Une voix supplémentaire pour rappeler à la France officielle son passé colonial en Algérie. Elle intervient dans un contexte de froid glacial dans les relations entre les deux pays et de surenchère des acteurs de la droite et de l’extrême droite qui font de l’Algérie et de l’immigration algérienne leur sujet de prédilection.
Il s’agit du politologue Thomas Guénolé, ancien membre de la France insoumise (LFI). S’exprimant mercredi dernier sur Sud Radio, où il a été invité pour un débat sur la crise actuelle entre l’Algérie et la France, le politologue lance : «La France doit indemniser financièrement l’Algérie pour les crimes de la colonisation. Par exemple, la conquête de l’Algérie a fait 1 million de morts, c’est-à-dire un tiers de la population totale à l’époque.
Il y a aussi eu un pillage des ressources.» Il cite, dans ce sens, l’exemple de l’Allemagne qui a versé une compensation financière de 1,1 milliard d’euros à la Namibie en 2021 pour les crimes qu’elle a commis dans ce pays d’Afrique au début du XXe siècle. Thomas Guénolé, arguments à l’appui, énumère, même brièvement, les crimes perpétrés par la France coloniale en Algérie. «Un tiers de la population algérienne de l’époque a été tué pendant la conquête, on parle d’un million de morts par des massacres et par la famine provoquée délibérément comme stratégie de conquête qui a fait 400 000 morts», déclare-t-il. Le politologue rappelle aussi les massacres du 8 Mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata et «les milliers de morts (45 000 morts lors de ces massacres qui ont eu lieu juste après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ndlr)».
Il cite aussi le code de l’indigénat qui est, affirme-t-il, «tout simplement l’apartheid en Algérie française». Au journaliste qui voulait opposer à cette demande «l’affaire des Français tués lors de la guerre d’Algérie», l’invite de Sud Radio rétorque : «En termes de coût humain total, on ne peut vraiment pas mettre sur le même plan tout ce qui a pu être fait à des colons ou à des Français par des Algériens. En fait, je n’ai pas connaissance que les Barbaresques aient fait un million de morts, qu’ils aient fait des camps de déportés, etc.»
«Bienfaits de la colonisation : un argument bidon»
Dans cette intervention de moins de deux minutes, le politologue détruit également les arguments des nostalgiques de l’Algérie française, qui mettent, souvent, en avant «les supposés bienfaits de la colonisation française». «Ce qui est souvent brandi par l’extrême-droite, comme la construction de routes ou d’hôpitaux, démontrant par les chiffres que tout ce qui a été réalisé en Algérie l’a été au seul bénéfice des colons et en priorité pour le pillage des ressources», lance-t-il. Thomas Guénolé cite des chiffres confirmant ce qu’il a avancé. «En 1954, 50% des Algériennes accouchaient à la maison tandis que c’était 8% des femmes des colons, seuls 15% des enfants de colonisés étaient éduqués et 3% des propriétaires étaient des colons qui détenaient à eux seuls 25% des terres, et c’étaient les meilleures terres disponibles», explique-t-il.
Postée sur le réseau social X, la courte vidéo a été vue, jusqu’à hier, près de 500 000 fois et suscité plus de 2000 commentaires, où certains ont traité le politologue de «traître».Jusqu’à présent, rappelons-le, l’Algérie demande à la France de reconnaître les crimes commis par l’armée française dans le pays pendant la colonisation (1830-1962). Lors de son entrevue avec des représentants de la presse, en octobre dernier, le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, a déclaré que «l’Algérie a été choisie pour le vrai grand remplacement qui consistait à chasser la population locale et la remplacer par la population européenne».
«Il y a eu génocide en Algérie. Nous étions quatre millions d’habitants en 1830. A l’indépendance, la population de l’Algérie ne dépassait pas les 9 millions d’habitants», a-t-il rappelé. Parmi les crimes coloniaux, le président Tebboune cite également les essais nucléaires français dans le Sahara algérien et appelle à sa décontamination. «Si vous voulez aborder les sujets sérieux, venez nettoyer les sites où vous avez effectué des essais nucléaires. Il y a des gens qui meurent encore et d’autres sont impactés. Vous êtes devenus une puissance nucléaire, et nous avons eu les maladies», a-t-il lancé.