En vingt épisodes, Mayna, la nouvelle série réalisée par Walid Bouchebbah, écrite par Lamia Kahli et produite par Atyaf production et présentée jeudi à la presse au siège du Centre national du cinéma algérien (Cnca), veut par son esthétique habile, son casting rigoureux et son univers décalé, renouveler le genre éculé du «sketch chorba». Malgré ses qualités indéniables, la série peine à trouver un diffuseur pour ce mois de Ramadhan.
Désireux d’affirmer la puissance et la magie du Sahara algérien, Walid Bouchebbah filme des personnages encerclés par les dunes, montrant ainsi la petitesse des hommes face aux paysages infinis. La série se distingue par une photographie aux lumières ardentes, donnant lieu à de belles couleurs orangées, ocres et or. Mayna se différencie par ses couleurs chatoyantes ainsi que la diversité des accents et des dialectes de ses protagonistes.
Ainsi, dans le camp des malfrats et des personnages qu’on aimera détester, l’inénarrable Mohamed Bouchebah campe le rôle du propriétaire de l’hôtel paumé, Habib Aïchoune, celui du faiseur de troubles, dont Ahcène Béchar est le bras droit simplet. A l’hôtel, l’on trouvera un Mourad Saouli carrément hilarant dans son rôle de pompiste grincheux, Sabrina Korichi toute en jeux de mots et mimiques ainsi que Slimane Horoqui se met dans la peau d’un personnage au rire communicatif.
Dans le quartier des chercheurs, Fodil Assoul incarne un vétérinaire mexicain à l’accent improbable mêlant l’espagnol à la derdja, Anya Louanchi, excelle dans le rôle de la scientifique consciencieuse et Idir Banaïbouche étonne dans celui du savant loufoque.
Le policier idiot incarné par Islam Boukhtache accompagné d’un chien perspicace apporte son grain de sel à l’ouvrage, Milouda Ouatik dans le rôle de Bekka apporte une touche fantasque sans oublier la grâce de Tenou Khilouli, résumant à elle seule toute la noblesse des gens du Sahara. La série porte un fond écologique, traitant de la question de la disparition d’espèces rares en Algérie.
De premier abord, l’intrigue peut paraître complexe, se situant entre l’enquête policière et la comédie, mais les spectateurs sont vite emportés par l’esthétique réussie de Mayna et la beauté authentique des personnages. Hatem Siradj, l’un des producteurs de la série, explique avoir tout de suite adhéré au projet en 2019, n’hésitant pas à lever des fonds afin de financer le tournage. «Nous avons aimé le projet présenté par le réalisateur.
Toute l’équipe s’est engagée corps et âme dans le projet Mayna car nous sommes venus, nous qui sommes issus du dispositif Ansej, avec l’idée de changer les choses», raconte-t-il. «Il faut savoir que la plupart des décors ont été construits par une équipe issue de l’Ecole beaux-arts, poursuit Walid Bouchebah, le réalisateur de la série. La production a cru en ce projet, assurant toute la partie logistique pour le tournage à Timimoun, mais dans la mesure où la série n’a pas encore trouvé preneur, les personnes qui y ont travaillé, y compris les comédiens et les techniciens n’ont pas encore été rémunérés.»
Les initiateurs de Mayna avaient à cœur de montrer lors d’une projection-débat destinée aux journalistes deux épisodes de la série afin de mettre en avant l’étendue du travail accompli, s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles un projet réalisé avec autant de passion et de rigueur ne parvient pas à rencontrer son public.
En creux se pose la question du modèle économique des productions audiovisuelles qui malgré la multiplication des chaînes télévisées ont du mal à se faire une place faute de règles transparentes et cohérentes.