A l’instar des autres pays du monde entier, l’Algérie célèbre la Semaine de l’entrepreneuriat au mois de novembre de chaque année. Alors que nous traversons les complexités d’une économie post-inflationniste de par le monde, il n’a jamais été aussi important de soutenir les jeunes entrepreneurs à créer leur propre emploi à travers la création de micro-entreprises et start-up.
Ce cadre arrive à un moment crucial pour les jeunes du monde entier. Les derniers chiffres montrent que la crise du chômage des jeunes se poursuit dans le monde sans répit, l’Organisation internationale du travail signalant que 20% de la population jeune mondiale ne travaille pas, ne suit pas d’études ou de formation.
Pourtant, au milieu de ces défis se cache un gisement de potentiel inexploité. Des recherches montrent que 40% des jeunes aspirent à créer une entreprise, contre seulement 8% qui dirigent actuellement des entreprises. Cet écart représente non seulement une perte d’opportunités économiques, mais aussi une occasion manquée d’exploiter l’esprit d’innovation et les perspectives nouvelles que les jeunes entrepreneurs apportent.
Dans ce contexte, la prise en charge de la jeunesse est une préoccupation majeure des pouvoirs publics algériens, reflétée dans son plan d’action pour la mise en œuvre du programme du président de la République. Pour intervenir sur l’emploi et la lutte contre le chômage, L’Etat a mis en place et renforcé de nombreux et importants dispositifs d’aides et de soutien tels que les nouveaux dispositifs et incitations à la création de micro-entreprises et start-up, l’allocation chômage, les contrats de pré-emploi, l’accompagnement de l’insertion professionnelle, etc., complétés par des mesures en faveur de l’investissement à travers l’élaboration d’un nouveau code d’investissement.
Face à cette situation, l’appui à l’entrepreneuriat apparaît comme crucial dans un contexte où les économies ne sont plus en mesure d’offrir des opportunités d’emplois décentes aux jeunes qui se portent chaque année sur le marché du travail.L’entrepreneuriat est donc apparu comme une solution à cette crise, élément-clé du développement économique, il est un moteur de croissance et un contributeur important pour la création d’emplois et la lutte contre le chômage.
Nos jeunes et en particulier nos étudiants peuvent à travers les différents dispositifs mis en place par les pouvoirs publics bénéficier de ces derniers pour créer leurs propres micro-entreprises et start-up. Pour relever le défi de création de micro-entreprises et start-up et dans le but de combler ce déficit et faire face aux différentes difficultés rencontrées sur le terrain, il est impératif de faire un état des lieux qui permettra d’évaluer le potentiel de l’entrepreneuriat en Algérie pour proposer une nouvelle feuille de route, en fournissant ainsi aux pouvoirs publics et des partenaires de l’écosystème entrepreneurial des données pour libérer le potentiel de l’entrepreneuriat des jeunes et accroître, de ce fait, le nombre de jeunes créateurs de micro-entreprises et start-up dans les différents secteurs d’activités à travers le territoire national. L’objectif attendu de cette démarche est clair : transformer les aspirations entrepreneuriales en actions concrètes, c’est-à-dire passer du monde imaginaire au monde réel.
Pour cela, il y a lieu de mettre en place d’autres dispositions complémentaires qui pourront faciliter davantage à nos jeunes, et ce, malgré les efforts déployés par les pouvoirs publics ces dernières années pour promouvoir l’entrepreneuriat. Force est de constater qu’il y a encore des insuffisances dans la pratique entrepreneuriale qu’il faut prendre en considération pour inciter et encourager nos jeunes à entreprendre.
Si la colonne vertébrale du développement de l’entrepreneuriat des jeunes est l’amélioration des compétences, la création d’un environnement favorable est également cruciale. Il est impératif de distinguer plusieurs types d’entrepreneuriats, dont les profils et les besoins différents : «entrepreneurs par nécessité», pour qui la création d’activités peut améliorer à la fois la qualité de vie et l’éducation, entrepreneurs d’opportunités et à potentiel de croissance, entrepreneurs sociaux, entrepreneurs verts, numériques, etc.
