Publication - Gouvernement berbère, La Cité kabyle dans l’Algérie précoloniale de Hugh Roberts : L’autre lecture de l’organisation sociopolitique de la Kabylie

03/01/2024 mis à jour: 17:25
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Photo : D. R.

Sorti d’abord en anglais en 2014, l’ouvrage est traduit au français par Charlotte Perrin et édité en juin 2023 par les éditions Barzakh. Le livre est un véritable document permettant au lecteur de comprendre cette spécificité de la Kabylie qui est toujours incomprise, y compris chez une large partie d’Algériens.

L’organisation sociale et politique de la Kabylie continue d’inspirer les chercheurs, notamment occidentaux. Les travaux présentés sur le sujet se complètent et parfois se contredisent. Mais la question suscite la curiosité toujours grandissante des spécialistes de la sociologie politique.

Parmi eux, il y a le professeur de l’histoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à Tufts University (Boston, USA), Hugh Roberts.

De par sa connaissance intime de l’Algérie, et plus particulièrement de la Kabylie, où il a enseigné l’anglais dans les années 1970 (à Bouira plus précisément) et dans laquelle il n’a pas cessé de se rendre, y compris durant les années 1990, le professeur Hugh s’intéresse lui aussi à cette organisation de la cité kabyle d’avant le colonialisme français.

Il produit ainsi un essai historique passionnant, intitulé Gouvernement berbère : La Cité kabyle dans l’Algérie précoloniale. Sorti d’abord en anglais en 2014, l’ouvrage est traduit au français par Charlotte Perrin et édité en juin 2023 par les éditions Barzakh.

Le livre est un véritable document permettant au lecteur de comprendre cette spécificité de la Kabylie qui est toujours incomprise, y compris chez une large partie d’Algériens. En plus du travail de terrain, Hugh Roberts s’est appuyé aussi les travaux réalisés par de nombreux autres chercheurs, anthropologues, sociologues et historiens ayant analysé cette société Kabyle.

Mais l’auteur adopte une autre vision et s’oppose souvent aux conclusions de ses prédécesseurs. Ce livre, comme souligné dans la quatrième de couverture, «propose une vision complètement neuve dans l’étude des systèmes politiques berbères (...) Hugh Roberts opère un changement de paradigme radical dans l’analyse des logiques internes dans la cité kabyle et du développement politique de la Grande Kabylie entre 1509 et 1765».

Après un bref rappel des études faites avant lui et la comparaison «erronée» entre la société kabyle et celle du Rif au Maroc, l’auteur consacre un important chapitre à «la remarquable logique qui sous-tend l’organisation politique kabyle et le degré d’autonomie dont elle était dotée».

L’ouvrage met en lumière l’organisation de la société des Igawawen du Djurdjura (une partie de l’actuelle wilaya de Tizi Ouzou) qui offre, selon l’auteur, «l’exemple le plus développé de la tradition d’organisation politique centrée sur l’assemblée du village, appelé “thajmaât”, et le parti, connu sur le terme de “ṣef” qui structuraient les délibérations, tout en faisant face aux crises pour sauvegarder l’intérêt général».

Hugh Roberts revient aussi sur les lois de la cité kabyle, avant de consacrer aussi un important chapitre à la relation entre le Royaume de Koukou d’Ahmed Ou El Kadi, les Hafsid qui gouvernaient la Tunisie et une partie de l’Est algérien ainsi que les Ottomans, particulièrement les frères Barberousse.

Il met ainsi en avant l’origine du litige entre le chef du royaume de Koukou et les frères Barberousse qui avaient des visées sur les territoires de la dynastie des Zianides (Tlemcen). Le livre n’a pas également omis de traiter le sujet de l’exhérédation de la femme kabyle et le lien de la décision avec la présence ottomane en Algérie.

Qui est Hugh Roberts ? Un vrai spécialiste de l’Algérie. Enseignant de l’histoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à l’université de Tufts (Etats-Unis), le professeur britannique Hugh Roberts a consacré la majeure partie de sa carrière à produire des recherches sur l’histoire du pays et plus particulièrement sur la Kabylie.

Son premier ouvrage édité en 2014 par les éditions Barzakh était intitulé, The Battlefield : Algeria 1988-2002, Studies in a broken polity (Verso, 2003). Berber Government : the Kabyle polity in pre-colonial Algeria édité d’abord en anglais en 2014 et traduit en français en 2023 est sa deuxième œuvre sur le sujet qu’il maîtrise parfaitement.

En effet, dès l’obtention de son diplôme à l’université d’Oxford, Hugh Roberts a entrepris des recherches doctorales sur l’Algérie. Il a d’abord passé un an à enseigner l’anglais à Bouira dans la région de Kabylie et une autre année en tant que boursier du gouvernement français à l’université d’Aix-Marseille tout en effectuant un travail de terrain approfondi en Algérie pendant les vacances.

«J’ai enseigné la politique et l’histoire politique à la School of Development Studies de l’université d’East Anglia de 1976 à 1988, puis j’ai travaillé à Londres en tant qu’universitaire indépendant et écrivain indépendant afin de pouvoir suivre à plein temps l’évolution de la crise en Algérie», écrit-il dans l’espace qui lui est réservé sur le site de l’université Tufts.

Après un passage dans de nombreuses universités anglaises et américaines, le professeur a vécu aussi, de 2001 à 2012, au Caire en Egypte où il a poursuivi son travail sur l’Algérie, tout en lançant des recherches supplémentaires sur l’histoire politique égyptienne et l’histoire de l’islamisme en Afrique du Nord.

Hugh Roberts Gouvernement berbère, La Cité dans l’Algérie précoloniale, Essai traduit de l’anglais par Charolette Perrin. Edition Barzakh-500 pages. Juin 2023. Prix public : 1500, 00 DA

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