Repère - L’hystérie anti-immigration en France

03/10/2024 mis à jour: 23:45
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Pour s’attirer les bonnes grâces de l’extrême droite et de la droite dure, sorties renforcées des dernières élections législatives, le président français, Emmanuel Macron, a sacrifié le dossier immigration. Il l’a jeté en pâture au nouveau gouvernement conduit par Michel Barnier, appuyé par un ministre de l’Intérieur foncièrement raciste, Bruno Retailleau. Celui-ci est connu pour être un partisan d’une grande fermeté en matière de délivrance des visas et leur utilisation comme moyen de pression sur les capitales du sud de l’Europe, plus particulièrement du Maghreb, au prétexte qu’elles refusent de reprendre leurs ressortissants expulsés.

Bruno Retailleau envisage pour l’Algérie de réduire le nombre de visas accordés actuellement, y compris les visas diplomatiques, qui ont déjà subi de larges coupes, passant de 400 000 en 2017 à 340 000, puis 274 000 en 2020. Le ministre de l’Intérieur surfe donc sur les vagues de colère nées après quelques faits divers d'assassinats de Français par des étrangers, en dépit du fait que ces crimes sont en nombre extrêmement réduit par rapport aux millions d’immigrés présents en France. Ces fais divers sont particulièrement instrumentalisés par les courants politiques et médiatiques d’extrême droite et de droite.

Dès son installation, Michel Barnier avait donné le ton en admonestant son ministre de l’Economie, qui avait annoncé qu’il ne discuterait pas avec le Front national sur les questions liées aux finances publiques. Un clin d’œil à Marine Le Pen et Bruno Retailleau. Ce dernier s’est particulièrement braqué sur la question de l’abrogation de l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration, déjà mise en avant par d’autres responsables, dont le président du Sénat, Bernard Larcher, et l’ex-Premier ministre, Bernard Philippe. Bruno Retailleau avait lui-même proposé une résolution pour le révoquer au Sénat en 2023.

Leur bras médiatique en France est sans conteste Xavier Driancourt, ancien ambassadeur français à Alger, qui multiplie les propos sur l’Algérie en utilisant des expressions indignes d’un ambassadeur, dont la plus choquante est que «45 millions d’Algériens veulent quitter leur pays pour venir vivre en France». Il est invité sur tous les plateaux télé pour «crédibiliser», de par son ancienne fonction d’ambassadeur à Alger, l’hystérie anti-algérienne. Mais, retour de bâton, cet ex- ambassadeur donneur de leçons s’est révélé être un corrompu notoire.

Il vient d’être impliqué dans la cession d’un terrain sur les hauteurs d' Alger à haute valeur financière, appartenant à l’Etat français au profit d’un des plus importants oligarques du régime Bouteflika. La transaction frauduleuse a engendré un manque à gagner aux Trésors publics algérien et français. Comment Xavier Driancourt a fixé à seulement 500 millions de dinars le prix d’un terrain de 10 517 m2 situé dans un quartier huppé d’Alger, bien en deçà de sa valeur réelle. Dans cette transaction, une partie importante des fonds que ce bien a générés aurait été versée de l’autre côté de la frontière.

Au demeurant, en France, le hasard est à exclure dans les attaques en règle contre les Accords algéro-français de 1968. Ce n’est qu’un prétexte pour nuire à l’Algérie. L’accord est intervenu après la dépossession par la France du peuple algérien durant 132 années d’une impitoyable colonisation et une guerre atroce de sept années. Ce n’est que justice que la France accorde diverses facilités aux Algériens immigrés et les données les plus fiables attestent de leur parfaite intégration sur le sol français, grâce justement à la pertinence de ces accords.

Ce qui explique que depuis plus d’un demi-siècle, ils ont été préservés par tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête de la France. Et fondamentalement, il est prouvé, même à droite, qu’il y a un apport positif de la présence de millions d'Algériens au sein de la société française et dans son économie. En réalité, ce à quoi on assiste aujourd’hui n’est que la résurgence du vieux discours de haine et d’exclusion anti-algérien arrimé à la nostalgie coloniale qui gangrène le tissu social et politique français.

Elle s’exacerbe lors des grandes batailles autour du pouvoir politique, comme c’est le cas aujourd’hui. Elle est amplifiée par la montée de l’extrême droite et de la droite dure dans la perspective de la présidentielle de 2027. La seule formation politique qui garde la tête froide sur la question de l’immigration est le Nouveau Front populaire avec une conception plus juste, plus rationnelle et plus humaine.

Considérablement affaibli, Emmanuel Macron ne donne pas raison à la gauche, lui barre la route, fait les yeux doux à l’extrême droite et la droite et sacrifie sa politique de «rapprochement» avec l’Algérie, déjà lourdement hypothéquée par sa reconnaissance de la politique de colonisation marocaine au Sahara occidental.
 

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