Quels scénarios de riposte après la série d’assassinats israéliens ? : Le Moyen-Orient sur une poudrière

03/08/2024 mis à jour: 05:25
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Dans la nuit de mardi à mercredi, le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, est assassiné dans une maison d’hôte à Téhéran. L’armée israélienne vient d’annoncer, en outre, avoir éliminé le chef militaire des Brigades Ezzeddine Al Qassam, Mohammad Al Daïf.

Le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, assassiné le 31 juillet à Téhéran où il assistait à l’investiture du nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian, a été inhumé ce vendredi à Doha, ville où il était établi depuis 2019. Les funérailles du dirigeant palestinien se sont déroulées en deux temps. 

Jeudi, une foule gigantesque, brandissant les portraits du leader du Hamas et des drapeaux palestiniens, s’est massée à l’Université de Téhéran, au centre de la capitale iranienne, où la dépouille de Haniyeh et celle de son garde du corps Wassim Abou Shaban, étaient exposées pour une cérémonie solennelle. 

La prière funéraire a été dirigée par l’ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême de la révolution islamique en Iran. Etaient alignés derrière lui de hauts responsables iraniens, à commencer par le président Massoud Pezeshkian ainsi que le commandant en chef des Gardiens de la révolution iranienne, le général Hossein Salami. Côté Hamas, il y avait entre autres Khalil Al Haya, membre du bureau politique du parti. 

Le coffre en bois renfermant la dépouille des deux martyrs est aux couleurs du drapeau palestinien. Un portrait de Haniyeh avec sa bouille ronde souriante entourée d’un collier de barbe orne le cercueil. Et cette inscription : «Le chahid et moudjahid Ismaïl Abdessalam Ahmad Haniyeh». A côté gît celui de son ange-gardien Wassim Abou Shaban. Une image émouvante largement partagée montre un des fils de Haniyeh profondément affligé, enlaçant affectueusement son cercueil. 
 

Haniyeh aurait été tué par une bombe «dissimulée deux mois auparavant»

La dépouille du chef du bureau politique du Hamas a été ensuite transférée le même jour à Doha. La prière du mort s’est tenue ce vendredi, à la mosquée de l’imam Muhammad Ibn Abdelwahab après «salate al joumouaa», en présence, là aussi, d’une foule immense. Ismaïl Hanniyeh a été enterré au cimetière de Lusail, à environ 15 km au nord de Doha. 

Outre l’assassinat du président du Hamas, Israël a éliminé mardi soir, pour rappel, Fouad Chokr dit Sayyed Mohssen, haut cadre militaire du Hezbollah et bras droit de Hassan Nasrallah. Il a été tué par une frappe aérienne qui a visé un immeuble qui l’abritait situé à Harat Hreik, fief du Hezbollah, dans la banlieue sud de Beyrouth. Le raid a coûté la vie à sept personnes, dont cinq civils (trois femmes et deux enfants), selon le ministère libanais de la Santé. 

Par ailleurs, l’armée israélienne a annoncé, jeudi 1er août, l’élimination de Mohammad Al Daïf, le chef des Brigades Ezzedine El Qassam, la branche militaire du Hamas. Il aurait été touché lors du massacre du 13 juillet sur le camp d’Al Mawassi, près de Khan Younès, qui avait fait 92 morts et 300 blessés. Pour Yoav Gallant, le ministre israélien de la Défense, la mort de Mohammad Al Daïf constitue «un grand pas vers la destruction du Hamas», et permet «d’atteindre ainsi les objectifs de la guerre contre Ghaza». 
 

Sauf que cette série d’assassinats n’est pas sans conséquences pour l’Etat hébreu. De toute évidence, «Mihwar Al Moqawama», «l’Axe de la résistance» mené par l’Iran, ne va pas se laisser décapiter, loin s’en faut. «Israël se prépare à une riposte coordonnée par l’Iran et les partis et les groupes (qui lui sont proches) au Yémen, au Liban, en Syrie et en Irak», a annoncé Al Jazeera en relayant une information donnée par des médias israéliens. Mercredi, l’ayatollah Ali Khamenei a clairement déclaré que le sang de son hôte Ismaïl Haniyeh sera vengé, et le Guide suprême de la révolution islamique a d’ores et déjà donné l’ordre d’attaquer Israël. 

Signalons que jusqu’à maintenant, l’assassinat de Haniyeh n’a toujours pas été officiellement revendiqué par l’entité sioniste. Selon le New York Times, le dirigeant du Hamas n’aurait pas été tué par un missile, mais par «une bombe dissimulée deux mois auparavant» dans la maison d’hôte où il était hébergé à Téhéran. 
 

