Repère : Les exigences du débat interactif

04/12/2023 mis à jour: 07:42
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AL24 news, la dernière née des chaînes de télévision venue enrichir le champ audiovisuel national, a tenté de sortir un peu de la morosité qui s'est emparée des médias dits lourds en lançant depuis peu une émission hebdomadaire grand public intitulée «La Grande Emission» dans laquelle sont inclus les sujets et divers thèmes qui font l'actualité, notamment ceux liés à la politique ou aux événements d'ordre social ou économique.

La particularité de cette émission est de réintroduire sur les plateaux télé un vrai débat interactif avec la présence de communicateurs aguerris à ce genre d'exercice, d'experts ou de spécialistes des questions posées sur la table, et de journalistes bien sûr qui viendront échanger leurs arguments et points de vue autour d'une (ou d'un) animatrice qui aura la sensible tâche de modérer les discussions.

Cette nouvelle chaîne publique, qui a pour vocation de s'adresser davantage à une opinion internationale en privilégiant notre communauté vivant à l'étranger, n'a en fait rien inventé en prenant une telle initiative.

Elle tente juste de combler le grand vide qui est venu, à ce propos, hanter les plateaux de l'ensemble des télévisions qu'elles soient publiques ou privées, frustrant les Algériens d'un genre télévisuel indispensable et très demandé sur lequel les grands médias audiovisuels internationaux ne badinent pas.

Au demeurant, ce sont les chaînes privées qui sont, à  ce titre, les plus mises à l'index pour avoir déserté «une grille médiatique» qui semblait bien partie, et sur laquelle elles avaient beaucoup investi dans le but évident de se singulariser par rapport aux chaînes étatiques où le débat public contradictoire reste le maillon le plus faible.

Ces chaînes, qui ont fleuri à la faveur d'une nouvelle loi venue enfin offrir une réelle ouverture au paysage audiovisuel, ont donc progressivement abandonné cette grille à forte résonance politique au profit du seul créneau porteur, sûrement parce que moins contraignant, celui du sport largement dominé d'ailleurs par le football.

Dès leur naissance, ces télés privées, qui avaient promis de se distinguer par rapport aux chaînes étatiques en libérant un peu plus la parole dans les interventions publiques, avaient, en effet, dans une large mesure, structuré leurs programmes autour des débats politiques qui devaient s'ouvrir à tous les courants et qui, surtout, ne devaient subir aucune censure.

Au lendemain de la chute de Bouteflika, il y a eu un foisonnement spectaculaire de ces «concertations politiques» où tout le monde avait quelque chose à dire, donnant ainsi aux plateaux de télévision un air de liberté jamais vue jusque-là. L'expression plurielle avait surmonté les tabous traditionnels, alors que le contexte politique était en pleine ébullition.

La langue de bois étant interdite, ou alors carrément prohibée parce que considérée comme marqueur décrédibilisant, on se lançait ainsi gaiement dans cette nouvelle brèche médiatique qui allait s'avérer très porteuse, comme le montrait  l'audience croissante qu'elle allait engendrer.

On se rappelle de ces débats enflammés qui allaient souvent dans tous les sens, mais qui avaient le mérite d'exister, et dans lesquels on découvrait, en tant que téléspectateurs, que nos élites politiques n'étaient pas aussi immatures qu'on voulait bien nous le faire croire, et que cela faisait du bien de savoir que les problèmes des Algériens, les problèmes politiques et de société pouvaient être discutés par des Algériens, échangés à travers des débats contradictoires, sans que cela nuise ni à la morale collective ni à la concordance nationale.

Pour une fois, l'utilité de ces chaînes privées était apparue comme un vecteur de communication en mesure de nous faire prendre la véritable température de la vie politique nationale à travers ses points positifs et négatifs. Cette frénésie médiatique dura quelque temps avant que l'on revienne petit à petit aux anciennes habitudes, aux programmes classiques favorisant l'expression à sens unique.

On ne sait si AL24 news voulait, par son émission citée plus haut, restaurer cette ambiance des plateaux «parlants»  et très  éclectiques que nous avons vécus il n'y a pas si longtemps, et que nous continuons, hélas, malgré nous, à suivre sur les télés étrangères, toujours est-il que le projet en lui-même ne peut qu'être bien accueilli en ces temps de disette où l'expression est juste limite, pour ne pas dire redondante.

Au demeurant, l'initiative relève peut-être d'un désir de sortir des sentiers battus pour redonner un peu de couleurs et une tonalité plus appropriées à la vie politico-médiatique qui reste très figée. Elle pourrait, dans cette perspective, servir de stimulateur pour inciter les médias audiovisuels étatiques et privés à réfléchir sur la meilleure manière de remettre en bonne place le débat télévisuel avec cette intention de le faire sortir des stéréotypes et de la redondance, alors qu'il devient un besoin de réflexion, de clarification et de connaissance pour les téléspectateurs.

Dans cette optique, AL24 news a vu un peu grand en faisant appel au chroniqueur franco-algérien de CNews, Karim Zeribi, pour donner d'emblée le tempo à une émission ayant la prétention de ratisser large, la hisser en somme vers un certain niveau pour pouvoir capter l'intérêt du public et durer.

Le  choix de ce journaliste expérimenté qui a de la personnalité, connu pour ne pas avoir sa langue dans la poche, n'est assurément pas fortuit, sauf qu'il a créé, malgré lui, un certain décalage professionnel entre un chroniqueur chevronné et le reste de l'équipe l'entourant.

Cela a pesé, malheureusement, sur l'émission, en ce sens que ces  journalistes, animateurs ou même invités ont visiblement du mal à évoluer sur la même partition. Karim Zeribi est rompu à ce type d'épreuve qui nécessite un background costaud, ces derniers non. Ce n'est pas tout à fait de leur faute. Ils manquent cruellement d'expérience et de pratique.

C'est cela qui nuit à l'émission et qui la rend peu entraînante : manque de rythme, de spontanéité. Il faut donc se ré-initier aux exigences et aux techniques professionnelles du débat interactif pour prétendre à la performance. Ça viendra sûrement avec le temps et le travail.

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