Avec l’intervention russe en Ukraine le 24 février, les Occidentaux voient en Moscou une menace pour leur sécurité. Dans ce contexte, auquel s’ajoute la montée en puissance de Pékin, s’impose une révision du document de manière à ce qu’il soit acceptable pour les 30 alliés.
La capitale espagnole Madrid abrite depuis hier le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Otan. Pour la première fois, la Corée du Sud et le Japon seront présents en tant qu’observateurs, en raison d’un des grands enjeux géopolitiques : l’influence et les ambitions de la Chine.
Outre le conflit russo-occidental sur l’Ukraine, seront débattues d’autres questions non moins importantes. Ainsi, est prévue la discussion sur le texte relatif au «Concept stratégique» de l’Alliance, qui marquera la première révision de sa feuille de route. Le texte date de 2010. Il est mentionné dans l’article 33 du document que la «coopération» Otan-Russie «revêt une importance stratégique car elle contribue à la création d’un espace commun de paix, de stabilité et de sécurité. L’Otan ne représente aucune menace pour la Russie.
Au contraire, nous souhaitons un véritable partenariat stratégique entre l’Otan et la Russie, et nous agirons en conséquence (…)» L’article suivant mentionne : «Nous demeurons convaincus que la sécurité de l’OTAN et celle de la Russie sont indissociablement liées et qu’un partenariat solide et constructif, s’appuyant sur la confiance mutuelle, la transparence et la prévisibilité, servirait au mieux notre sécurité (…)» Ainsi, faudrait-il œuvrer «à renforcer les consultations politiques et la coopération pratique avec la Russie dans des domaines où nos intérêts se recoupent, notamment la défense antimissile, la lutte contre le terrorisme, la lutte antidrogue, la lutte contre la piraterie et la promotion de la sécurité internationale au sens large». Comme il est nécessaire d’«exploiter tout le potentiel du Conseil Otan-Russie au profit d’un dialogue et d’une action conjointe avec la Russie».
Avec l’intervention russe en Ukraine le 24 février, les Occidentaux voit en Moscou une menace pour leur sécurité. Dans ce contexte, auquel s’ajoute la montée en puissance de Pékin, s’impose une révision du document de manière à ce qu’il soit acceptable pour les 30 alliés. Il s’agit de définir la menace russe, le «défi» posé par la Chine, la relation entre l’Otan et l’Union européenne (UE). Aussi, est nécessaire d’évoquer le niveau souhaitable des budgets de défense.
Hier, Jake Sullivan, le principal conseiller diplomatique et militaire du président américain, a indiqué que les Etats-Unis vont faire lors du sommet «des annonces spécifiques» sur «de nouveaux engagements militaires sur terre, en mer et dans les airs à long terme» en Europe, selon des propos recueillis par l’AFP. Il a indiqué à bord d’Air Force One, peu avant que l’avion n’atterrisse à Madrid, qu’un «certain nombre de pays» de l’Alliance comptent également «promettre d’augmenter leurs contributions en matière de défense sur le flanc oriental avec un accent particulier sur la Baltique».
Et «à la fin de ce sommet, il y aura un dispositif plus robuste, plus efficace, plus crédible (...) pour tenir compte d’une menace russe plus aiguë et plus grave, pas seulement à cause de ce qu’ils ont fait en Ukraine, mais aussi à cause de la manière dont ils ont changé leur positionnement vis-à-vis du Bélarus», a indiqué le conseiller. La Russie va livrer «dans les prochains mois» au Bélarus des missiles Iskander capables de transporter des charges nucléaires, a annoncé samedi Vladimir Poutine en recevant son homologue bélarusse, Alexandre Loukachenko.
L’Otan va aussi, selon la Maison-Blanche, «adopter des objectifs spécifiques de financement» pour s’assurer que l’Alliance a «les fonds nécessaires pour mener à bien ses activités». Le sommet sera l’occasion, selon lui, de constater «une augmentation marquée des contributions» des divers pays, «au point que nous prévoyons désormais qu’(...) une forte majorité des alliés de l’Otan soit ont déjà atteint, soit sont en bonne voie pour atteindre d’ici 2024» le seuil critique de 2% de leur produit intérieur brut consacré aux dépenses militaires.
L’obstacle turc
Autre volet à discuter : la question de l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan. Une rencontre entre le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et son homologue finlandais et la Première ministre suédoise, destinée à tenter de lever le veto turc à l’entrée des deux pays nordiques dans l’Alliance, était prévue hier. Jusque-là, la Turquie bloque l’adhésion de ces deux pays. Or, toute décision de l’Alliance doit être prise par consensus des 30 pays membres.
Ankara accuse les deux pays nordiques d’abriter des militants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation considérée comme «terroriste», et dénonce la présence dans ces pays de partisans du prédicateur Fethullah Gülen, soupçonné d’avoir orchestré une tentative de coup d’Etat en Turquie en juillet 2016.
Le présidents américain, Joe Biden, et turc ont prévu de se parler aujourd’hui en marge du sommet, a annoncé hier le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan. «Nous pensons qu’à un moment ou à un autre demain» les deux hommes «auront l’occasion de se parler», a-t-il dit à bord d’Air Force One, indiquant que les modalités de la rencontre étaient encore en préparation. Jake Sullivan a assuré que l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’Otan, tant désirée par Washington, «sera abordée» mais sans être «l’élément central» de la discussion.
Un peu plus tôt, le président turc a annoncé une possible rencontre avec son homologue américain en marge du sommet. «Le sujet le plus important est celui des F-16. Il est sur la table», a-t-il ajouté concernant les avions de chasse commandés et partiellement payés par Ankara mais dont Washington a suspendu le contrat après que la Turquie eut acquis un système de défense russe S-400.
Et d’observer : «Notre principale attente à ce sommet est la solidarité inconditionnelle dont (l’Otan) peut témoigner. Nous appartenons à l’Alliance atlantique depuis 70 ans, la Turquie n’est pas membre de l’Otan par hasard.» Il a soutenu que «si la Suède et la Finlande doivent devenir membres de l’Otan, elles doivent prendre en compte les inquiétudes de la Turquie, il ne peut en être autrement».