L'humour, le comique, la dérision, genre cinéma qui fonctionne encore, surtout en Algérie. Après plusieurs essais, l'Algéro-Hollandais Hakim Traïdia va tourner un remake de l'inénarrable Inspecteur Tahar, entre la Hollande et l'Algérie, début du tournage en septembre. Retour sur ce phénomène de société.
D'abord les bonnes nouvelles, après Six pieds sur terre, le film de Karim Bensalah, qui vient d'arriver sur Netflix, et Algiers de Chakib Taleb Bendiab récompensé aux USA, le film d'animation Khamsa est enfin diffusé en salles en Algérie.
Tout cela est-il rentable ? Dans le milieu du cinéma on a coutume de dire que les seuls films rentables produits par l'Algérie sont ceux de l'Inspecteur Tahar, faisant référence aux queues devant les salles de cinéma d'alors pour avoir une place.
Sauf que La dernière reine a dégagé des bénéfices et tout porte à croire que Khamsa, qui passe du 23 août au 28 va être aussi rentable. La main invisible du marché fonctionne avec des prix, du buzz, de la qualité bien sûr et une part de surprise, Ben M'hidi, diffusé à la rentrée, pouvant lui aussi générer de bonnes recettes. Mais Hadj Abderrahmane et Yahia Benmabrouk morts, combien ce duo phénomène de société a-t-il tourné de films et où sont les remakes de ces films ultra-rentables ?
Pour les premiers, tous ne sont pas connus, citons L'inspecteur mène l'enquête (1967), La souris (1968), La poursuite infernale (1968), L'auberge du pendu (1971), l'évident Les vacances de l'inspecteur Tahar (1973), L'inspecteur Tahar marque le but (1977) et enfin Le chat (1978) en réponse à la souris comme Tom répond à Jerry. Mais à qui appartient le personnage de l'Inspecteur Tahar ?
C'est compliqué comme souvent, et avec les sketchs que Hadj Abderrahmane faisait à la télévision et au théâtre en tournée dans toute l'Algérie, avec le cinéaste Mustapha Tizraoui, premier à lui avoir donné un rôle dans un sketch TV où il devait jouer avec l'accent jijélien, ce qu'il n'avait jamais fait avant, comme il y a eu plusieurs réalisateurs, Moussa Haddad, Mustapha Badi, Kaddour Zakaria, Benamar Bakhti ou Abdelghani Mehdaoui et avec enfn Les vacances de l'inspecteur Tahar, le film qui l'a révélé et dont le scénario et les dialogues ont été écrits par Hadj Abderrahmane lui-même, on peut dire que le personnage lui appartient et les années Boumediène aussi, comme le résume un ancien cinéaste : «Un héros populaire est inspecteur de police comique dans un état policier sérieux.»
Il y a pourtant une sorte de malédiction, les remakes ont pour la plupart mal tourné, dont le projet avorté de Yahia Mouzahem en 2021, série écrite par Hakim Traïdia arrêtée faute de budget, et même si une mini-série cartoon est sortie en 2016 et un film marocain avec Souilah, la tâche semble difficile.
Sauf que Hakim Traïdia veut relever le défi, et avec lui-même dans le rôle de l'Inspecteur et Fodil Assoul dans celui de l'Apprenti, le tournage devrait démarrer le 2 septembre prochain avec un budget préliminaire de 3 milliards de l'ex-Fdatic pour une sortie en 2025. Quelques épisodes de la série initiale ont été transformés en long métrage avec le même fil rouge, le film sera tourné à 60% en Algérie, 40% en Hollande. Pour le reste, on leur souhaite bien du courage.
«C'est très bien Joseph qu'il est mort»
C'est un autre problème, même si Boumediène et l'Inspecteur Tahar sont morts, ce dernier assez jeune, à 41 ans, il est difficile aujourd'hui de présenter aujourd'hui un personnage de policier ainsi, moqueur, qui fait rire, policier qui joue avec les règles et la loi.
C'était l'époque et c'était surtout Hadj Abderrahmane Ben Mohamed, opérateur technique puis cameraman, vraiment d'origine jijélienne malgré tout ce qu'on a dit, de Taher plus exactement, d'où le nom de Tahar, ville où sont nés Ferhat Abbès et le peintre Mokrani, bien qu'une autre version explique que le nom de l'Inspecteur Tahar a été choisi par le réalisateur Moussa Haddad (L'inspecteur Tahar mène l'enquête, 1971) en hommage au pionnier Tahar Hannache, comédien, réalisateur et auteur notamment du Plongeur du désert, considérée comme étant la première fiction algérienne, tournée en 1952 à Tolga avec une équipe technique entièrement algérienne et Himoud Brahimi, alias Momo, dans le rôle principal.
D'ailleurs, Hadj Abderrahmane a lui-même réalisé un film en 1974, Chaabia, passé totalement inaperçu, mais c'est Les vacances de l'Inspecteur Tahar, 2e opus de la série (1973), qui l'a fait monter au firmament, allant passer des vacances en Tunisie (Tahar le visionnaire).
Mais là aussi il y a un problème, après avoir séduit une femme, Madame Watson, qui n'est pas la femme de l'apprenti de Sherlock Holmes, c'est la fameuse conclusion de l'Inspecteur, qui est dans un bar, «Aw c'est très bien Joseph qu'il est mort».
Ils sont nombreux, y compris les censeurs, à ne pas avoir compris cette réplique culte, éliminée depuis. Joseph, Sidna Youssef, était beau, d'une beauté inégalable selon les légendes. De fait, on ne peut rivaliser avec lui mais Tahar a réussi son coup. Ce qui ouvre vers une autre question, aujourd'hui que l'Inspecteur est mort, peut-on rivaliser avec lui ?