Samir Cherfan. Directeur des opérations (COO) du Groupe Stellantis pour la région Moyen-Orient et Afrique : «Notre ambition est de développer l’industrie automobile en Algérie»

21/04/2024 mis à jour: 02:15
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En marge de l’événement de la Convention internationale de fournisseurs pour accélérer le développement de la filière automobile algérienne, qui s’est tenu mardi dernier à Oran et qui a réuni 90 fournisseurs étrangers et locaux sous la présidence du groupe Stellantis, le directeur des opérations (COO) du groupe automobile Stellantis pour la région Moyen-Orient et Afrique, Samir Cherfan, nous a accordé un entretien exclusif où il nous livre la stratégie globale et les engagements de Stellantis en Algérie pour les années à venir.        

 

 

Entretien réalisé par Aziz Kharoum

 

 

Vous avez participé mardi dernier, en tant que représentant du groupe Stellantis, à la Convention des investisseurs et fournisseurs locaux et étrangers, qui a réuni 90 opérateurs de sous-traitance venant de plusieurs pays en vue de tisser un réseau industriel automobile et dans la perspective de fournir l’usine Fiat-Algérie de Tafraoui (Oran) en composants  pour la fabrication de véhicules de la marque. Pouvez-vous nous donnez vos appréciations ?
 

C’est un événement majeur sur le plan timing. Vous savez qu’en novembre 2022, nous avons signé le cahier des charges publiquement, nous avons commencé les travaux de l’usine de Tafraoui en décembre de la même année. Douze mois plus tard, nous avons un état de production sur la Fiat 500 sans être au niveau d’intégration local maximum mais capable de faire un véhicule au niveau de qualité de l’usine de Tychy en Pologne où est produit ce modèle depuis des années. Je me permets de dire que c’est une démonstration, c’est un benchmark d’industrie, toute catégorie. Cela n’est que possible si les acteurs de la filière travaillent en parfaite coordination. En somme, c’est une réussite collective. Les engagements que nous avons pris vis-à-vis de l’Algérie sont clairs. Nous voulons être pivot de l’industrie automobile dans le pays, et nous avons les capacités pour le faire car le groupe Stellantis vise une production de 1 million de véhicules d’ici 2026 dans la région Afrique/Moyen-Orient et visera à acheter plus de 6 milliards d’euros de pièces automobiles dans la région grâce à ces bases de fournisseurs locales dans des pays matures où nous visons d’autre part plus de 80% de taux d’intégration. Dans la perspective de continuer cette dynamique, nous avons fait venir l’ensemble des acteurs-clés de la filière pour créer cet effet boule de neige. Notre objectif est de ramener notre niveau de compétitivité à l’industrie chinoise. L’Algérie a des atouts majeurs qui doivent permettre d’aller dans cette perspective.
 

Vous avez annoncé récemment (sur Linkedin) l’extension de l’usine Fiat avec deux années d’avance sur le programme initial. Pourriez-vous nous donner des détails sur l’évolution de l’usine et quels sont les enjeux d’une telle participation ?

Nous voulons faire plus de 40 000 véhicules sur la première année. Ce n’est pas simple, mais concrétisable. Je m’explique : nous avons autour de 600 employés, et nous devons doubler à tripler d’effectif, les former, travailler 6/7 jours à plein temps. J’ai visité l’usine en fin de semaine. Les travaux des départements de peinture et de tôlerie ont déjà démarré. Quant à l’extension, il faut compter jusqu’au mois de septembre prochain pour l’achèvement des travaux des deux bâtiments annexes. Pour le moment, l’usine assemble seulement et ne fait pas la conception de la caisse. En mars 2025, nous serons sur le process du véhicule CKD sur la Fiat 500. Quelques mois plus tard, nous allons lancer la fabrication d’un quatrième véhicule sur la chaîne avec la 500, Doblo (véhicule particulier et utilitaire). Sans oublier un tout nouveau véhicule qui sera la surprise du marché que nous dévoilerons au moment opportun sans oublier la fabrication de véhicules en GPL qui passera lui aussi en CKD en 2026. Ce qui fait qu’en 2026, nous serons à plus de 35% du taux d’intégration du programme et 90 000 de véhicules en production. En résumé, le groupe ambitionne de dépasser 10% du taux d’intégration local cette année et dépasser 25% du taux d’intégration en 2025 et 35% en 2026 bien que le cahier des charges exige 35% en 5 ans. Donc,  tous les éléments du cahier des charges seront atteints et remplis en 2026. 


Hormis les voitures qui sont déjà montées dans l’usine de Fiat Algérie, pouvons-nous savoir quels seront les modèles qui seront bientôt mis en montage dans la même usine ?

Effectivement, le véhicule que nous allons lancer l’année prochaine n’existera dans cette version là qu’en Algérie. Il démarrera en full CKD directement. C’est un projet qui est déjà en cours. Nous avons parlé dans ce sens avec les fournisseurs. Pour le moment, nous ne pouvons pas donner plus de détails sur la nature de ce produit.
 

Stellantis ambitionne de contribuer au développement de l’industrie automobile dans la région, notamment en Algérie et investir pour consolider son empreinte afin de répondre aux besoins de mobilité en constante évolution de ses clients. Quelles sont vos grandes lignes directrices afin de concrétiser ce projet après cette première étape de partenariat avec ces opérateurs étrangers et locaux ?

Les lignes directrices de concrétisation du projet Fiat exigent, pour atteindre les 35 %, plus de 18 commodités. Comprenez par là, les composantes du véhicule. Par exemple, le siège est une commodité, une planche de bord est une commodité… ce qui fait qu’il faut plus de 25 fournisseurs. Il faut savoir qu’il y a des commodités où ça va vite, et d’autres prennent plus de temps à concrétiser, et ce, dans le but d’avoir de la profondeur dans l’intégration. Pour le point de départ où l’on est actuellement, il y a une cinquantaine de fournisseurs, parmi eux 21 qui sont potentiellement qualifiables. Nous devons atteindre les 25 fournisseurs. Pour le moment, ils proposent 15 commodités disponibles pour l’assemblage des véhicules. Il faut savoir que l’objectif de la convention que nous avons conclue c’est de rajouter des acteurs indispensables pour atteindre l’objectif du taux de 35%. Cela va nous permettre, d’autre part, de réduire les coûts de logistiques. En même temps, cela permettra de développer la filière. L’investissement est rentable pour l’ensemble de la filière.


Stellantis annonce à chaque fois que l’Algérie sera une plateforme d’exportation pour la région d’Afrique. Pouvons-nous savoir quand l’Algérie exportera des véhicules vers les autres pays du continent africain ?

L’exportation depuis l’Algérie est possible assez rapidement car les définitions algériennes sont vendables à l’extérieur du pays. Il faut savoir que les quatre véhicules qui seront produits en Algérie dont le nouveau véhicule surprise sont des véhicules à gros volumes. La 500 est un projet extrêmement important si l’on se réfère aux enquêtes clients et l’âme de Fiat repose sur ce modèle lequel est un projet affectif. Tout le projet Fiat passe par l’iconique 500. Sur ce projet, il y a des besoins et des demandes ici et dans d’autres pays d’Afrique où nous pouvons exporter. Stellantis veut aller au-delà des capacités actuelles. Nous comptons aller plus loin. C’est-à-dire plus de modèles pour l’Algérie et massification de l’exportation bien évidemment. 
 

Nous avons assisté l’an dernier au succès de Fiat, par ricochet, le groupe Stellantis, en termes de vente. Quels seront les objectifs du groupe en termes de vente et de chiffre d’affaires pour cette année ?


D’abord, l’objectif cette année est de dépasser les 40 000 véhicules car notre crédibilité sur ce marché ne repose pas sur les ventes de véhicules mais plutôt de faire ce que nous avons promis durant la signature du cahier des charges et les conventions avec nos partenaires. L’objectif est la production et l’intégration locale, la formation du personnel, le transfert de connaissance. C’est sur cela que reposent notre crédibilité et la confiance qui nous a été donnée par les autorités. Deuxième objectif, améliorer les conditions d’affrètement de véhicules, agrandir la capacité de stockage, améliorer le transport de distribution des véhicules, les dédouanements, les facturations, les encaissements des chèques dans les banques. Pour le moment, tous ces processus sont manuels. Nous devons mettre en place une organisation efficace. En résumé, mettre en place une qualité de gestion plus rigoureuse de manière à garantir le niveau de satisfaction. Ce que je veux mentionner en parallèle est que le principal problème en Algérie réside dans la fiabilité des délais de livraison des véhicules. L’acheteur reste pour le moment tributaire d’un système de gestion non organisé. A titre d’exemple : un client est censé être lié à un numéro de châssis du véhicule. Il doit savoir, à une semaine près, quand il va la recevoir. Ce n’est pas encore le cas en Algérie. C’est dans ce sens que nous travaillons afin de stabiliser le service-client car cela représente pour nous l’un des piliers des fondamentaux pour assoir l’activité.


Selon le plan stratégique «Dare forward» lequel compte donner plus d’importance à l’expérience client avec la mise en place, pour chaque région, d’un centre d’expérience client dont les données seront exploitées pour plus de satisfaction des automobilistes de la région. 

Stellantis compte adapter les modèles vendus selon les besoins locaux de chaque région pour plus d’efficience. Pouvez-vous concrètement nous expliquez cela ?

Le plan «Dare Forward» pour l’Afrique et le Moyen-Orient, c’est 22% de part de marché. Le numéro un aujourd’hui est à 18% et notre groupe Stellantis est à 15%. Un des leviers pour atteindre ce résultat, c’est l’intégration locale en fournissant à la région des produits dont ils ont besoin. Car vous avez une Europe qui fait du 100% électrique. Cette tendance est en cours. Aujourd’hui, l’Europe représente 65% de la fourniture en véhicule sur la région Afrique/Moyen-Orient. Donc, quand vous regardez la région Afrique/Moyen-Orient, le taux d’électrification n’atteindra, selon une estimation, environs 30 ou 35% avec des variations importantes. Il y a des pays où il y a peu d’électricité. Là où je veux en venir à la question, c’est quand il y a un besoin en véhicule dans une région, nous devons définir si c’est du thermique, de l’hybride ou de l’électrique. Nous travaillons sur ces deux technologies avec également, de l’hydrogène vert injecté dans les moteurs diesel (pour les locomotives) qui fait du zéro émission CO2, lequel est aussi beaucoup moins cher que l’électrique et mieux adapté, à ma connaissance à la région Afrique/ Moyen-Orient. Et pour cela, nous allons au bout de l’exercice pour les besoins de ces régions avec une stratégie propre au groupe et non du copier-coller de ce qui se fait ailleurs.


Comment évaluez-vous le climat des affaires en Algérie ?

L’Algérie est sur une dynamique extrêmement prometteuse qui a un alignement sur l’ensemble des acteurs sur la création des conditions favorables pour que cette dynamique se mette en place. Le pays a des atouts fondamentaux dans le sens où le coût de la main d’œuvre est en bon niveau, coût d’énergie au meilleur niveau. Le potentiel est là, ce qui devra tirer la performance et le niveau ciblé que le pays devra atteindre.   

 

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