza, un mélange de douleur et de tristesse face à la détresse.
L’optimisme est toujours de mise, car la musique est aussi un vecteur d’espoir et c’est ce qu’il compte fructifier à l’avenir avec d’autres collaborations, notamment avec la chanteuse oranaise qui veut apparemment se remettre dans le bain et montrer qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire.