Sommet tripartite Séoul, Tokyo et Pékin : Accord en faveur de la «dénucléarisation» de la péninsule coréenne

28/05/2024 mis à jour: 02:20
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Les dirigeants chinois, sud-coréen et japonais promettent de renforcer leur coopération économique et sécuritaire

Séoul, Tokyo et Pékin ont réaffirmé hier leur engagement en faveur d'une «dénucléarisation de la péninsule coréenne» et de la paix, lors de leur premier sommet tripartite depuis près de cinq ans, promettant de renforcer leur coopération économique et d'encourager la conclusion d'un accord de libre-échange trilatéral, rapporte l’AFP.


La question ne figurait pas officiellement à l'ordre du jour des pourparlers entre le président sud-coréen Yoon Suk-yeol, les Premiers ministres chinois, Li Qiang, et japonais, Fumio Kishida. Mais le lancement d'un satellite annoncé comme imminent par la Corée du Nord, pays doté de l'arme nucléaire, a fait entrer la question nord-coréenne dans le sommet.


Avant la rencontre, Pyongyang a informé les garde-côtes japonais de l'ouverture pour huit jours, dans la nuit de dimanche à lundi, d'une fenêtre de lancement de satellite espion, un tir qui violerait des sanctions prises à l'ONU à l'encontre de la Corée du Nord.

D'après Séoul, le Nord bénéficie d'une aide de Moscou dans le domaine spatial en échange de livraisons d'armes destinées aux troupes russes en Ukraine. En novembre, Pyongyang a pour la première fois placé en orbite avec succès un satellite espion.

Tokyo et Séoul ont exhorté Pyongyang à annuler le tir qui, selon le président sud-coréen, nuira «à la paix et la stabilité régionales et mondiales» et devra susciter une réaction «décisive» de la communauté internationale s'il est effectué.

De son côté, le Premier ministre chinois n'a pas évoqué le sujet lors de la conférence de presse. L’Empire du Milieu est un partenaire commercial et allié diplomatique important de la Corée du Nord. 
«Nous réitérons nos positions sur la paix et la stabilité dans la région, la dénucléarisation de la péninsule coréenne», ont écrit les dirigeants dans un communiqué commun, affirmant vouloir «poursuivre les efforts positifs pour un règlement politique» de la question. 

«La dénucléarisation de la Corée du Nord et la stabilité sur la péninsule coréenne participent de l'intérêt commun des trois pays», a déclaré Fumio Kishida, quand le Premier ministre chinois a demandé aux «parties concernées de faire preuve de retenue et d'éviter que la situation ne se complique davantage», selon l'agence d'Etat Chine Nouvelle.

La Chine, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, a condamné les essais nucléaires de Pyongyang et soutenu les sanctions visant à freiner le développement de son armement. Elle a cependant accusé les manœuvres militaires conjointes entre les Etats-Unis et la Corée du Sud d'être à l'origine de l'escalade des tensions dans la région.


«Grave provocation»

En réaction, Pyongyang a indiqué que l'évocation de la dénucléarisation de la péninsule coréenne durant ce sommet constitue une «grave provocation politique» qui «violerait la position constitutionnelle» de la Corée du Nord «en tant qu'Etat doté de l'arme nucléaire», selon l'agence officielle KCNA, citant un porte-parole du ministère nord-coréen des Affaires étrangères.

Pour ce premier sommet à trois en près de cinq ans, Séoul, Tokyo et Pékin ont convenu de renforcer leur coopération trilatérale en organisant régulièrement des rencontres de ce type. Sur le volet économique, les trois pays comptent encourager la conclusion d'un accord de libre-échange tripartite et s'efforcer «d'accélérer les négociations», ont-ils déclaré dans un communiqué commun. Le président Yoon Suk-yeol a également indiqué que les trois Etats ont «décidé de créer un environnement transparent et prévisible pour le commerce et l'investissement, et d'établir une chaîne d'approvisionnement sûre». 

A cette occasion, Pékin a appelé Tokyo et Séoul «à ne pas transformer les questions économiques et commerciales en jeux politiques ou en questions de sécurité, et à rejeter le protectionnisme ainsi que le découplage ou la rupture des chaînes d'approvisionnement», a rapporté Chine Nouvelle.

