Rencontre américano-russe en Arabie Saoudite : Premiers jalons pour des relations apaisées

19/02/2025 mis à jour: 12:22
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Réunion, hier, des représentants de la diplomatie américaine et russe à Riyad - Photo : D. R.

Les discussions constituent aussi les prémices d'un règlement du conflit en Ukraine, selon Washington et Moscou.

Sous le regard inquiet de Kiev et des Européens, les chefs de la diplomatie des Etats-Unis et de Russie se sont réunis hier à Riyad, en Arabie Saoudite. Il s’agit d’une première depuis l'intervention russe en Ukraine en 2022. 
Les deux délégations sont chargées de préparer un sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine. Côté américain, le secrétaire d'Etat, Marco Rubio, est accompagné du conseiller à la Sécurité nationale, Mike Waltz, et de l'envoyé spécial pour le Moyen-Orient, Steve Witkof.

La délégation russe est menée par le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, secondé par le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov. La Russie a exclu une participation européenne à des pourparlers, car selon S. Lavrov, le Vieux Continent veut la poursuite de la guerre. De son côté, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a affirmé hier sur X que l'Union européenne (UE) veut «faire équipe» avec les Etats-Unis pour une paix «juste et durable» en Ukraine, après une rencontre avec l'envoyé spécial du président américain, Keith Kellogg. Ce dernier est attendu à Varsovie, puis à Kiev cette semaine.

Washington et Moscou ont dit que Kiev participerait aux pourparlers au moment voulu, et le porte-parole du Kremlin a assuré hier que Vladimir Poutine est «si nécessaire (...) prêt à négocier avec Zelensky». Il a ajouté que le Kremlin ne s'oppose pas à une entrée de l'Ukraine dans l'UE, mais s'oppose à son adhésion à l'Otan, rapporte l’AFP.

A l’issue de sa rencontre avec son homologue russe, le secrétaire d'Etat américain, Marco Rubio, a déclaré que Washington cherche une fin «juste et durable» au conflit en Ukraine, ouvrant d'«extraordinaires possibilités» pour un partenariat russo-américain. Il a affirmé que toutes les parties concernées devront être présentes à la table des négociations sur l'Ukraine, y compris l'UE. «Il y a d'autres parties qui ont imposé des sanctions (à la Russie), l'Union européenne devra être à la table à un moment donné», car elle en a pris également, a-t-il dit à la presse.

La rencontre à Riyad est intervenue après l'appel téléphonique la semaine dernière entre Donald Trump et Vladimir Poutine. «Un appel téléphonique suivi d'une seule rencontre ne suffit pas à instaurer une paix durable. Nous devons agir, et aujourd'hui, nous avons effectué un important pas en avant», a indiqué le département d'Etat américain à l'issue de la rencontre.

Le chef de la diplomatie américaine s'est dit «convaincu» que la Russie voudra s'engager dans un «processus sérieux» pour mettre fin à la guerre en Ukraine. «Il doit s'agir d'une fin permanente à la guerre, pas une fin temporaire, comme on l'a vu par le passé. On sait, c'est juste la réalité des choses, qu'il devra y avoir une discussion sur les territoires et qu'il y aura une discussion sur les garanties de sécurité», a pour sa part déclaré à la presse le conseiller à la Sécurité nationale du président américain, Mike Waltz.

De son côté, Sergueï Lavrov a déclaré, lors d'une conférence de presse, être persuadé que les Etats-Unis ont commencé à «mieux comprendre» la position de Moscou, notamment sur l’Ukraine, jugeant leur conversation «utile». «Nous ne nous sommes pas contentés de nous écouter, nous nous sommes entendus», a-t-il poursuivi, ajoutant : «Nos intérêts nationaux ne coïncideront pas toujours, mais lorsqu'ils ne coïncident pas, il est très important de réguler ces divergences, de (...) ne pas provoquer d'affrontements militaires.»

Il a assuré avoir observé un «vif intérêt» lors de cette réunion russo-américaine pour «la levée des obstacles artificiels au développement d'une coopération économique mutuellement bénéfique», en référence aux sanctions adoptées par les Occidentaux à l'encontre de Moscou après l'intervention en Ukraine.

