Sommet tripartite Washington, Tokyo et Séoul : Un front face à Pékin et Pyongyang se dessine

17/08/2023 mis à jour: 03:47
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Le président américain, Joe Biden, compte œuvrer à aplanir les différends entre les deux puissances asiatiques - Photo : D. R.

Tokyo et Séoul partagent les mêmes préoccupations face à la Corée du Nord et la Chine. Comme ils sont alignés sur Washington pour dénoncer l’offensive russe en Ukraine. «Le Japon et la Corée du Sud sont des alliés clés, pas seulement dans la région mais dans le monde entier», a estimé Antony Blinken.

Le président américain réunit demain pour un sommet dans la résidence de Camp David, près de Washington, la Corée du Sud et le Japon, deux pays aux relations historiquement difficiles. Rencontre qui marquera «une nouvelle ère de coopération trilatérale», a indiqué mardi le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, selon des propos recueillis par l’AFP.

Le président américain, Joe Biden, compte œuvrer à aplanir les différends entre les deux puissances asiatiques alliés de Washington, hérités de la colonisation de la péninsule coréenne par le Japon entre 1910 et 1945. Une vision qui permettra de constituer avec ces deux pays un front uni face aux ambitions de la Chine et de la Corée du Nord.

A cette occasion, les trois dirigeants prévoient d’annoncer leur coopérations dans les missiles, le renseignement et les hautes technologies. Ils s’engageront aussi à promouvoir la vision d’une «zone indo-pacifique libre, ouverte, résiliente, sûre et connectée», a indiqué Antony Blinken.

En d’autres termes, une région qui ne soit pas soumise à la seule influence chinoise. Tokyo et Séoul partagent les mêmes préoccupations face à la Corée du Nord et la Chine. Comme ils sont alignés sur Washington pour dénoncer l’offensive russe en Ukraine. «Le Japon et la Corée du Sud sont des alliés clés, pas seulement dans la région mais dans le monde entier», a estimé Antony Blinken.

Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a qualifié mardi le Japon, ancienne puissance coloniale, de «partenaire», montrant la volonté de Séoul de renforcer ses liens avec Tokyo face aux menaces nucléaires de la Corée du Nord. Lors d’une cérémonie d’anniversaire de la libération de la Corée du Sud, le 15 août, le président Yoon a déclaré que les deux pays sont «désormais des partenaires partageant des valeurs universelles et poursuivant des intérêts communs».

Séoul et Tokyo, alliés des Etats-Unis en matière de sécurité, sont depuis longtemps en désaccord sur des questions historiques relatives à l’occupation coloniale japonaise de la péninsule coréenne de 1910 à 1945, où ont cours l’esclavage sexuel et le travail forcé.

Mais face au dirigeant nord-coréen Kim Jong Un qui a appelé à accentuer la production d’armes y compris nucléaires et alors que les relations sont au plus bas avec une diplomatie au point mort entre les deux voisins, Y.S. Yoon cherche à apaiser les tensions avec le Japon, tout en poursuivant le rapprochement de Séoul avec Washington.

Il a répété que Tokyo, Séoul et Washington doivent «partager les données sur les armes nucléaires et les missiles de la Corée du Nord en temps réel». «Les sept bases arrière fournies au Commandement des Nations unies en Corée (UNC) par le gouvernement du Japon constituent le plus grand moyen de dissuasion» contre une invasion par le Nord, a-t-il ajouté.

Les dirigeants des trois pays alliés ont déclaré en juin œuvrer à un système permettant le partage en temps réel d’informations sur les missiles nord-coréens d’ici la fin de 2023.

L’an dernier, le président Yoon a proposé à Pyongyang un plan d’aide «audacieux» qui comprendrait une aide alimentaire, énergétique et d’infrastructures en échange de l’abandon par le Nord de son programme d’armes nucléaires. Pyongyang a depuis rejeté cette initiative, la qualifiant de «sommet de l’absurdité» qu’il n’accepterait jamais, mais le président sud-coréen a déclaré mardi que Séoul «appliquerait résolument» le plan et continuerait d’essayer de convaincre le Nord de reprendre le dialogue.

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un a récemment appelé à intensifier les préparatifs de guerre «de manière offensive» ainsi qu’à «augmenter drastiquement» la production de missiles. Le mois dernier, flanqué de responsables russes et chinois en visite, il a présidé un défilé militaire spectaculaire exhibant de nouveaux drones d'attaque et des missiles balistiques intercontinentaux à capacité nucléaire.

Les médias d'Etat nord-coréens ont déclaré mardi que Kim Jong Un a échangé des lettres avec le président russe, Vladimir Poutine, pour marquer l’anniversaire du 15 août. Le mois dernier, V. Poutine a salué le «ferme soutien de Pyongyang aux opérations militaires spéciales contre l’Ukraine».

Volonté de puissance

Outre Moscou, Pyongyang s’est allié à Pékin qui revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale malgré les prétentions rivales de ses voisins : Philippines, Vietnam ou   Malaisie, et l’hostilité des Etats-Unis qui suivent avec attention les conflits territoriaux entre la Chine et des pays de la région.

