Ressources hydriques dans la wilaya de Constantine : Le dessèchement des plans d’eau devient inquiétant

23/03/2023 mis à jour: 03:20
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Ce véritable déséquilibre écologique provoque le dépérissement des espèces végétales

Les différents changements climatiques et les pollutions de l’environnement ne cessent d’accroître la pression sur les masses d’eau dans le monde. L’Algérie n’est pas épargnée. L’évidence est incontestable, nécessitant une politique efficace pour faire face à ce phénomène. 

C’était la conclusion d’une rencontre entre scientifiques organisée, hier matin, à la maison de la culture Malek Haddad de Constantine en marge de la célébration de la Journée mondiale de l’eau. Les intervenants ont tiré la sonnette d’alarme, appelant à mettre en œuvre des solutions immédiates. 

Dans son exposé, Belkacem Bouzid, conseiller scientifique de l’association constantinoise de protection de la nature et de l’environnement (APNE) a avisé sur un dessèchement inquiétant des lacs et des ressources en eau. Photos à  l’appui, il cite l’exemple du dessèchement de la retenue collinaire située dans la commune de Benbadis depuis avril 2022. 

Ce petit lac, d’une surface de 60 ha et un volume de 1,8 million de mètres cubes, était un lieu de rassemblement des oiseaux migrateurs et son eau était utilisée à des fins agricoles. On citera également le barrage de Berla, dans la commune de Aïn Smara d’un volume de 3 millions de mètres cubes qui se trouve complètement desséché. Même les lacs de la réserve biologique de Djebel El Ouahch, située au nord de la ville de Constantine, se dessèchent graduellement. 

Selon M. Benbouzid, ce véritable déséquilibre écologique provoque systématiquement le dépérissement des espèces végétales, comme à titre d’exemple le pin maritime (Pinus Pinaster), le genévrier cade (Juniperus Oxycedrus) et le chêne afarès (Quercus Afares) dans la région de Constantine. «L’État algérien a mis en place un plan national climat 2020-2030 portant sur 155 projets pour la réduction des émissions du gaz à effet de serre estimées à 0,39%», a-t-il déclaré à propos des efforts déployés, soulignant qu’un hectare de forêt consommerait 22 tonnes de CO2/an. 

C’est pourquoi, selon ses dires, il est nécessaire de suivre l’exemple d’autres pays dans ce sens, à l’instar de la Chine qui a créé la ville forêt, le Japon, qui a réalisé la station de recharge à l’hydrogène, et la construction des nouvelles tours résidentielles à Milan, en Italie avec des balcons ornés en verdure. Pour l’Inde, ajoute-t-il, elle a lancé le 14 juillet 2019 son premier train solaire. 

Exprimant le même avis scientifique, Belkacem Bitat, vice-doyen de la faculté des sciences de la terre, de la géographie et de l’aménagement du territoire de l’université Constantine 1, estime qu’il faut surmonter la crise de l’eau en urgence. Plusieurs éléments, argumente M. Bitat, ont provoqué cette crise en Algérie, dont 80% de son territoire sont dominés par un climat semi-aride et aride. 

En réponse à une question d’El Watan, il citera : «L’importante croissance démographique, où avant l’indépendance, l’Algérie avait une vocation rurale. Pendant 50 ans, le pays a connu une mutation très remarquable, devenant majoritairement urbanisé. Une urbanisation qui a créé un problème d’alimentation en eau, à l’instar de la wilaya de Constantine avec la création de ses nouvelles villes. D’ici 2025, on atteindra 85 % de population urbaine en Algérie.» 

Revoir la gestion de l’eau

Notre interlocuteur pointe de doigt aussi la politique de gestion de l’eau, la qualifiant d’inefficace avec un prix de 6 DA pour le mètre cube d’eau stagné depuis 2005. Ce prix a favorisé le gaspillage par la population, qui pense toujours que l’eau est un don du ciel. Ce prix, persiste-t-il, doit inévitablement être revu à une augmentation étudiée et raisonnable pour ne pas pénaliser la population vulnérable. «Il faut faire la distinction entre l’eau en tant que produit et l’eau en tant que service. 

L’Etat assure le service sans récolter le prix du revient du produit», a-t-il regretté, appelant à l’amélioration du système de traitement de l’eau. Les normes, selon ses explications, exigent une station d’épuration pour 100 000 habitants et on peut aller jusqu’à 50 000 habitants. 

D’ailleurs, un représentant de la direction des ressources en eau a indiqué que l’avenir réside dans la récupération des eaux usées. «Les eaux usées représentent environ 75% du volume consommé. Comment les récupérer pour l’irrigation et autres industries», a avancé M. Bitat. Et de proposer de faire connecter les barrages pour créer un équilibre et surtout activer le rôle de la police de l’eau, qui existe dans les textes et les lois, mais demeure absente sur terrain. 

Parmi les autres solutions à proposer, il soulève l’utilisation des techniques et des équipements hydrauliques économes et se conformer au règlement en vigueur, surtout la loi 05-12 qui est globale offrant des solutions à de nombreux problèmes de l’eau en  Algérie. «Imposer une gestion rigoureuse de l’eau et une gestion communautaire avec l’implication de tout le monde. C’est nécessaire», a conclu Belkacem Bitat. 

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