Règlement de la crise libyenne : Des locales en attendant les législatives

20/06/2024 mis à jour: 02:20
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Près de 106 conseils municipaux sont concernés par le renouvellement de leurs conseils en 2024, aussi bien à l’Ouest qu’à l’Est et au Sud libyens. Les inscriptions sont déjà en cours, annoncées entre le 9 et le 23 juin, dans 60 localités constituant le premier lot. 

Il y aura des scrutins dans 31 communautés de l’Ouest, 17 au Sud et 12 à l’Est. Les inscriptions n’ont atteint, le 18 juin, que 30 488, dont 5888 femmes. Des prolongations de dates sont prévues. L’inscription est une nouvelle condition instaurée aux élections locales, puisqu’il s’agit de prouver l’habitation dans le périmètre municipal où l’on veut se présenter ou élire. 

Le principe d’inscription se limite à envoyer un sms indiquant les coordonnées personnelles et la localité concernée par l’inscription. Le même bulletin de 2021 sert à identifier l’électeur. De nouvelles cartes seront attribuées aux nouveaux inscrits. Les cartes distribuées en 2021 sont toujours valables. L’instance indépendante des élections avait alors procédé à l’inscription de 2,83 millions d’électeurs pour le scrutin annoncé au 24 décembre 2021 et avait distribué autant de cartes. Les élections n’avaient pas finalement eu lieu en 2021. Cette fois, la volonté politique existe pour tenir ces élections locales.

Les belligérants libyens des trois grandes régions du pays, Ouest, Est et Sud, sont favorables à la tenue de ces scrutins. «L’obstacle de l’obédience sécuritaire n’existe pas pour ces élections locales puisque l’armée ou la milice, protégeant les urnes, appartient au même clan que les candidats, ce qui constitue une garantie de succès du scrutin», explique le politologue Ezzeddine Aguil. Par ailleurs, l’envoyé spécial des Etats-Unis en Libye, Richard Norland, a posté ses félicitations pour le peuple libyen sur le site de l’ambassade, en déclarant le 11 juin 2024 que «c’est une opportunité pour démontrer l’intégrité de la structure électorale en Libye». 

Les Américains souhaitent un retour aux urnes pour donner un quelconque signal d’une expression élue. «Toute élection, aussi symbolique soit-elle, renvoie une idée sur les avis des électeurs», pense le politologue Ezzeddine Aguil, qui s’interroge sur l’impact de l’inscription exigée par l’instance indépendante des élections, sur le taux de participation. «Le taux d’inscription demeure encore très faible, puisqu’il n’a pas encore atteint 2% des inscrits de 2021 et la période de l’Aïd n’encourage pas à l’inscription», souligne-t-il. 


Enjeux multiples

Entre-temps, Stéphanie Khoury, l’envoyé intérimaire du secrétaire général de l’ONU, a été appelé à faire hier sa première présentation devant le Conseil de sécurité. Khoury a pris l’intérim de Abdoulaye Bathily, démissionnaire depuis le 16 avril dernier. Elle a déjà entamé ses entretiens avec tous les belligérants libyens et donné le ton d’une percée américaine, tentant d’avancer sur la voie des élections en attendant la nomination d’un nouvel envoyé spécial de l’ONU, ce qui pourrait prendre plusieurs mois, voire même une année. 

Sentant le départ de Bathily, le cherchant même selon certaines sources, les Américains avaient préparé leur coup depuis mars dernier en poussant le secrétaire général de l’ONU à nommer Stéphanie Khoury comme adjointe de l’envoyé spécial en Libye, chargée des affaires politiques. Elle devient ainsi la responsable de la mission onusienne en Libye, après la démission de Bathily. Khoury est directement entrée en action avec une approche essayant d’apaiser les craintes du clan de Haftar et l’attirer vers des élections générales en Libye. 

Les échos en provenance de la mission de l’ONU indiquent que Khoury serait favorable à l’idée d’un gouvernement de technocrates pour chapeauter les élections générales en Libye. Les Américains l’ont mis à la tête de la mission onusienne en Libye pour accélérer ce processus autant que possible afin de freiner le rapprochement de l’Est avec les Russes et leurs manœuvres en Afrique subsaharienne. Pour sa part, le chargé d’affaires américain en Libye, Gérémy Brendt, a insisté, lors de l’annonce de son programme d’action devant le Congrès, il y a quelques semaines, que le principal objectif des Américains, c’est de contrer l’influence sino-russe dans la région.

 Les Américains redoublent leurs efforts pour freiner l’avancée des Russes dans l’Est libyen, d’où leurs tentatives de récupérer le camp Haftar, en lâchant le gouvernement Dbeiba et accepter l’idée d’un gouvernement de technocrates pour chapeauter les élections. Mais « les Américains oublient que ce n’est pas l’unique handicap face aux élections, faute de forces sécuritaires et militaires unifiées pour contrôler les élections et éviter la contestation des résultats», selon le juge Jamel Bennour. «L’unification des sécuritaires et des militaires représente le principal handicap face aux élections en Libye», conclut M. Bennour. 
 

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami
 

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