Vous estimez que le vice de l’Accord de Paris est qu’il laisse les Etats fixer leur contribution et juger par eux-mêmes si elle est ou non assez ambitieuse et équitable. C’est-à-dire ?
C’était sans aucun doute le seul moyen d’obtenir un accord à Paris, car les Etats ne s’entendaient pas alors, pas plus qu’aujourd’hui, sur un «partage de l’effort» et pas sur les critères de ce qui serait un partage équitable. Il n’y avait donc pas d’autre choix que de laisser les Etats déterminer eux-mêmes leurs contributions nationales successives à l’Accord de Paris. Le problème est que, toutes agrégées, les contributions des Etats ne nous mettent pas sur la voie de l’objectif de limitation des températures fixé par l’Accord de Paris : nettement en dessous de 2° et si possible 1,5. Le vice est là, on ne peut pas contraindre les Etats à faire plus. On ne peut que les y inciter par divers moyens et pressions, mais on reste assez démuni s’ils ne s’y emploient pas. La COP27 jouera ici un rôle, la prochaine serait également très importante, car elle prendra acte du fameux «bilan mondial» : une évaluation collective, tous les 5 ans, des efforts accomplis. Finalement, seul le juge national dans les contentieux climatiques peut prendre des décisions contraignantes, venant par là contraindre les Etats à mettre en cohérence leurs trajectoires d’émissions à court et moyen termes avec la trajectoire dessinée par l’Accord de Paris. Sur le modèle du contentieux néerlandais Urgenda, des affaires de ce type sont en cours d’examen en Belgique, en France, en Italie… Sur la question des financements du Nord vers le Sud, qui devaient atteindre 100 milliards de dollars en 2020, même chose. On a fixé un objectif collectif, sans se répartir l’effort. Résultat, on n’y est pas : on n’était a priori qu’à 83 en 2020.
Vous jugez également le manque d’ambition des politiques climatiques flagrant, et rend chaque année «l’objectif de l’Accord de Paris de plus en plus inatteignable».
N’êtes-vous donc pas optimiste quant à un éventuel accord lors de cette nouvelle Cop ?
Je ne suis pas très optimiste, car il faudrait décider de réductions d’émissions massives. Chaque année qui passe rend cela plus difficile, car la transition à faire est de plus en plus brutale pour les plus pauvres et les plus vulnérables, pour les secteurs et les régions les plus affectées, et donc de moins en moins possible. Nous avons perdu beaucoup de temps !
Je crains aussi que la COP soit assez conflictuelle entre pays du Nord et du Sud. Sur la question des financements, sur celle des pertes et préjudices, les pays du Sud sont très insatisfaits. Ils perdent peu à peu confiance dans les pays du Nord et donc dans ce processus de négociation. Sans avancées majeures sur ces fronts, la défiance risque de s’installer durablement et de miner les négociations.
Considérez-vous pour autant les Cop utiles en dépit de la non-tenue des engagements ?
Dans l’ensemble, sur l’atténuation, les Etats vont tenir les engagements qu’ils ont pris dans leurs contributions nationales, en dépit d’imprévus comme la pandémie de Covid ou la guerre en Ukraine. La difficulté tient plutôt dans le fait que les engagements sont insuffisamment ambitieux. Et, pour mettre la pression sur les Etats, je crois que oui, on a encore besoin des COP !
La question du financement des dégâts a été incluse dans le programme, ce qui est historique.
N’y voyez-vous pas en ce pas un espoir ?
Un espoir plutôt mince !