Dans cette optique, nous citerons deux obstacles qui, à notre sens, sont prioritaires qui peuvent apporter un changement et instaurer de ce fait un climat de confiance dans l’immédiat, cela ne veut pas dire que les autres acteurs de l’écosystème (la société civile, les établissements de l’enseignement et de la recherche, les chambres de commerce, etc.) ne sont pas importants pour soutenir l’entrepreneuriat en Algérie.
Nous citerons, d’une part, le problème de l’accès au financement qui demeure un obstacle majeur pour nos jeunes entrepreneurs à financer leurs projets, notamment au démarrage de leur activité.
Au-delà de cette contrainte de taille, il y a lieu de mentionner également la nécessite de former ces futurs entrepreneurs à la finance nécessaire pour gérer efficacement leur micro-entreprise et start-up, d’autre part, la mise en place des incubateurs relativement jeunes au sein des universités dédiés aux jeunes universitaires qui souhaitent s’orienter vers l’entrepreneuriat pour la création de micro-entreprises et start-up, ces structures viennent en remplacement des maisons de l’entrepreneuriat dans le but entre autres de créer un environnement propice où les jeunes futurs entrepreneurs peuvent prospérer et développer leurs compétences et activités à travers des sessions de formation et d’accompagnement dispensées par le personnel de ces incubateurs, reste au stade embryonnaire compte tenu que ces structures ne disposent pas de plan d’action annuel faute de présence d’un personnel qualifié ayant un capital expérience avéré en entrepreneuriat (formation-accompagnement-conseil).
Je précise bien qu’il s’agit de l’entrepreneuriat classique loin de l’entrepreneuriat innovante ou une start-up qui nécessite une expertise en la matière pour la formation et l’accompagnement de ces jeunes porteurs de projets, cela nécessite la conception d’un nouveau cadre d’encadrement et de soutien en faveur de l’entrepreneuriat innovant et la mise en œuvre d’initiatives d’accompagnement à l’entrepreneuriat innovant, faut-il aussi encore connaître ce qu’est une entreprise ou start-up innovante.
Pour rappel, l’entreprise innovante opère dans des secteurs d’activité très instables, tels que l’informatique, les télécommunications, etc., les dépenses en matière de recherche et développement sont beaucoup plus importantes que les autres profils d’entreprises, leurs activités nécessitent des investissements plus élevés que les entreprises non innovantes.
Ce genre d’entreprises sont capables même de bouleverser l’équilibre du marché en introduisant des innovations que ce soit sur le produit ou service, d’un processus nouveau, la mise en place d’une nouvelle méthode de commercialisation d’un produit ou service ou d’une nouvelle méthode d’organisation.
Tandis que la start-up est une jeune entreprise innovante qui évolue dans le secteur des nouvelles technologies à fort potentiel de croissance. Sa différence fondamentale avec une entreprise classique est que cette dernière est organisée pour exécuter et optimiser un business model qui fonctionne, alors que la start-up est organisée pour en trouver un.
C’est dans cette optique que j’insiste et je conseille que le personnel en charge de former et d’accompagner les jeunes porteurs de projets au sein des universités à travers les incubateurs doivent faire la part des choses et de ne pas confondre la formation et l’accompagnement des jeunes ayant des projets de création de micro-entreprises et start-up, numériques, sociales, vertes et circulaires. Chaque action de formation et d’accompagnement est spécifique par rapport au type d’entrepreneuriat sans oublier que leurs écosystèmes sont aussi différents, composés d’acteurs variés et interdépendants (profils d’entrepreneurs, institutions, etc.) et de différents facteurs tels que la culture entrepreneuriale, le marché, le cadre réglementaire, etc.
