Le fossé se creuse davantage entre les pays industrialisés et ceux en développement dans un environnement mondial marqué par une croissance faible, un endettement élevé et une faiblesse de l’investissement et du commerce. C’est du moins ce qui ressort du nouveau rapport de l’ONU commerce et développement (ex- Cnuced) sur le commerce et le développement dans le monde en 2024.
Invitant à repenser fondamentalement les stratégies de développement mondial, le rapport souligne l’émergence d’une nouvelle normalité de croissance économique mondiale faible, avec des taux projetés de seulement 2,7% pour 2024 et 2025, en baisse par rapport à une moyenne annuelle de 3% entre 2001 et 2019. «Il s’agit d’un contraste saisissant avec la croissance moyenne de 4,4% observée dans les années précédant la crise financière mondiale», a indiqué le rapport, pour qui le ralentissement est «plus marqué» pour les économies en développement.
En effet, et alors qu’elles ont connu une croissance impressionnante de 6,6% entre 2003 et 2013, leur croissance moyenne est tombée à seulement 4,1% entre 2014 et 2024. Dans le même temps, les pays en développement ont vu le poids de leur dette gonfler de 70% entre 2010 et 2023.
Par ailleurs, le rapport de l’ONU commerce et développement a souligné comment l’inflation post-pandémie, due aux perturbations sur les chaînes d’approvisionnement et à la concentration du pouvoir de marché dans des secteurs clés tels que l’agriculture et l’énergie, a érodé le pouvoir d’achat dans les pays en développement.
Les revenus des ménages ont chuté de 8% depuis 2020 en raison de l’inflation, ce qui a entraîné un mécontentement social généralisé à travers le monde, a-t-on fait savoir. L’ex-Cnuced a tenu à mettre en garde contre le fait de compter uniquement sur le resserrement monétaire pour lutter contre l’inflation, appelant plutôt à une combinaison de politiques incluant des stratégies fiscales et réglementaires.
Financiarisation et volatilité des marchés des matières premières
Par ailleurs, le rapport a mis en évidence des changements significatifs dans la structure du commerce mondial, laquelle structure où les marchandises représentent toujours plus de 75% du commerce total, tandis que le commerce des services a connu une croissance rapide, augmentant de 5% en termes réels depuis 2023.
Les services représentent désormais 25% des flux commerciaux mondiaux bruts, «ce qui offre un nouveau potentiel de croissance aux pays en développement», estime cette organisation internationale. Toutefois, malgré cette croissance, les pays en développement représentent toujours moins de 30% des recettes d’exportation des services, ce qui met en évidence le fossé persistant entre le Nord et le Sud, a-t-on tenu à préciser. Et de citer comme exemple le secteur en pleine expansion des services créatifs, évalué à 1400 milliards de dollars en 2022, dominé par les pays développés avec 80% des exportations, alors qu’ils représentent moins de 60% de l’économie mondiale.
Autre suggestion, le rapport a mis l’accent sur le commerce Sud-Sud, c’est-à-dire le commerce entre pays en développement, lequel a plus que doublé entre 2007 et 2023, passant de 2300 milliards de dollars en 2007 à 5600 milliards de dollars en 2023, offrant aux pays en développement la possibilité de réduire leur dépendance à l’égard de leurs partenaires commerciaux traditionnels et de renforcer l’intégration économique régionale.
De même que la transition «verte» offre également de nouvelles possibilités de croissance, notamment grâce à l’augmentation de la demande en minéraux et matières premières essentiels, qui se trouvent principalement en Afrique et en Amérique latine et qui sont indispensables pour assurer la transition vers les véhicules électriques, les énergies renouvelables et l’économie numérique.
Enfin, le rapport a mis en garde contre les risques posés par la financiarisation des marchés mondiaux de produits de base. Les économies dépendantes des produits de base sont d’autant plus vulnérables que les prix restent supérieurs de 20% aux niveaux d’avant la pandémie, ce qui exacerbe les effets des chocs extérieurs, a-t-on alerté.
L’ex-Cnuced a insisté sur la nécessité de mettre en place des stratégies de diversification et des politiques fiscales dans ces économies afin de garantir la résilience et les sources de financement à long terme. «De nouvelles voies de développement axées sur la diversification économique, la résilience et la croissance inclusive, en s’éloignant des seuls modèles d’exportation traditionnels axés sur l’industrie manufacturière, doivent être suivies», ont recommandé les rédacteurs du rapport. Et de conclure par l’urgence des réformes de la gouvernance mondiale dans l’ensemble de l’architecture mondiale de la dette, des finances et du commerce.