En dépit de l’amélioration des conditions globales de travail dans les établissements hospitaliers, le manque de moyens et de prise en charge démotive les médecins dans la plupart des villes algériennes. Tel est le constat fait par Ilyes Akhamouk, chef de service des maladies infectieuses à l’établissement public hospitalier de Tamanrasset, lors de son passage hier à «L’Invité de la rédaction» de la radio Chaîne 3.
Ce phénomène, loin d’être banal, s'explique, selon lui, par la conjugaison de plusieurs facteurs, dont le plus important est «une carence de moyens techniques». A titre illustratif, il cite l’exemple de radiologues qui, dira-t-il, «ne veulent pas travailler dans certaines villes à cause de l’absence d’IRM. Car, travailler des années durant sans matériel, c’est perdre sa formation». Il a diagnostiqué d’autres causes; telles que les problèmes de logement, de rémunération et de transport. «En matière d’infrastructures, il y a une réelle avancée dans les wilayas, mais je pense que la locomotive, c’est toujours le facteur humain», met-il en exergue. Il lance un appel pour une meilleure prise en charge du personnel médical pour soigner les Algériens.
Dans ce contexte, il faut rappeler que des contrats de 6 ans seront signés avec les médecins spécialistes fraîchement diplômés pour travailler dans les wilayas du Sud, dans le but de remédier au manque de spécialistes au niveau des établissements de santé de ces régions. Abdelhak Saihi, ministre de la Santé, avait déjà déclaré que «le secteur de la Santé a ouvert plusieurs chantiers de réflexion sur les moyens d'améliorer les conditions socioprofessionnelles des travailleurs du secteur, notamment le corps médical, dans le cadre d'un programme national dans l'intérêt du patient». L’urgence est d'atténuer la répartition inégalitaire de personnels entre régions, institutions, services, source principale de dépenses improductives et de mécontentement des acteurs du système de soins et des citoyens.
Ces inégalités doivent être étudiées, au delà de la dimension économique qui ne les explique seulement qu’en partie. Ilyes Akhamouk aborde aussi un autre sujet d’actualité très délicat : le départ massif de médecins vers l’étranger. Cette fuite des praticiens de la santé et la possible désertion des hôpitaux du pays ne sont pas sans conséquences et inquiètent. En cause, des conditions de travail difficiles et l’absence d’infrastructures adaptées pour effectuer correctement leur métier.
A moyen terme, cet exode menace la pérennité même du système de santé. L'Algérie a perdu des milliers de médecins hautement qualifiés et expérimentés ces dernières années, qui sont partis en France. Sans compter ceux qui ont choisi d'autres destinations, comme le Canada, la Grande-Bretagne ou encore le Moyen-Orient. La multiplication des offres d’emploi à l’étranger et particulièrement l’augmentation à 2700 des postes de médecins ouverts aux étrangers par la France inquiètent et font craindre une nouvelle saignée au sein du personnel médical algérien.
Le Dr Ilyes Akhamouk en est pleinement conscient et appelle à «agir vite pour limiter cette hémorragie» avec des mesures incitatives, concrètes et opérationnelles pour garder cette «matière grise» au niveau national. L’intervenant insiste, particulièrement, sur la nécessité d’élaborer une stratégie pour inciter les médecins à s’installer dans les wilayas du Sud et frontalières, où il y a un risque de réémergence de maladies infectieuses. «Avec le réchauffement climatique et l’instabilité politique au Sahel, des maladies tropicales risquent de s’introduire en Algérie», met-il en garde. Il a ajouté qu’une augmentation sensible des cas de paludisme a été observée : entre 150 et 1000 cas ont été enregistrés en moyenne en 10 ans.