Sahara occidental : Un abcès de fixation créé par H. Kissinger et soutenu par le lobby sioniste

22/12/2024 mis à jour: 00:29
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 Les nervis de l’extrême droite n’ont pas encore digéré la défaite subie par la France suite à la Guerre de libération. Les Bernard Lugan, Eric Moshe Zemmour et autres propagandistes ont été missionnés par le lobby sioniste et les magnats de la presse française que sont les Vincent Bolloré et Cie pour semer les graines de la discorde et de la haine entre les peuples frères algérien et marocain, à travers le conflit du Sahara occidental, par une falsification éhontée de l’histoire de l’Algérie et du Maroc, pour accentuer leur dépendance envers les grandes puissances. 

Dans son livre intitulé C’était de Gaulle, l’ancien ministre français Alain Peyrefitte rapporte des déclarations inédites du chef de l’Etat français au sujet des relations conflictuelles entre l’Algérie et le Maroc. 

Ces déclarations mettent en relief le rôle néfaste qu’a joué la France dans l’exacerbation de ce conflit entre les deux pays voisins au moment de la guerre des sables de 1963. De Gaulle lui a dit : «Ce sont des histoires arabes. Il faut qu’ils se chamaillent.» A la question de savoir si la France devait observer une position neutre dans le conflit entre l’Algérie et le Maroc posée par Peyrefitte, le général de Gaulle eut cette réponse décapante : «Il ne faut rien proclamer du tout. Nous aidons les Marocains, en leur fournissant des armes. Nous aidons les Algériens en mettant à leur disposition notre aérodrome de Colomb-Béchar. Nous les aidons à s’entretuer. Pourtant, il faut faire comme si nous étions neutres !» 

Ces révélations confirment bien que la France est à l’origine des manœuvres de destruction du projet d’unité maghrébine par l’alimentation des foyers de tension dans la région, suite au projet d’unité maghrébine initié à la conférence de Tanger du 27 avril 1958, par les principaux partis nationalistes des trois pays du Maghreb. 

Sans entrer dans le détail de l’histoire millénaire de l’Algérie pour la comparer avec celle de la France, il suffit de leur rappeler que lorsque Jugurtha s’adressait aux sénateurs à Rome, le Gaulois Vercingétorix n’était pas encore né. 

Il suffit de rappeler la liste des rois berbères qui ont précédé ou succédé à Jugurtha, avant l’existence de la France, ou d’évoquer le Berbère Almohade Abdelmoumen, personnage charismatique et unificateur, originaire du massif des Trara (Algérie), figure-clé de l’histoire maghrébine et andalouse qui unifia au XIIe siècle le Maghreb de l’Atlantique à la Libye. Se joignant à la France dans son entreprise de déstabilisation du Grand Maghreb, les Etats-Unis saisirent l’opportunité que leur offrait l’imminence du départ de l’Espagne du Sahara occidental, pour créer un abcès de fixation entre l’Algérie et le Maroc. 

En effet, lorsqu’en novembre 1973, Hassan II a rencontré pour la première fois Henry Kissinger, ce dernier lui a déclaré qu’il fallait s’opposer à la création d’un Etat au Sahara occidental. Au mois d’août de l’année suivante et juste avant la destitution du président Richard Nixon, le même Kissinger rencontrait l’ancien Premier ministre marocain Ahmed Laraki à Paris pour lui confirmer que les Etats-Unis étaient opposés à l’indépendance du Sahara occidental et qu’ils étaient favorables à ce que le Maroc joue un rôle dominant dans la région pour contrebalancer celui de l’Algérie.   

Dans son livre intitulé L’histoire interdite du Sahara espagnol (La historia prohibida del Sahara Espagnol), Thomas Barbulo rapporte que l’opération d’occupation du Sahara Occidental, initialement baptisée «Marche blanche», a été montée par un cabinet d’études stratégiques à Londres avec la collaboration de conseillers américains et le financement de l’Arabie Saoudite. 

2- Pour le suivi de cette opération, Hassan II avait délégué son secrétaire à la Défense, le colonel Mohamed Achahbar (devenu par la suite général de division et décédé le 28 décembre 2014). C’est par un télégramme envoyé par l’ambassade des Etats-Unis de Beyrouth à Rabat que le secrétaire d’Etat Henry Kissinger a finalisé la décision des Etats-Unis  d’autoriser l’occupation du Sahara occidental par le Maroc. Le texte de ce télégramme était ainsi conçu : «Laissa pourra parfaitement se dérouler dans les deux mois. Les USA l’aidera en tout.» «Laissa» était le nom de code de la Marche blanche que Hassan II lancera deux mois plus tard, sous le nom de «Marche verte». 

Pour acheter la complicité et le silence de la nouvelle monarchie parlementaire qui a succédé au régime de Franco, le prince d’Arabie Saoudite Fahd bin Abdelaziz al-Saoud fit un don de 100 millions de dollars à Juan Carlos Ier, sur instruction des Etats-Unis. Ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis utiliseront les pétrodollars saoudiens pour servir leurs intérêts géostratégiques.