Ces constats nous poussent à proposer des solutions innovantes pour relever ce défi, à savoir :
Promouvoir la culture entrepreneuriale : encourager les jeunes et les femmes à se lancer dans l’entrepreneuriat par des actions d’information et de sensibilisation au sein des universités et centres de formation professionnelle.
Soutenir et valoriser les entrepreneurs locaux : fournir des opportunités de réseautage, de formation et d’accompagnement pour aider nos entrepreneurs à développer leurs projets locaux.
Renforcer l’écosystème entrepreneurial en Algérie : faciliter le travail collaboratif entre les différents acteurs (les entrepreneurs, les décideurs publics, les acteurs en relation directe ou indirecte avec l’entrepreneuriat), afin de créer un environnement propice au développement des micro-entreprises et start-up.
Encourager la complémentarité entre structures publiques et privées en dehors des grandes villes, notamment dans les Hauts-Plateaux et le Sud .
Sensibiliser à l’impact potentiel : on attend par là de mettre en avant le rôle et l’importance de l’entrepreneuriat dans la réduction du chômage, l’augmentation des revenus et la création de richesse dans les secteurs à fort potentiel tels que l’agriculture, les énergies renouvelables, les technologies numériques et d’autres secteurs.
Accéder aux ressources : créer des réseaux pour permettre aux entrepreneurs l’accès à l’information fiable relative aux différents dispositifs de financement, de formation à l’accompagnement pour améliorer la viabilité et la pérennité de leur micro-entreprises et start-up, encourager les jeunes futurs entrepreneurs à tirer profit des activités des structures d’appui à l’entrepreneuriat public ou privé pour renforcer leurs compétences entrepreneuriales.
Mettre en place de nouvelles initiatives d’accompagnement à l’entrepreneuriat innovant au sein des incubateurs et pépinières à travers le territoire national.
Porter une attention particulière aux jeunes entrepreneurs orientés vers la croissance : les jeunes entrepreneurs qui introduisent sur le marché des idées innovantes de produits et services à fort potentiel doivent faire l’objet d’un accompagnement particulier. Leurs projets sont les plus difficiles, mais ils peuvent réussir de véritables percées et généralement beaucoup d’emplois, en particulier dans les marchés émergents.
Encourager le soutien aux entrepreneurs au-delà de la phase de démarrage : les entreprises qui ont moins de 3 ans sont celles qui ont le plus fort potentiel de création d’emplois.
L’élaboration et la mise en place d’un référentiel décrivant les missions, l’organisation, les procédures, le mode de fonctionnement, l’offre de services… de l’incubateur au sein de l’université ; à terme, ce référentiel évoluera vers un guide de bonnes pratiques dans la perspective de la généralisation.
Pour conclure, la préoccupation actuelle des pouvoirs publics est de renforcer la coordination intersectorielle et donc l’efficience de l’opérationnalisation des politiques en faveur de la jeunesse, en vue de la mobilisation de celle-ci, et ce, suite à la création d’un observatoire national dédié principalement à la jeunesse.
Des commissions de réflexion nationale sur différentes thématiques, ainsi que des conférences, forums et symposiums, afin de définir la nouvelle politique nationale de la jeunesse, ont été mis en place. Cette démarche participative doit aboutir à un renforcement des actions intersectorielles et inter-partenariales, permettant ainsi une amélioration de l’efficacité et de la cohérence intersectorielle des différents dispositifs mis en place, pour mieux prendre en charge les préoccupations des jeunes entrepreneurs et répondre plus efficacement à leurs attentes.
La mise en place prochainement d’un centre de compétence pour le renforcement des compétences des ressources humaines, initié par l’Observatoire national de la société civile dédié aux associations est un indicateur positif pour la prise en charge des préoccupations des associations chargées d’accompagner les jeunes qui souhaitent créer leurs micro-entreprises et start-up dans divers secteurs d’activités à travers le territoire national.
Par Mourad Bergheul , Expert-consultant, formateur, facilitateur en entrepreneuriat vert - ESS - ODD