Publié par le Crasc d’Oran : Parution du 100e numéro de la revue Insaniyat

28/01/2024 mis à jour: 02:34
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Le centième numéro de la revue Insaniyat, éditée par le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d’Oran, vient de paraître sous le titre : Algérie 60 ans après l’indépendance. Regards croisés. «Loin d’être un numéro-anniversaire, cette 100e livraison est pensée autour de ce qui fait le socle de la revue et sa marque de fabrique : l’histoire, la société, l’urbanisme et l’éducation. 

Ces objets de recherche participent ainsi à une anthropologie sociale et culturelle de l’Algérie que le Crasc et Insaniyat promeuvent depuis 1992 et 1997», note Ammar Manaa, directeur du Crasc. Le comité de rédaction de la revue souligne que le 100e numéro, coïncidant avec le 60e anniversaire de l’Algérie, «rappelle le long parcours, parsemé d’embûches, du processus de construction et de reconstruction d’une société et de ses acteurs. 

C’est un exercice de mémoire et de mise en perspective de l’expérience accumulée par la revue depuis plus de 25 années». Les textes proposés, poursuit le comité, «portent aussi bien sur la question des paradigmes que des conditions en lien avec la pratique des sciences sociales sur des terrains pluriels». 

Dans son étude «L’Algérie agricole et rurale 60 ans après : de la décolonisation au modèle concessionnaire», Omar Bessaoud explique les raisons de «la transition opérée au cours de ces 60 dernières années, où la figure sociale du fellah et du prolétaire agricole, partenaire social privilégié de l’Etat, cède la place à une classe moyenne d’agriculteurs et d’entrepreneurs agricoles». 

«Les politiques publiques d’inspiration libérale adoptées dès les années 1980 ont mis fin aux termes d’un compromis noué entre l’Etat et les fractions paysannes issues du système colonial (prolétariat et sous-prolétariat agricole, petits paysans) ainsi qu’avec les communautés rurales traditionnelles», souligne-t-il dans sa conclusion. 

Ahmed Amine Dellaï propose de faire le «bilan provisoire» de la recherche sur le melhoun. «Il s’agit de questionner avant tout ce qui rend visible cette recherche, c’est-à-dire principalement les publications que nous avons identifiées et rassemblées dans notre bibliographie générale du melhoun», relève-t-il. 
«Crédibilité scientifique »
 

Ammara Bekkouche esquisse, lui, une chronologie «de l’évolution du milieu professionnel des architectes depuis l’indépendance à nos jours». «Son observation établit une périodisation générationnelle des mutations et des enjeux qui animent les phases de transition. Elle apporte un éclairage sur la situation actuelle à travers les changements institutionnels de formation et d’organisation de la profession en lien avec l’évolution de la société. Outre les clivages statutaires entre les praticiens et les enseignants, elle met en évidence des moments de fléchissement et de ruptures subies au cours de l’évolution des modes d’organisation adoptés», note-t-il. 

Saddek Benkada dresse quelques jalons préliminaires à propos de la Zone autonome d’Oran (avril-septembre 1962). «Les deux Zones autonomes d’Alger et d’Oran, qui ont existé durant la période transitoire (mars-septembre 1962), ont été créées en dehors de toute instance légale de la Révolution. Le motif invoqué de leur création répondait à la nécessité d’apporter un soutien armé aux réseaux FLN des deux villes pour défendre et canaliser les populations algériennes contre les incursions, de plus en plus ‘‘audacieuses’’, de l’OAS contre les quartiers à fortes populations algériennes», résume-t-il. 

Houria Djilali met l’accent sur «l’articulation entre la dynamique politique, sociale et culturelle, induite par l’avènement du Mouvement national et le mouvement associatif en Oranie, entre 1919 et 1945». 