Des dizaines de roquettes tirées par le Hezbollah

De son côté, Hassan Nasrallah a promis l’enfer à Israël après la liquidation de Fouad Chokr. «L’ennemi doit absolument s’attendre à une réponse inéluctable de notre part», a-t-il martelé jeudi dans un discours télévisé. «Israël n’a pas conscience des lignes rouges qu’il a franchies. Ce qui s’est passé dans la banlieue sud (de Beyrouth) est une agression et pas seulement un assassinat», a-t-il ajouté.

 «Sur tous les fronts de soutien, nous avons franchi une nouvelle étape, différente des étapes précédentes, et qui dépend du comportement de l’ennemi», a averti le leader chiite libanais, prédisant «une bataille ouverte sur tous les fronts». Le soir même, le Hezbollah a lancé une salve de roquettes sur Israël. Dans un communiqué, il a affirmé avoir «lancé des dizaines de roquettes de type Katioucha» sur le kibboutz de Matzuva, «en riposte à l’attaque de l’ennemi israélien contre la localité de Chamaa qui a tué plusieurs civils». 

L’armée israélienne a confirmé que de nombreux projectiles ont traversé le ciel israélien depuis le Liban et soutient en avoir intercepté quelques-uns. «Le reste est tombé dans des zones dégagées» a-t-elle assuré, rapporte l’AFP. Il faut toutefois garder à l’esprit que le Hezbollah et Israël échangent quotidiennement des tirs, et ce, depuis le 8 octobre 2023, date à laquelle le «Hizb» a ouvert un front à la frontière israélo-libanaise en soutien à Ghaza. «Les violences transfrontalières entre le Hezbollah et Israël ont commencé peu après le début de la guerre à Ghaza. Elles ont fait au moins 542 morts, en majorité des combattants, mais aussi 114 civils» côté libanais, indique l’AFP. «Au moins 22 soldats et 25 civils ont été tués côté israélien, dont 12 jeunes dans un tir de roquette sur le plateau du Golan, selon les chiffres de l’armée»,  ajoute la même source.


Qui succèdera à Ismaïl Haniyeh ?

Depuis l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh, la question de sa succession est sur toutes les lèvres. Selon le quotidien londonien Al Sharq Al Awssat, le conseil consultatif du Hamas (Majliss echoura) se réunira dans les prochains jours pour désigner son remplaçant sans donner de date. Parmi les profils pressentis pour prendre la tête du Hamas, d’après une liste de noms établie par l’AFP, figure Khalil Al Haya, «chef adjoint du bureau politique régional du Hamas à Ghaza», proche de Yahya Sinouar. Khalil Al Haya était l’ancien chef du bloc parlementaire du Hamas, après les législatives de 2006. Il fait partie de la délégation des négociateurs palestiniens pour un cessez-le-feu à Ghaza. 

Autre poids lourd du mouvement de résistance palestinien : Khaled Mechaal. C’est lui, faut-il rappeler, qui était à la tête du bureau politique du Hamas et sa figure charismatique avant l’intronisation d’Ismaïl Haniyeh aux commandes en 2017. «Il vit en exil depuis 1967, en Jordanie, au Qatar, en Syrie et dans d’autres pays», note l’AFP. Son destin a basculé après l’assassinat d’Ahmed Yassine, puis son successeur Abdelaziz Al Rantissi, les deux chefs suprêmes du Hamas tués par des missiles dans un court intervalle de temps, en 2004. Lui-même a miraculeusement échappé à une tentative d’assassinat par le Mossad en 1997 à Amman, en Jordanie. 


Un nom est cité également : Yahya Sinouar, le chef du Hamas à Ghaza. Agé de 61 ans, ce natif de Khan Younès a participé à la première Intifada de décembre 1987 et a été parmi les fondateurs du Hamas la même année. Il a fondé et dirigé dans la foulée le «Majd», le service de sécurité du mouvement islamiste. Il passera 23 ans dans les geôles israéliennes, jusqu’en 2011. 

Il a été ensuite un des chefs militaires les plus en vue des Brigades Al Qassam. 
Autre possible successeur : Moussa Abou Marzouk qu’on a vu dernièrement lors de la réunion de conciliation des factions palestiniennes à Pékin. C’est lui qui représentait en effet le Hamas à ce conclave parrainé par la Chine. Membre influent au sein du bureau politique du Hamas, il «est considéré comme similaire à Haniyeh dans son approche pragmatique des négociations», relève l’AFP. Réputé modéré, Moussa Abou Marzouk est favorable à une solution à deux Etats sur la base des frontières de 1967. 
 

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