Après leurs discussions, les trois dirigeants se sont joints à des chefs d'entreprise en assistant à un sommet économique visant à renforcer le commerce entre les trois pays. 

Président de la Corée du Sud depuis 2022, Yoon Suk-yeol a intensifié sa coopération militaire avec Washington. Le pays s'est dans le même temps rapproché du Japon, un autre proche allié des Etats-Unis. En août dernier, les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud ont tenu un sommet à Camp David, près de Washington. 

Dans une déclaration conjointe publiée en la circonstance, les trois pays ont condamné le «comportement dangereux et agressif» et les «revendications maritimes illégales» de Pékin en mer de Chine. Et de poursuivre : «Nous réaffirmons l'importance de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan.» Comme ils ont appelé la Corée du Nord à «abandonner son programme nucléaire et de missiles balistiques».


L’autre front : la guerre des puces

Outre Taïwan, la Corée du Nord et la mer de Chine, la Chine est engagée sur un autre front, non moins important, avec le Japon et la Corée du Sud, alliés des Etats-Unis, à savoir, la bataille des semi-conducteurs. Entre-temps, la rivalité sino-américaine a dégradé les échanges économiques entre les trois pays. Jeudi, Séoul a annoncé un nouveau plan de 17,5 milliards d’euros pour l'industrie coréenne des semi-conducteurs. Enveloppe qui inclut les 6,4 milliards d'euros d'investissements, déjà annoncés le 12 mai. «Les semi-conducteurs font l’objet d’une guerre totale entre pays», a déclaré le président sud-coréen à cette occasion. «La victoire… ira à celui qui fabriquera le premier les semi-conducteurs de pointe dotés d’une grande capacité de traitement des données.»


Ces dernières années, Washington a mis sur liste noire des entreprises chinoises pour les couper des chaînes d'approvisionnement en technologies américaines et a renforcé les restrictions à l'exportation vers la Chine des semi-conducteurs. Pékin cherche depuis à accélérer la montée en gamme de ses semi-conducteurs. Le ministère chinois des Finances, des banques publiques et une série d'entreprises ont injecté 344 milliards de yuans (43,7 milliards d'euros) dans un fonds national pour les semi-conducteurs, selon la base de données Tianyancha, qui compile en Chine des informations sur les entreprises. La fabrication de puces est extrêmement complexe et implique de nombreux pays. Nombre d'étapes dépendent des Etats-Unis, des Pays-Bas et du Japon, dont les entreprises détiennent le quasi-monopole de la production de machines de lithographie, indispensables à la miniaturisation des puces sur des plaques très fines de silicium. 


En octobre 2022, les Etats-Unis ont annoncé de nouveaux contrôles à l'exportation visant à limiter la capacité de Pékin à acheter et fabriquer des puces haut de gamme «utilisées dans des applications militaires». La Chine a riposté fin 2022 en initiant une procédure auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) accusant Washington de mettre en péril les chaînes mondiales d'approvisionnement.

 A son tour, le Japon a annoncé qu’il compte restreindre l'exportation d'équipements de fabrication de semi-conducteurs. Mesure destinée à «prévenir le détournement de la technologie à des fins militaires», a déclaré à la presse le ministre japonais de l'Economie, Yasutoshi Nishimura, assurant qu'aucun pays n'était ciblé en particulier, fin mars 2023. 

Pour Pékin, «politiser, instrumentaliser et militariser des questions commerciales et technologiques déstabilisent artificiellement la chaîne de production et d'approvisionnement mondiale», a déclaré Mao Ning, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Le Japon «fait du tort aux autres, mais aussi à lui-même», a-t-il ajouté.

 De son côté, le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, a affirmé que «le blocage ne fera que stimuler davantage la détermination de la Chine à devenir autonome». 

Il a qualifié le Japon de «laquais» de Washington. «Les Etats-Unis ont utilisé des tactiques d'intimidation pour réprimer brutalement l'industrie japonaise des semi-conducteurs, et maintenant, ils reprennent leurs anciennes ruses contre la Chine», a-t-il observé. 

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