Karim Khaled évoque les parcours, trajectoires et stratégies migratoires de l’intelligentsia algérienne post-indépendance. Il se focalise sur le cas de Mohamed Madoui (1962-2016). «Ce travail est une analyse compréhensive des parcours, des trajectoires et des stratégies migratoires de l’intelligentsia algérienne depuis l’indépendance. Pour ce faire, nous nous appuyions sur une étude de cas d’un enseignant-chercheur universitaire, en retraçant, sous forme d’un entretien, son parcours migratoire, allant de son pays natal jusqu’au pays d’accueil, où il s’est installé. 

Il s’agit de Mohamed Madoui (1962-2016) dont le parcours migratoire est choisi pour être un cas illustratif de mise en lumière des grands moments migratoires des intelligentsias algériennes depuis l’indépendance. Ce choix n’est guère fortuit car il a pour finalité de saisir ce processus migratoire socialisateur caractérisé par des processus de rupture, d’exil et de retour», estime-t-il. 

Deux contributions apportent un regard fort intéressant : l’ancienne ministre de l’Education Nouria Benghabrit-Remaoun traite de l’évolution du secteur de l’éducation «qui a été, dès l’indépendance, considéré comme un moyen d’accéder au développement, tout en permettant à tous les Algériens l’exercice d’un droit fondamental» ; le défunt historien Mohamed Ghalem s’intéresse à la question de l’écriture historique durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle. 

A ces textes, s’ajoute l’entretien de Hassan Remaoun, historien, ancien membre du comité de rédaction de la revue Insaniyat, puis membre de ses comités de lecture et de parrainage scientifique. Relevant que la présente livraison est un «hommage rendu aux fondateurs de la revue et à celles et ceux qui ont cru, dans une période difficile pour le pays, qu’un projet scientifique, audacieux pouvait réussir», le directeur du Crasc précise que la revue bilingue (et bientôt trilingue), pluridisciplinaire, animée par une équipe intergénérationnelle, «a su s’adapter aux exigences de la recherche internationale, tout en ouvrant ses colonnes aux jeunes chercheurs et aux doctorants». L’engagement de l’équipe rédactionnelle est «récompensé» par la visibilité de la revue : «En 2022, plus de 2 millions de lecteurs ont consulté Insaniyat dans Open Edition ; ce qui fait d’elle la revue la plus consultée sur cette plateforme. 

Ce classement constitue à la fois une lourde responsabilité et un défi à relever. Il s’agit de poursuivre la promotion de la revue, tout en lui gardant sa crédibilité scientifique.» 
 

 

 

 

EXTRAIT

«(…) il est certain que la recherche scientifique ne peut toujours être menée par des chercheurs isolés, et un travail individuel quelle que soit la bonne volonté de tout un chacun ne peut embrasser l’étendue des savoirs et compétences qui nécessitent d’être mobilisés pour une approche féconde de chaque segment d’une réalité ou phénomène marqués par le sceau de la complexité et pouvant d’ailleurs aussi bien relever du naturel que du social. Bien sûr il y a les références bibliographiques, état de l’art et autres sources auxquelles chacun se doit de faire appel dans son travail en évitant de taire les noms de ceux sur lesquels il s’appuie et auxquels il emprunte pour l’élaboration de sa propre contribution. Cela constitue cependant le minimum requis mais encore insuffisant et rien ne peut remplacer le travail d’équipes mobilisées dans le cadre d’institutions crédibles et de communautés scientifiques exerçant la pensée critique et ciblant la performance. Le travail d’équipe basé sur le débat et l’échange permet aussi le contact inter-générationnel et la formation des plus jeunes auprès des aînés, ainsi qu’une meilleure possibilité d’être connecté en réseaux locaux, nationaux ou mondiaux décuplant ainsi la circulation de l’information et des connaissances. Le résultat ne peut qu’en être plus riche et satisfaisant.» Hassan Remaoun, entretien réalisé par Amar Mohand-Amer et Djilali El Mestari.  
 

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