Risques liés aux réseaux sociaux : Les enfants vulnérables

22/10/2024 mis à jour: 16:10
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Près de 80% d’enfants dans 25 pays ont affirmé se sentir en danger d’abus ou d’exploitation sexuels en ligne.

Les jeunes sont le moteur de la connectivité dans le monde, avec 79% des 15-24 ans connectés en 2023, contre 65% pour le reste de la population mondiale. Une tranche d’âge en dessous, ce rythme s’accélère. En effet, les enfants (scolarisés ou non) passent plus de temps en ligne que jamais auparavant. Et ils y arrivent plus tôt. Partout dans le monde, un enfant se connecte pour la première fois toutes les demi-secondes, selon un rapport des Nations unies (2023) sur les risques liés aux réseaux sociaux.

En Algérie, le phénomène de la connectivité excessive, voire de l’hyper-connectivité, inquiète parents et acteurs du mouvement associatif. Si l’accès aux réseaux sociaux représente des opportunités sans précédent pour les enfants de communiquer, d’apprendre, de socialiser et de jouer, cela les expose aussi à de nouvelles sources de vulnérabilité et pose toutefois de sérieux risques. «L’intimidation en ligne et les autres formes de violences numériques peuvent affecter les enfants chaque fois qu’ils se connectent sur les réseaux sociaux ou des plateformes de messagerie instantanée», indique le rapport onusien.

En surfant sur internet, les enfants peuvent se trouver exposés aux discours de haine et à des contenus violents. Les abus et l’exploitation sexuels en ligne restent la menace la plus alarmante. Il n’a jamais été aussi facile pour les agresseurs sexuels d’enfants de contacter leurs victimes potentielles, de partager des images et d’encourager d’autres personnes à commettre des abus, lit-on dans le même rapport. Il est utile de préciser que chaque premier jeudi du mois de novembre, l’Unesco célèbre la Journée internationale contre la violence et le harcèlement en milieu scolaire, y compris le cyberharcèlement.

Et pour cause, près de 80% d’enfants dans 25 pays ont affirmé se sentir en danger d’abus ou d’exploitation sexuels en ligne. Les enfants peuvent aussi être mis dans des situations de risque quand les entreprises technologiques violent leur vie privée pour collecter des données à des fins de marketing. Ils peuvent être également exposés par leurs propres parents qui les encouragent à s’afficher sur les réseaux sociaux.

Dommages psychologiques

Dans une enquête publiée en 2023, le quotidien arabophone Echorouk a rapporté que de plus en plus de parents en Algérie, attirés par les gains et la célébrité, poussent leurs enfants à «produire» des contenus sur les réseaux sociaux, principalement TikTok et YouTube. «De nombreux noms d’enfants, dont certains n'ont pas plus de 8 ans, sont devenus célèbres récemment sur TikTok et YouTube», avait écrit ce média, expliquant que «leur exploitation par leurs familles s’est aggravée, en faisant rire les autres, ou en les éblouissant avec des paroles et certains comportements, ou certains talents».

Sollicité par Echorouk, le président du Réseau algérien pour la défense des droits de l’enfant, Abderrahmane Arrar, avait estimé qu’il était «urgent d’alerter sur le comportement de certains parents qui mettent en danger leurs enfants face aux risques des réseaux sociaux». «La loi algérienne interdit ce genre de comportements et les inscrit dans la case de l’exploitation des mineurs et leur incitation à la débauche, selon les articles 342 à 358 du code pénal», a expliqué, pour sa part, l’avocat Lakhlef Cherif.

De son côté, le professeur Abdelhalim Madi, spécialiste en psychologie de l’éducation, avait fait remarquer que le fait de rendre visibles les enfants sur TikTok «fait de ces mineurs des personnalités futures anormales». Ils «peuvent regretter, après avoir atteint l’âge de la majorité», d’avoir été utilisés pour appâter de nombreux followers.

A Oran, en 2022, lors d’une journée de sensibilisation sur «Les enfants et les réseaux sociaux», nombre de participants ont souligné la nécessité d’une surveillance parentale des contenus consultés par les enfants sur les réseaux sociaux. Le Dr Ladjdari Nadjat, chercheuse permanente au Centre de recherche en anthropologie culturelle et sociale (Crasc) d’Oran et spécialiste des sciences de l’information et de la communication, avait justement mis en exergue l’importance d’«un contrôle par les parents du contenu de ces pages, notamment les sites immoraux ou de jeux incitant à la violence et à la haine».

L’intervenante avait appelé les parents à limiter les heures de navigation des enfants sur internet et à leur interdire de rester longtemps devant les écrans en raison des dommages psychologiques, mentaux et physiques qu’ils peuvent subir, tels que les maux de tête, les courbatures, le repli sur soi, l’isolement.

Elle a mis l’accent sur l’importance d’organiser des campagnes de sensibilisation et de prise de conscience dans les établissements scolaires des trois cycles, en coordination avec les associations de parents d’élèves et des médias sur les dangers et les méfaits de sites de réseaux sociaux.

L’éducation aux médias, classiques et nouveaux, demeure marginale en Algérie, alors que les organismes dépendant des Nations unies insistent sur cette démarche pour préparer l’enfant à affronter des défis de plus en plus complexes, induits par le développement phénoménal des technologies de l’information.

A défaut d’initier les enfants au fonctionnement des médias, à l’univers des TIC, l’on constate, au travers des bilans établis par les services de sécurité, l’ampleur que prennent les actes de cybercriminalité parmi cette frange de la société.

A titre illustratif, le Service central de la lutte contre la cybercriminalité de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) a, en 2022, traité 4720 affaires liées à ce phénomène. En tête, les crimes d’atteinte aux personnes avec 2046 affaires traitées, dont 65 affaires ayant pour victimes des enfants et 52 autres impliquant des inculpés mineurs. Le nombre de victimes serait beaucoup plus important, si le dépôt de plainte est systématique dans ce genre d’affaires, selon la DGSN. 


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