Relancer l’accord sur le nucléaire n’aurait «pas de sens» sans la clôture de l’enquête de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur les sites non déclarés de l’Iran.
C’est ce qu’a indiqué hier le président iranien, Ebrahim Raïssi. «Nous avons souligné dans les négociations que toutes les questions liées à l’AIEA doivent être résolues», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse, car «sans le règlement de ces questions, parler d’accord n’a aucun sens». Il a rejeté l’idée d’une rencontre avec le président américain, Joe Biden, lors de l’Assemblée générale des Nations unies qui s’ouvrira le 13 septembre à New York.
«Il n’y a aucun avantage à une rencontre entre moi et lui (...) Il n’y a pas de plan pour une telle rencontre et il n’y en aura pas», a affirmé le président iranien. Interrogé sur les menaces d’Israël contre le programme nucléaire iranien, il a déclaré que les Israéliens «n’auront pas le temps de passer à l’acte s’ils décident de faire ce genre de choses». Et d’ajouter : «Entre le moment de la prise de décision et sa mise en œuvre, ils doivent se demander s’ils existeront encore.» Il a observé que «les armes nucléaires n’ont pas leur place dans notre doctrine de défense».
En novembre 2021, le Premier ministre, Naftali Bennett, à l’époque a prévenu qu’«en cas de retour à un accord (entre les grandes puissances et l’Iran, ndlr), Israël (…) ne se sentira pas engagé de le respecter». «Nous devons élargir le fossé avec nos ennemis (…), nous renforcer au point où notre supériorité deviendra indéniable et dissuadera quiconque de nous affronter. Nous allons vers des temps compliqués.
Peut-être aurons-nous des désaccords avec certains de nos plus proches alliés. Ce ne serait pas la première fois. Mais nous ne répéterons pas l’erreur que nous avons faite quand le précédent accord a été signé en 2015», a-t-il poursuivi. Mercredi, son successeur Yaïr Lapid a appelé les puissances occidentales à «cesser» de négocier avec l’Iran l’accord sur le nucléaire. «Ce qu’il y a sur la table actuellement est un mauvais accord. Cela donnera 100 milliards de dollars par année à l’Iran.
Cet argent ne servira pas à construire des écoles ou des hôpitaux, mais sera utilisé pour déstabiliser le Moyen-Orient (...) en renforçant le Hezbollah, le Hamas et le Jihad islamique», a-t-il déclaré lors d’une rencontre avec la presse étrangère à Jérusalem. «A nos yeux, l’accord ne répond pas aux critères fixés par le président (américain Joe) Biden lui-même : empêcher l’Iran de devenir un Etat nucléaire», a-t-il ajouté.
«Dangereuse crise»
Lors des discussions de Vienne pour relancer l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, signé entre la République islamique et le Groupe 5+1(Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France, ainsi que l’Allemagne), Téhéran a déjà réclamé que l’AIEA achève son enquête concernant des traces d’uranium enrichi retrouvées sur trois sites non déclarés. Le gendarme onusien du nucléaire a exhorté l’Iran en juin à «coopérer», déplorant l’absence de réponses «crédibles» de Téhéran concernant ces traces.
Interrogé la semaine dernière par CNN, le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, a répondu qu’il ne compte «absolument pas» arrêter l’enquête. «Cette idée que politiquement nous allons arrêter de faire notre travail est inacceptable pour nous», a-t-il ajouté. L’Iran veut que ce dossier soit réglé dans le cadre des négociations sur la relance de l’accord de 2015, qui vise à garantir le caractère civil de son programme nucléaire. L’ancien président, Donald Trump, a retiré les Etats-Unis de cet accord en 2018 et rétabli les sanctions américaines.
En conséquence, Téhéran s’est progressivement affranchi de ses obligations.
Le 26 juillet dernier, le chef de la diplomatie européenne et coordinateur pour le dossier du nucléaire iranien, Josep Borrell, a soumis un projet de compromis et a appelé les parties engagées dans les pourparlers à l’accepter pour éviter une «dangereuse crise». Après plusieurs mois de blocage, les discussions ont repris le 4 août dans la capitale autrichienne pour une énième tentative de sauver l’accord. L’objectif des pourparlers, auxquels les Etats-Unis participent de manière indirecte, est de remettre le processus sur les rails.
L’Union européenne (UE) a soumis, le 8 août aux Iraniens et aux Américains, une «version finale» d’un accord prévoyant la levée de sanctions économiques contre l’Iran, notamment sur le pétrole, en échange de restrictions sur son programme nucléaire.
Mardi, Washington a annoncé que Téhéran a fait des concessions. Selon un haut responsable américain, l’Iran ne bloque plus certaines inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), alors qu’il exigeait auparavant que l’agence cesse son enquête sur des sites non déclarés où des traces d’uranium enrichi ont été trouvées. Téhéran a aussi abandonné une autre exigence : la levée de la désignation «terroriste» des Gardiens de la révolution, son armée idéologique.
Mercredi, le ministère iranien des Affaires étrangères a affirmé avoir reçu une réponse des Etats-Unis concernant les «ajustements» requis par Téhéran à la proposition d’accord soumise par l’UE sur le dossier nucléaire iranien. Téhéran «a commencé à examiner attentivement l’avis des Etats-Unis, et la République islamique d’Iran va transmettre son opinion au coordinateur (de l’UE) après sa révision», a indiqué son porte-parole Nasser Kanani. Un peu plus tard, les Etats-Unis ont confirmé avoir transmis à Bruxelles leur réponse à un plan censé raviver l’accord sur le programme nucléaire iranien de 2015.
«Nous avons transmis notre réponse à l’UE aujourd’hui», a déclaré le porte-parole du Département d’Etat américain, Ned Price.