Pour mener à bien son plan d’annexion du Sahara occidental, Hassan II avait deux alliés principaux : les Etats-Unis et l’Arabie saoudite. Les premiers ont fourni le soutien géopolitique, la seconde l’argent. L’aide apportée par les Etats-Unis à Hassan II pour l’annexion du Sahara occidental avait pour objectif de stabiliser la monarchie alaouite en occupant le peuple marocain, les militaires et politiques. Pour bien comprendre ce souci de stabilisation de la monarchie, il est utile de rappeler que le Maroc venait d’être secoué par deux tentatives de coup d’Etat de Skhirat le 10 juillet 1971 et du 16 août 1972. C’est dire si le trône vacillait. L’annexion du Sahara Occidental instrumentalisée et décidée par les Etats-Unis ne fut pas vue d’un bon œil par la droite espagnole qui s’opposait à l’abandon de cette colonie au royaume du Maroc. 


L’un des plus farouches opposants à cette livraison décidée par les Etats-Unis était l’amiral Luis Carrero Blanco, qui était le Premier ministre de Franco. Dans son livre «Voyage vers l’abandon», Eduardo Soto révèle que les Etats-Unis considéraient Carrero Blanco comme un obstacle à leurs intérêts dans cette affaire et dans d’autres. Les archives déclassifiées de la CIA révèlent l’existence d’un télégramme confidentiel n°700 datant de janvier 1971 adressé au secrétaire d’Etat américain par l’ambassade américaine à Madrid. 


Ce télégramme est on ne peut plus clair : «La disparition de Carrero Blanco serait ce qui peut arriver de mieux.»  La rencontre qui eut lieu à Madrid le 19 décembre 1973 entre Kissinger et Luis Carrero Blanco était en fait la dernière chance qui lui était accordée pour renoncer à son opposition de livrer le Sahara occidental au Maroc. Le feu vert fut donc donné par Henry Kissinger à la CIA pour son assassinat.

Le lendemain, le 20 décembre 1973, l’amiral était éliminé dans un attentat exécuté par la CIA, sous la fausse bannière de l’ETA. Cette «Opération Ogro» eut lieu tout près de l’ambassade américaine par laquelle passait régulièrement l’amiral. Une charge d’environ 70 kilos d’explosif C4, fabriqué aux Etats-Unis pour l’usage exclusif de leurs forces armées, mit fin à la carrière et à la vie de Luis Carrero Blanco. La Dodge Dart GT 3700 s’envola littéralement par-dessus le toit de la maison jésuite pour retomber dans son jardin intérieur. Le véhicule ne fut pas désintégré. Il resta d’un seul tenant et se trouve conservé au Musée de l’armée à l’Alcazar de Tolède. 


Fernando Herrero Tejedor, procureur général du Tribunal suprême, fit ouvrir une enquête, mais en a été vite écarté par le nouveau Premier ministre Arias Navarro, successeur de Carrero Blanco. Ce procureur général qui en savait trop fut nommé ministre pour être à son tour victime peu après dans un accident, qui vit sa voiture écrasée par un camion de la même manière dont fut éliminé, par Hassan II, le général Ahmed Dlimi, général de division, maquillé en accident de voiture avec un camion, dans une palmeraie près de Marrakech en janvier 1983 juste après avoir rencontré Hassan II dans son palais.


3- Le général Dlimi faisait partie des officiers indépendants qui avaient l’intention de renverser la monarchie, afin de mettre un terme à la corruption du régime. Ces officiers visaient à créer une République démocratique du Maroc et à négocier avec le Front Polisario. En janvier 2017, 12 millions de pages de la CIA ont été déclassifiées, dont 12 500 traitaient de l’Espagne. Dans beaucoup d’entre elles, le nom de Juan Carlos 1er se distingue. Selon les informations révélées par la CIA, le roi est devenu l’un des informateurs les plus précieux des Etats-Unis, fournissant des informations confidentielles à son contact à Madrid, l’ambassadeur américain Wells Stabler.

C’est donc le secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger qui organisa et donna le feu vert de la mise en œuvre de la Marche verte sous la direction du roi Hassan II du Maroc, le 6 novembre pour la prise de possession du Sahara occidental, avec la complicité du gouvernement espagnol et celui de Juan Carlos après l’élimination de l’amiral Luis Carrero Blanco. Le 14 novembre, le territoire du Sahara occidental était partagé entre le Maroc et la Mauritanie. Après le désistement de la Mauritanie de ce cadeau empoisonné, Hassan II proposa à l’Algérie le partage de ce territoire, mais cette offre fut refusée permettant ainsi au royaume marocain d’occuper près de 80% de cette ex-colonie espagnole.


L’humanité a connu, à travers le temps, les passages éphémères des empires et des idéologies. L’histoire des Etats et des sociétés n’évolue pas en ligne droite, mais emprunte des chemins sinueux et parsemés d’embûches. Ce qui est accaparé ou imposé par la force ne résiste pas à l’épreuve du temps. Les vicissitudes de l’histoire nous enseignent que le monde est en constante évolution et que rien n’est jamais acquis. 
 

Par Khelifa Mahieddine , Avocat      
 

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