Le président de la République a, à la faveur du remaniement ministériel qu’il a effectué lundi, nommé le général d’armée, chef d’état-major (CEM) de l’Armée nationale populaire (ANP), Saïd Chanegriha, au poste de ministre délégué auprès du ministre de la défense nationale.
Le chef d’état-major de l’ANP fait, ainsi, son entrée au gouvernement après avoir occupé durant le précédent mandat le poste névralgique de CEM. Le dernier à avoir occupé ce poste, de 2005 à 2013, fut le général-major Abdelmalek Guenaizia.
Le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, lui succède de 2013 à 2019 mais en tant que vice-ministre de la défense à l’époque du défunt président Abdelaziz Bouteflika. En 2018, Saïd Chengriha a été désigné au poste de commandant des forces terrestres (CFT). Il prend, alors, la relève du général-major Lahcène Tafer, qui a quitté un poste qu’il occupait depuis 2004. Tafer avait lui-même remplacé aux forces terrestres Ahmed Gaïd Salah, promu à cette date au poste de chef d’état-major de l’armée. En prenant le commandement des forces terrestres – la plus grande part des effectifs de l’ANP –, «Saïd Chengriha devenait de facto le numéro deux au sein de l’institution militaire», écrivait en 2019 le quotidien français Le Monde. Et d’ajouter que ce cheminement constituait le parcours classique des précédents chefs d’état-major de l’armée – Khaled Nezzar, Mohamed Lamari et Ahmed Gaïd Salah –, qui sont tous passés par ce commandement des forces terrestres, véritable rampe de lancement pour pouvoir être promu au sommet de l’armée. Avant de devenir commandant des forces terrestres, Saïd Chanegriha assurait le commandement de la 3e région militaire, dans le sud-ouest du pays, «un poste très sensible en raison du conflit au Sahara occidental», d’après le site spécialisé Menadéfense. Celui-ci souligne également qu’«il (Saïd Chanegriha, ndlr) est un homme de terrain et est connu pour ses qualités de stratège militaire. Il a très longtemps travaillé à la sécurisation de la frontière ouest et a accompagné les changements stratégiques qu’a connus l’ANP à partir de 2010 et le redéploiement vers les frontières est et sud (…).»
Né le 1er août 1945 à El Kantara, dans la wilaya de Biskra, Saïd Chanegriha a, selon la biographie publiée par le ministère de la défense nationale (MDN), obtenu des diplômes militaires dans la formation fondamentale, les cours d’application, les cours de chef de compagnie de chars, les cours des capitaines de l’arme des blindés, les cours d’état-major et les cours supérieurs de guerre.
Modernisation et professionnalisation
Il a eu à assumer, entre autres, au sein du corps de bataille terrestre, les fonctions de chef d’état-major puis commandant d’une brigade blindé (3e région militaire), chef d’état-major d’une division blindée (5e RM), commandant de l’Ecole d’application de l’arme des blindés, commandant d’une division blindée (2e RM) – la 8e DB de Ras El Ma –, adjoint au commandant de la 3e RM, commandant de la 3e RM, CFT et CEM de l’ANP. Saïd Chanegriha est promu au grade de général en 1998, au grade de général-major en 2003, au grade de général de corps d’armée en 2020, puis général d’armée en 2022.
Rappelons qu’au fil des années, les différents présidents qui se sont succédé au pouvoir, à commencer par Mohamed Boukharouba (Houari Boumediène), ont pris grand soin de faire de l’armée un pilier de leur gouvernance. Une tendance qui s’est accéléré depuis les années 2000, période post-terrorisme, à travers l’appui apporté aux efforts de modernisation et de professionnalisation de l’ANP. Un processus toujours en cours, notent des analystes, et ce, au vu des défis imposés par les changements géopolitiques que connaît la région.
Acteur majeur sur la scène nationale, l’armée se distingue toutefois par cette spécificité bien algérienne qui est de se placer, toujours, comme garant de la pérennité de l’Etat. Un rôle qu’elle joue depuis l’indépendance du pays, et que certains hauts officiers ont, à maintes occasions, tenu à bien nuancer. «Non, les militaires en Algérie ne sont pas les faiseurs de la décision.
Contrairement aux idées reçues, ils ont toujours été à la disposition du décideur», déclarait, au Point, Rachid Benyelles, ancien patron de la marine militaire, ex-général, secrétaire général du ministère de la Défense et ex-ministre sous le président Chadli Bendjedid, lors de la présentation en 2017 de ses mémoires Dans les arcanes du pouvoir. «Longtemps sous la domination du parti unique, le FLN, l’ANP a fini par prendre le dessus et continue de se poser en instance protectrice de la Constitution, à l’image de l’armée turque», soulignait en 2004, pour sa part, Maxime Aït Kaki, docteur en sciences politiques, dans Armée, pouvoir et processus de décision en Algérie, publié par la Collection Pensée.