Il a dit avoir observé une «volonté entre grandes puissances» de «maintenir un dialogue professionnel normal et d'essayer de s'entendre». Parmi les sujets d'accord, Moscou et Washington ont décidé de «lever les obstacles» existants sur leurs missions diplomatiques respectives en Russie et aux Etats-Unis, qui ont été entravées ces dernières années par des expulsions croisées de diplomates, des saisies immobilières et des gels de comptes bancaires.

L’œil de l’Europe

Selon S. Lavrov, un «processus de règlement ukrainien» a aussi «été mis en place» et Moscou et Washington doivent désormais nommer leurs négociateurs dans ce dossier. Il a une nouvelle fois souligné que la Russie reste opposée au déploiement en Ukraine de troupes de pays membres de l'Otan même sous drapeaux nationaux ou de l'UE. «Nous avons expliqué aujourd'hui que le déploiement (en Ukraine) de troupes de forces armées des pays de l'Otan, mais sous un autre drapeau, sous le drapeau de l'Union européenne ou sous des drapeaux nationaux, ne change rien.

C'est bien sûr inacceptable», a-t-il soutenu. Selon le chef de la diplomatie russe les deux pays ont décidé de «créer les conditions» pour que «reprenne pleinement et s'étende à une variété de domaines la coopération» entre Moscou et Washington. Pour sa part, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui se trouvait le même jour en Turquie, a critiqué cette rencontre, la qualifiant de pourparlers sur l’Ukraine «sans l'Ukraine». Il a d'ailleurs annoncé le report de sa visite à Riyad prévue initialement pour aujourd’hui, assurant s'être mis d'accord avec les autorités saoudiennes afin de reporter ce voyage au 10 mars.

La rencontre entre les délégations américaine et russe relève d'un grand intérêt pour l’Europe. En effet, la veille, le président français, Emmanuel Macron, a convié à Paris des dirigeants de pays-clés européens pour tenter d'afficher une posture commune sur la sécurité européenne, à savoir les chefs de gouvernement de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Italie, de la Pologne, de l'Espagne, des Pays-Bas et du Danemark, ainsi que le président du Conseil européen, la présidente de la Commission européenne et le secrétaire général de l'Otan.

Il s'est également entretenu avec Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky. «Nous souhaitons une paix solide et durable en Ukraine. A cette fin la Russie doit cesser son agression et cela doit s'accompagner de garanties de sécurité fortes et crédibles pour les Ukrainiens», a-t-il écrit sur X après cette série de discussions.
Plusieurs pays membres ont exprimé notamment des réticences sur l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord de paix.

Selon la Première ministre italienne d'extrême droite, Giorgia Meloni, l'envoi de troupes est la solution «la plus complexe et la moins efficace» pour assurer la paix en Ukraine. Elle a également souligné l'importance d'impliquer les Etats-Unis dans toutes les discussions sur l'Ukraine et la sécurité européenne, affirmant que la réunion de lundi ne devait pas être une initiative «anti-Trump».

Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a, de son côté, exhorté l'Europe et les Etats-Unis à continuer d'«agir ensemble», tout en estimant qu'il est «hautement inapproprié» de débattre aujourd'hui de l'envoi de forces de maintien de la paix en Ukraine, tant que la guerre fait rage dans ce pays.

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, qui se rendra à Washington la semaine prochaine pour y rencontrer Donald Trump s'est dit prêt dimanche à envoyer des soldats en Ukraine si cela s'avérait nécessaire pour assurer la sécurité du Royaume-Uni et de l'Europe.

Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, un fort soutien de Kiev, a aussi fait savoir que la Pologne ne déploierait pas de soldats. Varsovie a jugé prudent de ne pas annoncer d'engagement. Le Premier ministre hongrois a fustigé «des dirigeants européens frustrés, pro-guerre et anti-Trump» qui «se réunissent pour empêcher un accord de paix». Plusieurs «réunions de suivi» sont prévues à la suite des discussions de Paris, a assuré une source européenne, sans autre précision.

 

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