Sommet extraordinaire de la Cédéao : Les sanctions contre le Niger en partie levées

25/02/2024 mis à jour: 23:53
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Le Niger est le quatrième pays de la sous-région à faire l’objet d’un coup d’État militaire en moins de trois ans

Réunis, hier, en Sommet extraordinaire à Abuja, au Nigeria, les chefs d’Etat des pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ont décidé de lever une partie des sanctions contre le Niger. 

C’est ce qu’a annoncé le président de la Commission de l’organisation régionale. La Cédéao «a décidé de lever avec effet immédiat» certaines des sanctions imposées au Niger depuis la prise du pouvoir à Niamey d’un régime militaire qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum en juillet. 

Les frontières et l’espace aérien seront notamment rouverts, a-t-il précisé. Le Sommet de samedi est consacré notamment à la situation du Niger, soumis à des sanctions depuis le coup d’Etat de juillet 2023. Il est le quatrième pays de la sous-région à faire l’objet d’un coup d’État militaire en moins de trois ans. Il rejoint la liste de plus en plus longue des pays d’Afrique de l’Ouest qui sont entrés dans un tel tourbillon (Mali, Guinée, Burkina Faso). Sont prévus aussi des débats sur «les récents développements dans la région», selon un communiqué de ladite organisation rendu public la veille.

La Cédéao est mise à l’épreuve par les régimes militaires en place au Mali, au Burkina Faso et au Niger qui ont conjointement annoncé, le 28 janvier dernier, leur retrait de l’Organisation ouest-africaine, suite à la crise politique que connaît le Sénégal depuis le report de l’élection présidentielle par le chef de l’Etat, Macky Sall. Le Président sénégalais, qui n’a pas assisté au précédent Sommet, est cette fois présent, deux jours après avoir annoncé qu’il achèverait son mandat à la date de son expiration, le 2 avril prochain mais sans avoir fixé de nouvelle date pour l’élection présidentielle. 

Le scrutin devait initialement se tenir le 25 février mais le président Macky Sall l’a repoussé début février, plongeant le Sénégal dans l’une des pires crises politiques de son histoire post-indépendance, suscitant une vive préoccupation dans les rangs de la Cédéao. Le Niger, le Mali et le Burkina Faso, qui ont notamment tourné le dos à la France et créé, en septembre, l’Alliance des Etats du Sahel (AES), pour renforcer leur coopération et se sont rapprochés de la Russie.
 

Fêlure

Après le Mali en 2022, le Niger et le Burkina ont annoncé en début décembre leur départ de l’organisation antidjihadiste G5 Sahel, neuf ans après la création de l’organisation dont les membres restants sont la Mauritanie et le Tchad. Dans un communiqué conjoint rendu public en la circonstance, Niamey et Ouagadougou ont déclaré que «l’organisation peine à atteindre ses objectifs». 

«Pire, les ambitions légitimes de nos Etats à faire de l’espace du G5 Sahel une zone de sécurité et de développement sont contrariées par des lourdeurs institutionnelles, des pesanteurs d’un autre âge qui achèvent de nous convaincre que la voie de l’indépendance et de la dignité, sur laquelle nous sommes aujourd’hui engagés, est contraire à la participation au G5 Sahel dans sa forme actuelle», ont-ils observé. Ils ont affirmé avoir pris une responsabilité en quittant une organisation qui servirait «les intérêts étrangers au détriment de ceux des peuples du Sahel, encore moins accepter le diktat de quelle que puissance que ce soit au nom d’un partenariat dévoyé et infantilisant qui nie le droit à la souveraineté de nos peuples et de nos Etats». 
 

Niamey est engagé depuis quinze ans dans la lutte contre les groupes intégristes islamistes, d’abord Boko Haram, mais aussi l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) et le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM). Le pays fait ainsi face à deux fronts «djihadistes» : au Nord-Ouest, les attaques dans la zone des «trois frontières» ; au Sud-Est, les 1200 kilomètres de frontière avec le Nigeria où Boko Haram est omniprésent. 

En 2018 et en 2020, le gouvernement malien a missionné des intermédiaires afin de discuter avec les chefs du GSIM. Au Burkina Faso, le gouvernement a négocié un cessez-le-feu officieux et temporaire avec les jihadistes au cours de la campagne présidentielle de 2020, afin que le scrutin puisse se dérouler correctement. De son côté, le président nigérien, Mohamed Bazoum, a annoncé, en février 2022, avoir amorcé des discussions avec les jihadistes. Fin août 2022, quelques centaines de militants ont manifesté devant l’Assemblée nationale à Niamey pour dénoncer les interventions militaires étrangères dans le pays et exprimer leur colère face à la hausse du coût de la vie. 

Fin 2023, les chefs de la diplomatie des trois pays ont proposé la création d’une confédération, avec pour ambition de parvenir à terme à une fédération. A la suite de la prise du pouvoir à Niamey par des militaires fin juillet 2023, qui ont renversé le président élu Mohamed Bazoum, la Cédéao a imposé de lourdes sanctions économiques et financières au Niger : suspension des transactions financières, fermeture des frontières, gel des avoirs de l’Etat, entre autres. 
 

«Une déclaration de guerre»

Auparavant, la Cédéao a menacé le nouveau régime à Niamey d’une intervention militaire, avant de faire marche arrière. Une opération à haut risque d’autant que le Mali et le Burkina Faso ont déclaré qu’une intervention militaire au Niger serait considérée comme une «déclaration de guerre» et qu’ils iraient défendre leurs voisins putschistes. Les deux pays ont affiché leur solidarité avec le Niger, affirmant que si le pays est attaqué par la Cédéao, ce serait «une déclaration de guerre» pour eux. 

Aussi, le président nigérian Bola Tinubu, avant d’engager son pays dans une confrontation militaire, a saisi pour consultation le Parlement de son pays, en vue d’un éventuel recours à la force. Le Sénat nigérian, tout en condamnant le coup d’État au Niger, s’est opposé, dans une résolution du 5 août 2023, à l’usage de la force. Par la même occasion, le Sénat a invité le Parlement de la Cédéao à lui emboîter le pas.
 

Depuis le coup d’Etat à Niamey, les tentatives de discussion entre le nouveau pouvoir et la Cédéao ont échoué. Niamey est notamment inflexible sur la libération du président déchu Mohamed Bazoum, retenu prisonnier avec son épouse, posée comme condition sine qua non d’un allégement des sanctions par l’Organisation ouest-africaine. Mais le nouveau régime a consenti début janvier à libérer Salem Bazoum, le fils de l’ex-président, transféré au Togo. 

Mi-février, le chef du régime militaire nigérien, le général Abdourahamane Tiani, a évoqué la possible création d’une monnaie commune avec le Burkina Faso et le Mali, comme une «étape de sortie» de la «colonisation». 

Des élections sont en théorie prévues au Mali et au Burkina Faso en 2024, censées assurer le retour à un gouvernement civil, préalable exigé par la Cédéao pour lever ses sanctions et rétablir ces pays dans ses instances. Mais les partisans des régimes militaires souhaitent allonger la durée des transitions.
 

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