Lors du sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) en 2010 au Vietnam, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a indiqué que son pays a «un intérêt national» à préserver «une liberté de navigation» dans la mer de la Chine du Sud.

Et à l’occasion de sa visite à Manille, en novembre 2011, elle a exprimé le soutien de Washington aux Philippines en conflit territorial avec la Chine. Comme elle a rappelé le traité de défense mutuelle de 1951 entre Manille et Washington et déclaré que «les Etats-Unis seront toujours dans le camp des Philippines».

Durant sa visite en Australie en novembre 2011, Barack Obama a déclaré que «les Etats-Unis sont une puissance du Pacifique et nous sommes là pour rester». De son côté, le président Hu Jintao a indiqué, dans son discours du 8 novembre 2012, que son pays doit vite s’imposer comme une «puissance maritime» de rang mondial.

La Chine a rejeté ainsi le verdict la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye en 2016  qui a estimé que l’Empire du Milieu n’a pas de «droits historiques» sur la majorité des eaux stratégiques de la mer de Chine méridionale. La Chine fonde sa légitimité sur ces territoires sur des cartes remontant aux années 1940. Washington prône un règlement multilatéral et pacifique de ces conflits. Pékin est plutôt favorable à des négociations bilatérales.

En juillet 2020, le secrétaire d’Etat américain à l’époque, Mike Pompeo, a déclaré «illégales» les revendications territoriales de Pékin en mer de Chine méridionale. «Les Etats-Unis défendent l’idée d’une région indo-pacifique libre et ouverte. Aujourd’hui, nous renforçons la politique des Etats-Unis dans une zone vitale et disputée de cette région : la mer de Chine méridionale», a-t-il indiqué dans un communiqué.

Et d’ajouter: «(…) Les revendications de Pékin sur les ressources offshore dans la plus grande partie de la mer de Chine méridionale sont complètement illégales, de même que sa campagne d’intimidation pour les contrôler.» Il a rappelé que la CPA a jugé en 2016 que la Chine n’a pas de base légale pour revendiquer des «droits historiques» sur cette zone.

«La décision du tribunal arbitral est définitive, et elle a force exécutoire pour les deux parties». Et «le monde ne permettra pas à la Chine de traiter la mer de Chine méridionale comme son empire maritime», a observé le chef de la diplomatie américaine. Pour le chef de la diplomatie américaine les récifs Mischief et Second Thomas Shoal «tombent sous la juridiction et les droits souverains des Philippines», conformément au jugement de 2016.

En réaction, dans un communiqué publié sur son site, l’ambassade de Chine à Washington a qualifié de «totalement injustifiées» les accusations d’intimidation. «Les Etats-Unis ne sont pas un pays directement impliqué dans les querelles, cependant ils continuent d’interférer sur la question», a-t-elle déclaré. «Sous le prétexte de préserver la stabilité, ils roulent des mécaniques, alimentent les tensions et incitent à la confrontation dans la région», a-t-elle poursuivi.

Le 3 mars 2022, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a qualifié la Chine de «plus grand défi géopolitique du XXIe siècle». Il voit en l’Empire du Milieu «le seul pays avec la puissance économique, diplomatique, militaire et technologique susceptible d’ébranler sérieusement le système international stable et ouvert, toutes les règles, valeurs et relations qui rendent le monde tel que nous voulons qu’il soit».

En septembre, la Maison-Blanche a annoncé un fonds de 810 millions de dollars d’aide pour les îles du Pacifique-Sud, déclarant à l’époque vouloir accroître la présence diplomatique des Etats-Unis dans cette région. En février dernier, les Etats-Unis ont rouvert leur ambassade aux îles Salomon, fermée en 1993.

En mai, la Papouasie-Nouvelle Guinée a signé un pacte de sécurité avec Washington, qui donne aux forces américaines l’accès aux ports et aéroports de ce pays du Pacifique.

En plus de cet accord, les Etats-Unis ont promis un financement de 45 millions de dollars pour lutter contre le crime organisé, le changement climatique et le virus du sida, selon le département d’Etat américain. En juillet, le chef de la diplomatie américaine s’est rendu aux îles Tonga pour inaugurer la nouvelle ambassade américaine.

De son côté, l’armée chinoise a mené une opération humanitaire de grande ampleur aux îles Tonga au lendemain de l’éruption d’un volcan qui a eu lieu le 15 janvier 2022. En avril, Pékin signe avec les îles Salomon un accord de sécurité. Nombre de pays occidentaux, notamment les Etats-Unis et l’Australie, redoutent que ce pacte permette à l’Empire du Milieu d’établir une base militaire dans le pays.

Ce que les îles Salomon ont démenti. Le 27 mai, la Chine et l’île Kiribati ont signé des documents instaurant une coopération afin de construire des infrastructures et de lutter contre le changement climatique.

Pékin devrait réhabiliter une ancienne piste de l’armée américaine sur l’île de Kanton.  Autre projet chinois : réalisation d’un terminal portuaire pour conteneurs. Kiribati s’est tourné vers la Chine fin 2019 en s’inscrivant dans le projet des «nouvelles routes de la soie» du président Xi Jinping. 

 

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