Renouveau : Le printemps du cinema algerien aura-t-il lieu ?

21/04/2024 mis à jour: 00:50
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Le printemps reporté, de Walid Bouchebah, avec Fodil Assoul, Mourad Oudjit et Rachid Benallal, qui a participé à de nombreux festivals internationaux ( photo : dr)

De l’eau, de la verdure, des rivières qui coulent et des arbres qui poussent mais des navets, pas relatifs au cinéma mais à ce légume blanc, qui vaut aujourd’hui 300 DA le kilo. Le printemps est beau et exceptionnel cette année, mais sera-t-il productif ? Les projets cinéma sont nombreux et ce n’est peut-être pas que du cinéma.  

 

Il fait beau et le soleil qui traverse les immeubles serrés semble vouloir donner de la légèreté aux images filmées de la Méditerranée. Sur une terrasse de Marseille, la ville européenne la plus algérienne, le réalisateur Karim Moussaoui a arrêté de fumer, ce qui est déjà ça. 

Mais il a finalisé son dernier film, L’Effacement, adapté du roman éponyme de Samir Toumi, sauf qu’il est un peu déçu, il n’aura pas été sélectionné à Cannes, le prestigieux festival qui se tiendra du 14 au 25 mai prochain. Mais ce n’est pas grave pour son film qu’il qualifie de risque créatif, il explique qu’«on sait faire du cinéma, mais il faut savoir aussi oser et casser les règles que l’on a apprises et appliquées». 

Il y a d’autres bonnes nouvelles, ce fait que des réalisateurs algériens se penchent de plus en plus sur les romans algériens contemporains pour les adapter au cinéma, signe que la boucle autoproductive est plus ou moins en marche, du mot à l’image et du texte à l’écran. Un nouveau souffle ? 

Peut-être, et il faut d’abord avoir du souffle, et même si cette année, aucun film algérien ne sera présent au Festival de Cannes, le CADC, Centre algérien de développement du cinéma, et le ministère de la Culture ont décidé de frapper un grand coup, prévoyant une grosse délégation pour le festival, avec des producteurs, comédiens et réalisateurs algériens qui seront en charge de proposer leurs films et de vendre la production nationale, ce qui change, il faut bien l’avouer, de la longue tradition qui veut que ce soient souvent des administratifs, et parfois uniquement eux, qui se rendent aux festivals, aux congrès, aux rendez-vous et aux évènements internationaux. 

Un festival sans films, comme un printemps sans fleurs ? Pourquoi pas, Zinedine Arkab, le directeur du CADC, est confiant : «Il y a eu une commission d’attribution de l’ex-Fdatic et des budgets, on y croit, il y aura bientôt une moisson de nouveaux films, sans compter ceux qui sont sortis et à qui on va donner de la visibilité.» Car non, il n’y a pas que Cannes dans la vie, des dizaines d’autres festivals tout aussi prestigieux attendent des films, et bien sûr les festivals algériens, même si le festival d’Oran n’a pas eu lieu, il y a toujours Annaba, Medghacen, Béjaïa, Alger diffusent des films algériens contemporains. 

Enfin, prémices d’un printemps, Ben M’hidi est enfin sorti, bien qu’on explique en cachette qu’il n’a pas été sélectionné à Cannes à cause de son contenu qui montre la violence de la colonisation et notamment la torture. Enfin, la longue série de court-métrages produits par la ministère des Moudjahidines et de la culture, a révélé de nouveaux talents, Oussama Benhassine ou Walid Bouchebah pour ne citer que ces deux jeunes réalisateurs, qui probablement auront une carrière à l’international. S’il n’y a pas de troisième guerre mondiale avant. 
 

Une carte à jouer dans un jeu très difficile

Oui, on l’a dit, nouvelle-venue dans le monde du cinéma, l’Arabie Saoudite a déjà une dizaine d’œuvres qui tournent sur Netflix et un film pour le Cannes 2024, Norah de Tewfik Alzaïdi, probablement en payant les membres du jury selon les mauvaises langues du cinéma. Mais il faut quand même le rappeler sans tomber dans la nostalgie, l’Algérie demeure à ce jour le seul pays arabe et africain détenteur d’un Oscar et d’un Golden Globes pour le film Z, produit par l’Algérie, un Lion d’or à Venise pour le film La Bataille d’Alger, une Palme d’or et le prix de la 1re œuvre à Cannes pour Chronique des années de braise et surtout cinq nominations aux Oscars dont trois pour les films de Rachid Bouchareb. On pourrait y ajouter le prix du jury à l’unanimité au Festival de Cannes 1969 pour Z, produit par l’Algérie, Vent des Aurès, toujours de Mohamed Lakhdar Hamina, qui a obtenu le Prix de la première œuvre au Festival de Cannes et celui du meilleur scénario, Les aventures d’un héros, de Merzak Allouache, Tanit d’or au Festival de Carthage en 1978, Les Enfants du vent de Brahim Tsaki, prix de la critique à Venise en 1981 et tous ces fims, Papicha de Mounia Meddour, La Place de Dahmane Ouzid, Aliénations de Malek Bensmaïl, Moissons d’acier de Ghaouti Bendeddouche, Le Charbonnier de Mohamed Bouamari entre autres ceux que l’on a oubliés et qui ont tous eu des prix à l’international.

 Bien sûr, la nouvelle loi sur le cinéma va poser un problème aux producteurs qui devront d’abord trouver des financements en contractant des emprunts auprès des banques sans être sûrs de pouvoir se renflouer sur les ventes, les salles de cinéma étant insuffisantes et le cahier de charges pour obliger les télévisions privées et publiques à acheter des films algériens, documentaires, courts ou longs, toujours inexistant. 

Mais c’est le printemps et l’optimisme est de rigueur, il a plu un peu partout, y compris dans le Sud, les barrages sont pleins, certains ont même débordé, et il y a encore de la neige sur quelques hauteurs, fait rarissme au mois d’avril. 

Un printemps extraordinaire que les spécialistes qualifient de cycle, de 6 ans selon eux comme pour les pluies de 2018 et 2012, le prochain étant prévu pour 2030.  Combien de films en 6 ans ? On le saura bientôt. Dans 6 ans.  Chawki Amari
 

 

 

 

Le palmier d’or 

 

Décerné cette semaine à Tewfik Farès, l’un des doyens du cinéma algérien et d’Afrique du Nord, qui sera à l’honneur pour le Festival méditerranéen du film d’Annaba. Scénariste, producteur et réalisateur, Les Hors-la-loi en 1969, une histoire de bandits d’honneur en Kabylie, il a commencé sa carrière dans les années 60 et travaillé sur les plus grands films, notamment sur le scénario de Chroniques des années de braises, Palme d’or 1975 à Cannes, de Mohamed Lakhdar Hamina, et récemment sur le film Home de Yann Arthus-Bertrand produit par Luc Besson où il a co-écrit les commentaires. Auteur aux multiples facettes, il a même publié un recueil de poèmes, Empreintes de silence aux Editions de l’Harmattan en 1987, réédité en 1997. 


 

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